La véritable bataille contre l’alzheimer commence
De quoi on parle
Le 21 septembre est la journée mondiale Alzheimer. Cette année, l’édition était placée plus que jamais sous le signe de la mobilisation et de l’espoir, suite à l’annonce cet été de résultats encourageants pour trois médicaments en cours d’essais cliniques. Pas de miracle encore, mais la perspective dans les années à venir d’un frein à l’avancée de cette pathologie dévastatrice: 116000 malades en Suisse selon l’Association Alzheimer Suisse, et près de 47 millions dans le monde selon Alzheimer’s Disease International.
Retenez bien ces noms: Aducanumab, Solanezumab, Crenezumab. En faisant cet été l’objet d’annonces prometteuses de la part de leurs propriétaires respectifs, les laboratoires pharmaceutiques Biogen, Eli Lilly et Roche, ces molécules aux matricules alambiqués ont ravivé la fougue dans un combat qui semblait s’enliser depuis des décennies, celui qui oppose nos mémoires à la maladie d’Alzheimer. Et pour cause, ces substances sont les possibles ingrédients de futurs vaccins anti-alzheimer. De là à crier victoire, il y a un pas, encore immense. «Nous sommes loin du traitement miracle, réagit le Pr Panteleimon Giannakopoulos, chef du service de psychiatrie générale aux Hôpitaux universitaires de Genève. Mais il est vrai que ces molécules, encore en cours d’essais cliniques, montrent quelques résultats encourageants pour freiner la maladie lorsqu’elle est à un stade précoce.» Aducanumab et ses homologues ciblent l’une des racines du problème: le peptide bêta-amyloïde.
Fragment d’une molécule naturellement présente dans notre corps (la protéine précurseur de l’amyloïde, APP), ce peptide est toxique lorsqu’il s’accumule autour des neurones pour former les plaques amyloïdes. Celles-ci se trouvent normalement dans le cerveau vieillissant mais l’inondent en cas de maladie d’Alzheimer. D’où l’idée d’une piste suivie depuis plus de dix ans, jusque-là sans succès: injecter des anticorps susceptibles de grignoter ces plaques. Aujourd’hui, cette approche commence à être efficace, ce qui permet de faire régresser les amas toxiques.
Mais cela n’est pas suffisant. «Nous constatons que l’élimination de ces plaques dites «séniles» peut ralentir l’évolution de la maladie, mais ne fait pas régresser les symptômes déjà présents, note le Pr Giannakopoulos. Tout porte à croire qu’au moment où les manifestations de la maladie apparaissent, celle-ci sévit depuis plusieurs années et des neurones sont déjà morts.»
Un traitement dans une décennie?
Le défi est donc de taille, et ces plaques amyloïdes pourraient n’être que la partie émergée de l’iceberg. «Nous sommes face à une maladie extrêmement complexe, souligne le Pr Jean-François Démonet, neurologue et directeur du centre Leenaards de la mémoire au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) à Lausanne. Nous aurons sans doute besoin de la combinaison de plusieurs molécules pour la combattre, à l’instar de la trithérapie pour le sida. Et puis il y a diverses voies menant à la maladie, autrement dit plusieurs façons de la développer. Chez certaines personnes, les plaques amyloïdes, pour ne citer qu’elles, semblent dues à un défaut des mécanismes internes de «nettoyage», chez d’autres à une surproduction du peptide bêta-amyloïde. Il n’est donc pas dit qu’un même vaccin fonctionnera chez tout le monde.»
Une bonne hygiène de vie protège les neurones
Si la recette «anti-alzheimer» n’est pas connue à ce jour, des axes de prévention se dessinent, les mêmes que ceux plébiscités contre les maladies cardio-vasculaires. Et pour cause, «ce qui est bon pour le cœur est bon pour le cerveau, indique le Pr Jean-François Démonet, neurologue et directeur du centre Leenaards de la mémoire au CHUV. A l’inverse, nos excès et nos dysfonctionnements se répercutent insidieusement sur les neurones tout au long de la vie.» Parmi les facteurs de risques favorisant la maladie d’Alzheimer: l’obésité, le tabagisme, le diabète, la dépression, le faible niveau d’éducation ou encore l’hypertension artérielle. «La meilleure prévention passe donc par une hygiène de vie la plus poussée possible, et ce dès que possible dans la vie», résume le spécialiste. Et d’ajouter: «Même si le nombre de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer continue sa progression en raison du vieillissement de la population, les chiffres constatés sont en dessous des prévisions faites il y a vingt-cinq ans. L’hypothèse la plus probable est que les messages de prévention fonctionnent et commencent à porter leurs fruits.»
Le chemin vers un traitement est donc encore long. Un pronostic? «Nous devrions avoir des résultats plus solides d’ici quatre à cinq ans. Pour un traitement curatif, je miserais sur la prochaine décennie, si nous avons de la chance», avance le Pr Giannakopoulos.
Pour l’heure, il y a malgré tout une urgence: encourager le dépistage et la prise en charge le plus tôt possible, car le dénuement thérapeutique n’est pas absolu. Les deux principales familles de médicaments à disposition sont les anticholinestérasiques –efficaces chez 50% des patients en ralentissant de deux ans les symptômes grâce à la stimulation des capacités de concentration– et la mémantine qui calme l’agressivité souvent associée à la maladie. L’autre approche est non médicamenteuse. «A l’aide de la psychothérapie, des groupes de paroles, de la musicothérapie ou encore des cliniques de jour, l’objectif est de garder l’être humain bien vivant, en l’aidant à préserver ses ressources, et à protéger l’équilibre psychologique des proches», explique le Pr Giannakopoulos.
Les proches justement sont de plus en plus impliqués dans la prise en charge: «Leur regard est précieux pour le diagnostic et c’est en grande partie d’eux dont dépend le maintien à domicile des patients. Rudement mis à l’épreuve au quotidien, ils ont eux aussi besoin d’information et de soutien», alerte Marie-Hélène Laouadi, infirmière de liaison du Réseau Santé Région Lausanne en charge d’une consultation spécifique pour les proches au Centre Leenaards de la mémoire au CHUV.
Des initiatives pour une prise en charge précoce
A l’aube de la journée mondiale Alzheimer 2015, pas de traitement encore pour stopper la maladie, mais un impératif: casser un cercle vicieux dramatique. «La moitié des personnes atteintes de démence ne sont pas diagnostiquées, déplore Birgitta Martensson, directrice de l’Association Alzheimer Suisse. La plupart tardent à consulter pour des raisons liées à la peur de se voir confirmer la perte de mémoire et par crainte de la stigmatisation.» Un délai pendant lequel les troubles s’aggravent et les proches s’épuisent. Et de poursuivre: «A condition d’être conseillés et accompagnés au plus tôt, la personne atteinte et ses proches ont encore de belles années devant eux! Cette approche implique également la société dans son ensemble.» Parmi les nouvelles initiatives de l’Association Alzheimer Suisse: un travail de proximité avec les communes et un site d’information pour le grand public (www.memo-info.ch).
Appel aux patients
Le combat continue donc et ne peut se faire qu’en associant les forces. Au sein des familles, mais pas seulement. Les patients ont besoin de la recherche, et la recherche, des patients! «En acceptant les examens proposés pour leur diagnostic, les malades contribuent aussi à faire avancer les connaissances», signale le Pr Démonet. De quoi s’agit-il? Prise de sang à la recherche de possibles biomarqueurs caractéristiques de la maladie, ponction lombaire pour détecter la présence de peptide bêta-amyloïde ou de protéines tau anormales (autre indice de la maladie), ou encore imagerie médicale pour observer les fameuses plaques amyloïdes. Et le spécialiste de conclure: «Percer le mystère des mécanismes à l’origine de la maladie sera la condition sine qua non pour en trouver le remède.»
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