Démences: pourquoi les loisirs sont essentiels

Dernière mise à jour 10/11/16 | Article
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Musique, danse, rythmique mais aussi art: ces activités contribuent au bien-être des personnes atteintes de démences.

La musique a, de tout temps, été parée de multiples vertus, y compris thérapeutiques. Dans l’Antiquité déjà, on lui attribuait des pouvoirs guérisseurs. Au fil du temps, elle a gagné sa place en tant que pratique médicale, au point que l’on parle aujourd’hui de musicothérapie.

Tout comme le langage, la musique sollicite des réseaux neuronaux impliquant de multiples aires cérébrales. L’imagerie a montré que la musique sollicite une interaction permanente entre les deux hémisphères.

Plusieurs études ont en outre apporté la preuve que le fait de jouer de la musique depuis l’enfance avait des retombées positives sur les fonctions cognitives. Mais ces bénéfices persistent-ils lorsqu’on est âgé, et notamment si l’on est atteint d’une démence? Jean-François Démonet, directeur du Centre Leenaards de la mémoire au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), en est persuadé. «Le cerveau est un organe qui n’est que vibration et il existe une parfaite harmonie entre son activité et les vibrations de la musique.» Dans la mesure où «les maladies du vieillissement altèrent ces vibrations cérébrales, tout ce qui contribue a les rétablir est bénéfique».

La mémoire est un voyage

La danse et la rythmique, qui associentle son et le mouvement, de mêmed’ailleurs que bien d’autres activités–tout particulièrement les activitésphysiques dont les bienfaits sur lesfonctions cognitives ont largement étédémontrés–, sont donc sources de bienfaits.Notamment pour la mémoire. «Seremémorer, c’est naviguer, voyager,souligne Jean-François Démonet. C’estremonter dans l’espace-temps, pouraller chercher un souvenir.» Ce qui apour effet d’activer les cellules de l’hippocampe,cette structure cérébrale trèsimpliquée dans la mémoire. «Si l’on mobilisesouvent ces cellules en pratiquantune activité dans laquelle on s’investit,qui est ludique et émotionnellementpositive, il est évident que cela fait dubien au cerveau.» Mais que choisir, larandonnée, le golf, le chant, la valse oul’aquarelle? «Ce qui vous fait plaisir»,répond le neurologue du CHUV.

L’important est de mobiliser son corps et son esprit, comme l’ont montré des chercheurs américains de l’Université Johns Hopkins. Après avoir mené une enquête épidémiologique auprès de 3400 personnes de plus de 65 ans, ils ont constaté que les personnes âgées qui restaient actives étaient moins touchées que les autres par des démences. Qu’importent la nature des activités pratiquées et l’intensité de l’effort accompli. D’après les auteurs de l’étude, ce qui compte, c’est essentiellement la diversité ainsi que la richesse cognitive et sociale de ces activités. Il ne faut, en effet, pas oublier, rappelle Jean-François Démonet, que le cerveau est un «organe social». En outre, ajoute-t-il, «s’il y a une chose qui plaît au cerveau et qui stimule les neurones de l’hippocampe, c’est la nouveauté».

Pour autant, les pratiques artistiques, physiques ou intellectuelles permettent-elles d’améliorer la mémoire? «Cela n’a pas été démontré», répond le neurologue. Il est vrai que «la tendance est de proposer aux patients des programmes personnalisés d’activités, ce qui rend les études très difficiles», puisqu’on ne peut pas tirer de conclusions en étudiant des situations non comparables. Quoi qu’il en soit, la musique, la danse et les exercices physiques améliorent indéniablement le bien-être, à tout âgé, que l’on soit ou non atteint de démence.

Le bilinguisme est bon pour le cerveau

Parler deux langues –ou plus– ralentirait le déclin cognitif dû au vieillissement et protégerait contre les démences. C’est ce que révèle une équipe internationale qui a étudié près de 650 patients atteints de diverses formes de démences et a constaté que chez ceux qui étaient bilingues, y compris les analphabètes, la maladie s’était déclarée en moyenne quatre ans et demi plus tard. Et cela, quels que soient leur niveau d’éducation, leur sexe, leur profession et leur lieu de résidence (en zone urbaine ou rurale). Les auteurs précisent même que, à 50 ou à 60 ans, «les bénéfices de l’apprentissage d’une seconde langue sont indiscutables». Une autre étude réalisée par des chercheurs de l’Université d’Edimbourg va dans le même sens, puisqu’elle indique que le fait d’être bilingue est associé à de meilleures performances cognitives à un âge avancé, que la deuxième langue ait été acquise dès l’enfance ou plus tard. D’après son auteur principal, Thomas Bak, «le bilinguisme mobilise plusieurs fonctions cognitives».

«Ces travaux sont tout à fait intéressants», commente Jean-François Démonet. Le directeur du Centre Leenaards de la mémoire –CHUV– n’est d’ailleurs pas surpris. «Autant de langues, précise-t-il, autant de musiques et de vibrations variées», lesquelles sont bénéfiques pour le cerveau. En outre, le bilinguisme implique «une aptitude à changer de langue et à profiter de la richesse de chacune d’elles». D’ailleurs, constate le neurologue, «le monolinguisme est une exception dans le monde, car, dans de nombreux pays, on parle naturellement plusieurs langues». L’évolution a donc probablement façonné le cerveau pour qu’il soit capable de passer d’un idiome à un autre.

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Paru dans Générations, Hors-série «Tout savoir sur notre mémoire», Novembre 2016.

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