Manger végétarien, c’est sain!
Ecologiques, éthiques… les divers régimes végétariens ont le vent en poupe. Assurément, la planète et les animaux s’en félicitent. Mais qu’en est-il de notre santé? Deux experts nous répondent.
De manière générale, un régime végétarien est bon pour la santé, explique Dimitrios Samaras, médecin nutritionniste installé à Genève et consultant aux Hôpitaux universitaires de Genève. «Les végétariens meurent moins de maladies dites non communicables comme les maladies du cœur et des vaisseaux, les accidents vasculaires cérébraux, certains cancers ou le diabète de type II.»
Le spécialiste, loin de décourager un patient adulte et en bonne santé qui souhaiterait devenir végétarien, y serait même très favorable. Mais ne risque-t-on pas de manquer de certains éléments nutritionnels, de carences, à supprimer ainsi de son alimentation viande et poisson, voire tout produit animal? Pas forcément.
Carences, quelles conséquences
Fer. Un manque de fer peut provoquer une anémie (baisse du taux d’hémoglobine dans le sang), de la fatigue, des pertes de cheveux, des ongles cassants.
Iode. L’adjonction d’iode dans le sel atténue les effets de ces carences. En l’absence d’iode, on peut développer un goitre, un gonflement du cou né d’un agrandissement de la glande thyroïde.
Vitamine B12. Une quantité insuffisante de vitamine B12 dans notre alimentation peut causer des anémies, des atteintes des nerfs périphériques et augmente le risque de démence.
Oméga-3. Une alimentation trop pauvre en oméga-3 augmente le risque de maladies du cœur et des vaisseaux.
Zinc. Sans zinc dans notre alimentation, notre cicatrisation serait moins bonne et nos cheveux et ongles moins beaux. Notre thyroïde fonctionnerait également moins bien. Le zinc est par ailleurs important dans le fonctionnement de notre système immunitaire.
Contrôler son alimentation
«Un ovo-lacto-végétarien, qui mange donc des œufs et des produits laitiers, a très peu de risque de carences par rapport à une personne omnivore», détaille ainsi Fanny Merminod, présidente de l’Antenne des diététiciens genevois. Le végétalisme demande par contre plus d’attention pour éviter de manquer de certaines vitamines ou micronutriments. La raison en est simple, poursuit la diététicienne: «Plus on enlève d’éléments à son régime alimentaire, plus la variété alimentaire est réduite. Or, c’est cette diversité qui garantit la richesse en nutriments de notre alimentation.»
Le fer est l’élément qui peut le plus manquer aux végétariens, détaille le Dr Samaras. «Particulièrement chez une femme en âge de procréer, qui a des menstruations abondantes et des taux de fers chroniquement bas. Dans ce cas, il est prudent de contrôler régulièrement ce taux et de fournir du fer à l’organisme en comprimés ou en injections. Avec le temps, on trouve souvent un rythme de croisière. Par exemple, trois mois de supplémentation d’office par an.»
Sans œufs et sans lait, les végétaliens peuvent eux manquer de vitamine B12, d’iode, de calcium et de zinc (lire encadré). Il y a donc un risque réel qu’ils soient dépendants de compléments alimentaires pour pallier ce fait. Ces personnes « doivent être des consommateurs très conscients en ce qui concerne l’alimentation et faire des contrôles pour vérifier qu’elles ne connaissent pas ces carences », recommande le spécialiste.
Prise de conscience
La qualité des protéines qu’ils ingèrent est un autre élément auquel doivent être attentifs les végétaliens. Neuf acides aminés sont dits essentiels car nous ne pouvons presque pas les synthétiser dans notre corps. Les protéines animales ont l’avantage de contenir l’ensemble de ces acides aminés essentiels en quantité suffisante, elles sont donc dites de haute qualité. Les protéines d’origine végétale, par contre, ne comportent pas certains acides aminés essentiels, explique Fanny Merminod. Il faut donc combiner plusieurs sources de protéines végétales, par exemple en associant céréales et légumineuses (lentilles, pois chiches, haricots, soja, entre autres), pour obtenir la même qualité nutritionnelle.
Il est important de porter une certaine vigilance à son alimentation si l’on est végétarien, encore davantage si l’on est végétalien. Mais les professionnels apprécient cette prise de conscience. «J’observe que de nombreuses personnes se rendent compte que l’alimentation est leur premier médicament, confie le Dr Samaras. Ils veulent mieux manger et comprendre quels aliments leur conviennent le mieux, c’est dans ce cadre que beaucoup décident de devenir végétariens.»
Les omnivores aussi peuvent bénéficier d’une telle réalisation. Une des raisons de la mortalité moindre des végétariens est qu’ils mangent davantage de fruits, de légumes et de légumineuses, rappelle Fanny Merminod, ce qui diminue leur risque cardiovasculaire et de certains cancers. Or, «une personne omnivore qui adopterait un tel régime tout en continuant à manger de la viande de manière raisonnable bénéficierait également de ces bienfaits».
Enfants et seniors: prudence
Si pour les adultes en bonne santé, le régime végétarien ne pose pas de problème particulier, il n’en va pas de même pour les enfants en croissance qui ont des besoins nutritionnels spécifiques. Ainsi, pour le Dr Samaras, l’idéal pour un enfant qui veut être végétarien serait de consommer aussi du poisson. «Cela garantit un apport suffisant d’acides gras oméga-3, notamment de l’acide dit DHA qu’on trouve rarement dans le monde végétal. Or, il est très important pour la croissance du système nerveux.» «Il faut bien suivre la courbe de croissance d’un enfant ovo-lacto-végétarien, prévient Fanny Merminod, et parler de son régime à son pédiatre. La consultation d’un diététicien est utile pour évaluer les apports de l’alimentation de l’enfant et éviter des carences, par exemple en protéines, fer et vitamine B12. C’est aussi l’occasion de discuter avec les parents des repas, puisqu’il se peut qu’ils ne soient pas végétariens eux-mêmes.»
Un régime végétalien est par contre «absolument à proscrire pour les enfants, martèle Dimitrios Samaras. Les carences en oméga-3 et en taurine qu’ils peuvent provoquer ont un impact négatif sur la stature et le poids.» La prudence est aussi de mise pour les personnes âgées. «Ce n’est pas parce que l’on prend de l’âge que l’on a besoin de moins de protéines, explique Fanny Merminod. Bien au contraire, il en faut et de bonne qualité pour limiter la perte musculaire et osseuse.» Les seniors végétariens ont donc tout à gagner à discuter de leurs apports en protéines avec leur médecin.