Sus au cholestérol

Dernière mise à jour 11/10/18 | Article
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Quand il est en excès dans le sang, le «mauvais» cholestérol peut conduire à un infarctus ou un accident vasculaire cérébral. Outre les statines souvent décriées, un nouveau médicament fait baisser son taux.

La situation n’a rien d’exceptionnel. Une visite chez son généraliste, une analyse de sang et le verdict du médecin tombe: «Vous avez trop de cholestérol». Mais au fond, est-ce grave, docteur? Cela peut l’être en effet. Car en se mêlant au calcium et à certains globules blancs, le cholestérol forme des plaques rigides qui s’accumulent sur la paroi intérieure des artères dont elles entraînent une diminution du diamètre utile. C’est ce qu’on nomme l’athérosclérose. Il s’agit d’un problème de tuyauterie. Les artères étant obstruées par endroits, le flux sanguin diminue et les «organes situés en aval ne sont plus suffisamment alimentés en oxygène et en sucre», explique Tinh-Hai Collet, chef de clinique dans le Service d’endocrinologie, diabétologie et métabolisme du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). A ce phénomène chronique et «mécanique s’ajoute parfois un autre, plus difficile à prédire: ces plaques peuvent se rompre». Leurs débris passent alors dans le sang et favorisent sa coagulation. Suivant la nature de l’artère bouchée, cela entraîne un infarctus du myocarde, un accident vasculaire cérébral (AVC) ou un arrêt de la circulation dans une jambe.

Un lipide aux multiples fonctions

Conseils pratiques

Pour faire baisser son taux de cholestérol, la première chose à faire est de modifier son mode de vie. Parfois, «cela suffit à éviter au patient de devoir prendre des médicaments», constate Tinh-Hai Collet, responsable de la consultation spécialisée des lipides du CHUV.

La recette est maintenant bien connue. Il est nécessaire d’arrêter le tabac, de ne boire de l’alcool qu’avec modération et de faire de l’exercice. Et bien sûr, de manger sainement, en suivant les conseils régulièrement prodigués par les diététicien-ne-s et nutritionnistes. C’est-à-dire, en faisant des repas équilibrés, riches en fibres –donc en fruits et légumes– mais pauvres en aliments contenant beaucoup de cholestérol, notamment les viandes et les œufs.

On ne parle de lui que quand il est en excès et qu’il inquiète. Mais en fait, le cholestérol a de nombreuses vertus. Il est même indispensable au bon fonctionnement de notre organisme, car il a de multiples fonctions. Ce lipide est l’un des constituants des membranes cellulaires «dans lesquelles il sert de stabilisateur et aide au transport de messagers», précise Tinh-Hai Collet. Il est utile au cerveau, dans lequel «il participe à l’isolation électrique du système nerveux». Il entre aussi dans la synthèse de certaines hormones (notamment sexuelles), de la vitamine D, ainsi que de l’acide biliaire qui permet de digérer les graisses.

Pour assurer toutes ces tâches, notre corps a besoin chaque jour d’un demi à un gramme de cholestérol. Celui-ci est «fabriqué pour moitié par le foie, le reste venant de l’alimentation –mais cela dépend bien sûr de ce qu’on mange». Mais il ne fait jamais défaut car, quand la nourriture n’en apporte pas assez, le foie compense en en produisant plus.

Tout se gâte lorsque son taux dans le sang est trop élevé. Cette hypercholestérolémie, comme on l’appelle, peut avoir une origine héréditaire –on a d’ailleurs déjà identifié trois gènes dont les mutations prédisposent à la forme familiale de la maladie. Mais «dans la grande majorité des cas, elle est due au mode de vie, notamment à une alimentation trop riche en graisses animales et au manque d’activité physique», souligne le responsable de la consultation spécialisée des lipides au CHUV (lire encadré).

Le «bon» et le «mauvais»

Comme toute matière grasse, le cholestérol est insoluble dans l’eau –et donc dans le sang. Pour pouvoir être transporté dans la circulation sanguine, il est «emballé» dans des protéines spécifiques qui, elles, sont hydrophiles. Contenant et contenu forment ce que l’on nomme les lipoprotéines qui sont nocives lorsqu’elles s’accumulent sur la paroi des artères.

Outre le cholestérol, ces mêmes protéines peuvent aussi véhiculer d’autres matières grasses qui, elles aussi, sont à la fois produites par l’organisme et apportées par l’alimentation. «Mais contrairement au cholestérol, qui n’est présent que dans les graisses animales, on en trouve aussi dans des graisses végétales». Il s’agit des triglycérides et des acides gras saturés et trans qui peuvent se déposer sur les parois artérielles (les acides gras insaturés et polyinsaturés ont plutôt un effet bénéfique).

Quoi qu’il en soit, les lipoprotéines sont classées en trois catégories. Les VLDL (Very Low Density Lipoprotein ou lipoprotéine à très basse densité) qui renferment beaucoup de graisse, et les LDL (Low Density Lipoprotein ou lipoprotéine à basse densité) qui en contiennent un peu moins. Toutes deux sont qualifiées, pour faire simple, de «mauvais» cholestérol, car «elles ont tendance à aller du foie à la périphérie et à se déposer dans les artères», souligne Tinh-Hai Collet. En revanche, les HDL (High Density Lipoprotein ou lipoprotéine à haute densité) sont considérées comme du «bon» cholestérol, car «elles peuvent capter les molécules de lipides circulant dans le sang et les ramener dans le foie qui les élimine. Quand leur taux est élevé, c’est un signe que l’organisme est mieux protégé contre les maladies cardiovasculaires».

Les statines en débat

Il n’y a pas de seuil absolu au-delà duquel on estime que l’on a de l’hypercholestérolémie. «Tout dépend de l’état de santé du patient, souligne le spécialiste du CHUV. Si une personne a un fort taux de cholestérol, mais que sinon elle va bien, on n’interviendra pas forcément, alors qu’on en traitera une autre qui présente un risque cardiovasculaire élevé, même si elle a un taux plus faible de cholestérol».

En première ligne des traitements médicamenteux figurent les statines, dont «l’efficacité est bien établie», selon Tinh-Hai Collet. Surtout en prévention secondaire, c’est-à-dire pour éviter une récidive chez les personnes qui ont déjà eu un infarctus ou un AVC. En prévention primaire, «son utilisation est conseillée chez les patients qui sont à haut risque cardiovasculaire», mais chez ceux qui sont à faible risque, le sujet fait l’objet de controverses «parmi les scientifiques et dans le grand public». Les débats portent aussi, et surtout, sur les effets secondaires des statines qui peuvent entraîner notamment des douleurs musculaires.

Ce problème pourrait être en partie réglé grâce à de nouveaux médicaments au mode d’action tout à fait différent, les anti-PCSK9. Deux d’entre eux sont commercialisés en Suisse depuis l’été 2016 et sont maintenant remboursés par les assurances à certaines conditions. Certes, comme la plupart des nouveaux médicaments, ils sont chers. Mais «ils sont très efficaces, souligne le spécialiste du CHUV. Injectés sous la peau, ils diminuent de moitié le taux de cholestérol et semblent provoquer moins d’effets secondaires que les statines sur les quelques années de suivi». Une bonne nouvelle pour tous ceux qui redoutent le verdict de leur médecin traitant.

Des alternatives aux statines

Pour celles et ceux qui ne veulent pas prendre des médicaments anti-cholestérol, il existe une alternative: la levure de riz rouge. «Elle a les mêmes propriétés –et les mêmes effets secondaires– que la lovastatine, l’une des statines synthétiques commercialisées, et son efficacité est clairement démontrée, précise Pierre-Yves Rodondi, directeur de l’Institut de médecine de famille de l’Université de Fribourg. Elle ne devrait toutefois être utilisée que si on n’a jamais eu d’infarctus ou d’AVC.»

Commercialisée dans de nombreux pays, la levure de riz rouge est interdite en Suisse depuis 2014, en raison d’une toxicité rénale possible. Une décision que l’expert en médecines complémentaires regrette. «Régulièrement, les personnes qui le souhaitent s’en procurent ailleurs ou se tournent vers une autre substance qui n’a aucun effet».

Pierre-Yves Rodondi met toutefois en garde ceux qui seraient tentés d’utiliser ce médicament naturel. «Le taux de levure de riz rouge varie beaucoup –entre 3 et 11 milligrammes– selon le comprimé qu’on achète, et peut contenir une toxine, la critrinine». Il faut donc se garder de la commander sur Internet, toujours acheter la même marque, avertir son médecin et faire contrôler régulièrement son taux de cholestérol. Et «évidemment, ne jamais prendre à la fois de la levure de riz rouge et des statines synthétiques».

Une autre option est de consommer des phytostérols. Ces lipides végétaux dont la structure est très proche du cholestérol animal «diminuent l’absorption du mauvais cholestérol». On les trouve dans divers aliments (notamment les noix, les graines oléagineuses et certaines huiles végétales), mais ils peuvent être aussi consommés sous forme de compléments alimentaires. Là aussi, un suivi du taux de cholestérol est nécessaire.

Quant aux fameux acides oméga 3, ils diminuent les risques cardiovasculaires quand on les consomme en mangeant des poissons gras, des noix ou des amandes, mais les études montrent que, «sous forme de compléments alimentaires, ils n’ont pas d’effet bénéfique».

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Paru dans Le Matin Dimanche le 12/08/2018.

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