Des start-up préparent la médecine de demain
Médecine et technologie: le mariage entre ces deux disciplines porte ses fruits. Les entreprises de biotechnologie – biotec h– fabriquent déjà de nombreux médicaments à partir de bactéries ou de cellules animales. D’autres, appartenant au secteur des technologies médicales – medtech –, commercialisent prothèses, implants et autres dispositifs médicaux. Ce n’est qu’un début. Dans leurs laboratoires, les universités, hautes écoles, grandes sociétés et starts-up préparent la médecine de demain.
A l’avenir, nous promet-on, les soins seront de plus en plus personnalisés de manière à offrir, à chacun d’entre nous, le traitement le mieux adapté à sa maladie. La médecine sera aussi «participative» selon Claude Joris, secrétaire général de l’association BioAlps, qui regroupe les institutions académiques et universitaires ainsi que les entreprises du secteur des sciences de la vie et de la santé de la Suisse occidentale (la Suisse romande et le canton de Berne). Chacun pourra être équipé de capteurs qui mesureront divers paramètres reflétant son état de santé. Toutes ces informations, relayées par un smartphone, «pourront être transmises au médecin traitant qui sera ainsi en mesure de détecter une maladie avant même que la personne n’en ressente les symptômes».
Dans cette course au biotech et au medtech, la Suisse occidentale occupe une place de choix. En ce qui concerne «la croissance de la valeur ajoutée brute du secteur, elle est numéro 3 dans le monde, après Shanghai en Chine et Cambridge en Grande-Bretagne», précise Claude Joris. Cette Health Valley, comme on la qualifie en référence à la Silicon Valley californienne, compte environ 900 entreprises employant directement entre 35000 et 40000 personnes et «indirectement deux à trois fois plus». Parmi elles, plus de 65% sont des start-up. Portraits de quelques-unes d’entre elles.
Anergis: un vaccin contre le rhume des foins
Les très nombreuses personnes allergiques aux pollens le savent bien: pour se débarrasser de leur rhume des foins, elles doivent se faire désensibiliser. Le traitement est efficace, mais il est long: il dure en moyenne trois ans «et nécessite cinquante injections ou l’ingestion de plus de mille comprimés sublinguaux», précise Vanya Beltrami, vice-président chargé de la production d’Anergis. En guise d’alternative à la désensibilisation, la petite société installée dans la région lausannoise développe un vaccin qui permettrait d’obtenir les mêmes résultats «en deux mois, à l’aide de cinq injections seulement».
Le premier produit testé s’attaque au pollen de bouleau. Il a déjà fait l’objet de plusieurs essais cliniques qui, au total, ont impliqué près de 500 personnes. Selon Vanya Beltrami, la société a montré que «le produit est bien toléré, mais aussi que son efficacité est prometteuse et persiste pendant deux ans». Les essais vont se poursuivre, mais Anergis est déjà en train de préparer un vaccin contre le pollen d’ambroisie et un autre contre les acariens.
Amal Therapeutics: stimuler le système immunitaire pour qu’il s’attaque au cancer
Le système immunitaire s’attaque aux bactéries, virus et autres pathogènes qui pénètrent dans notre organisme, mais il peut aussi lutter contre les cellules anormales que sont les cellules cancéreuses. Il faut toutefois l’aider à accomplir cette tâche. A cette fin, Amal Therapeutics élabore des vaccins thérapeutiques destinés à traiter les patients atteints d’un cancer. L’objectif est «d’éduquer le système immunitaire à reconnaître les cellules cancéreuses et également de le booster pour le rendre plus efficace», résume Madiha Derouazi, CEO de la start-up genevoise.
Le vaccin est constitué de protéines qui se comportent comme des virus et d’un vecteur (un transporteur) qui les achemine jusqu’au système de défense de l’organisme. Il suffira de changer de protéine pour fabriquer des produits qui s’attaqueront à différents types de cancers.
Pour l’instant, la spin-off – compagnie dérivée – de l’Université de Genève s’est focalisée sur le cancer colorectal et sur le glioblastome (tumeur primaire du cerveau). «Nous avons établi la preuve du concept et déposé plusieurs brevets», précise Madiha Derouazi. L’année prochaine commencera le développement préclinique avec en ligne de mire les premiers essais chez l’être humain en été 2017.
GeNeuro: une nouvelle piste pour la sclérose en plaque
La sclérose en plaque, une inflammation du système nerveux central, est une maladie auto-immune. En d’autres termes, le système immunitaire se retourne contre l’organisme qu’il est censé défendre. C’est pourquoi les traitements développés actuellement cherchent à affaiblir ou à bloquer le système immunitaire. «Ces thérapies ont une certaine efficacité sur les poussées de sclérose en plaque, mais c’est au prix d’un risque d’infections, voire de cancer», précise François Curtin, directeur général de GeNeuro. Cette petite entreprise genevoise a décidé de s’attaquer plutôt à la cause du mal. Les fauteurs de trouble pourraient en effet être «des gènes de rétrovirus qui se sont intégrés dans le génome humain il y a 25 millions d’années et qui, lorsqu’ils se réactivent, produisent des protéines toxiques pour le système nerveux». GeNeuro élabore donc un produit thérapeutique innovant, un anticorps monoclonal susceptible de neutraliser ces protéines délétères pour le cerveau.
Les deux premiers tests cliniques – sur des individus sains, puis sur des malades – ont montré que le traitement n’était pas toxique et révélé, selon François Curtin, «les premiers signes de son efficacité». Pour aller plus loin encore et vérifier que ce traitement peut vraiment être bénéfique aux personnes souffrant de sclérose en plaque, la start-up va lancer au début 2016 un essai impliquant 260 patients d’une soixantaine d’hôpitaux européens.
1Drop Diagnostic: analyse sanguine accélérée
Le sang renferme des globules rouges et blancs, des plaquettes, des cellules, des protéines, des acides nucléiques et des petites molécules qui fournissent une grande quantité d’informations sur notre état de santé. Reste que pour avoir accès à ces données, le médecin doit prélever plusieurs tubes de sang, les envoyer à un laboratoire d’analyse, puis attendre les résultats qui ne lui parviennent que quelques heures, voire quelques jours plus tard. Le dispositif que développe l’entreprise neuchâteloise 1Drop Diagnostic devrait raccourcir considérablement ces délais. «Il suffira de mettre une goutte de sang sur une puce que l’on insérera dans un lecteur, pour pouvoir quantifier des biomarqueurs en dix minutes», explique Luc Gervais, fondateur et PDG de la start-up. Le test sanguin pourra ainsi être fait «chez le médecin, à la pharmacie, dans les ambulances, etc.». L’entreprise a déjà fabriqué des prototypes de puces et de lecteurs. Il lui reste «encore du travail à faire», notamment comparer les performances de son dispositif avec celles des laboratoires d’analyse, avant de faire certifier son système par les instances de régulation européenne et américaine.