Yves Auberson: «Avec Parkinson, on a vite fait de se retrouver devant la télé à ne rien faire»
L’adjectif qui le décrit le mieux…
«Tenace»
Son dicton préféré…
«Profite comme si demain était le dernier jour de ta vie»
Parlez-nous de votre défi. Il y a eu quelques changements…
Oui, on a dû faire de nombreuses modifications sur le projet initial. Je souhaitais à l’origine aller jusqu’en France, mais à cause de la pandémie et des restrictions de déplacement, nous avons dû nous cantonner à la Suisse. J’ai aussi renoncé au vélo, trop dangereux pour moi avec la maladie de Parkinson.
C’est important pour vous de vous fixer des buts?
Oui, même si mes plans ont changé, je voulais parvenir à réaliser ce défi. Et puis je ne le fais pas seulement pour moi. Je veux sensibiliser les gens à ce qu’est vraiment la maladie de Parkinson, leur montrer que ce n’est pas une maladie de vieux (j’ai été diagnostiqué à 35 ans).
Vous souhaitez aussi démontrer les bienfaits du sport et d’une bonne hygiène de vie pour ralentir l’évolution des symptômes. Arrivez-vous à tenir la maladie à distance?
Ce sont des symptômes qui encrassent la vie, mais qui ne doivent pas nous empêcher de continuer à avoir des activités. Car le sport a une énorme importance dans le bien-être au quotidien et dans la motricité. Avec cette maladie, on avite fait de se retrouver devant la télé à ne rien faire. Je veux démontrer qu’on peut continuer à faire des activités physiques, à des rythmes et des conditions différentes bien sûr.
Vous considérez-vous pour autant comme quelqu’un de «malade»?
Je suis conscient d’être malade, mais je ne veux pas que la maladie prenne le pas sur tout le reste. Certes, il y a des choses toutes bêtes que je ne peux plus faire comme du vélo, de la moto… Je dis souvent que Parkinson, c’est un accélérateur de vieillesse. Je vieillis simplement plus vite que les autres.
Quelle définition donneriez-vous à la notion de «bonne santé»?
Il y a deux facettes de la santé. Ce qui se voit à l’extérieur, comme certains symptômes de la maladie : les tremblements, les difficultés d’élocution… Et ce qui est intérieur et que personne ne peut soupçonner, ces choses qui nous rongent, les douleurs… Il faut vivre avec.
Qu’est-ce que la marche vous apporte?
Ça m’apporte le vide, l’espace pour laisser vagabonder mon esprit. Je pense parfois à des choses importantes, mais souvent je ne pense à rien, juste à mettre un pied devant l’autre.
Logistiquement, comment êtes-vous organisé?
J’ai une équipe de quatre personnes qui me suit et m’aide pour les détails du projet. Une équipe de L’EPFL qui travaille sur les maladies neurologiques m’appuie aussi dans cette démarche.
Vous vous êtes parfois blessé lors de vos randonnées… Poussez-vous trop votre corps dans ses limites?
J’ai eu quelques blessures mais je fais avec. Une entorse un jour ne m’empêchera pas de marcher le lendemain, j’avance beaucoup au mental. Je ressens vite quand je dépasse mes limites et j’ai la sagesse de ralentir. Certaines personnes pensent que je suis inconscient, mais c’est comme ça que j’arrive à vivre avec ma maladie. Et quand je me compare à certains malades qui ont Parkinson depuis moins longtemps que moi, je pense que je suis dans la bonne direction!
Utilisez-vous les médecines alternatives?
J’ai essayé des tas de choses. Quand on a Parkinson, il y a sans arrêt quelqu’un pour vous sortir un article de magazine en vous disant « tu devrais essayer ce truc ». Le problème, c’est qu’avec la quantité de soins et de traitements que l’on subit déjà, ça fait beaucoup. Personnellement, je ressens un vrai bénéfice avec les massages. Je vois depuis dix ans un masseur acupuncteur qui n’utilise pas d’aiguilles mais ses doigts. Ses massages sportifs sont parfois douloureux, mais me font du bien.
Êtes-vous attentif à votre alimentation?
J’ai fait plus ou moins attention pendant certaines périodes de ma vie. En ce moment, je m’intéresse sérieusement à l’alimentation végane et au végétarisme. J’ai remarqué qu’arrêter le sucre provoque dans mon corps des changements assez spectaculaires. Mais c’est un drame pour moi car j’y suis accro! Pour réduire ma consommation excessive, je vais bientôt suivre un programme de désintoxication de trois semaines dans une clinique française.
Comment réagit votre entourage face à vos défis sportifs?
Ma maman s’inquiète beaucoup et m’appelle tous les soirs pour savoir si je vais bien! J’ai aussi beaucoup d’amis qui se sont impliqués dans ce défi. Au départ, je ne voulais pas faire quelque chose de médiatisé, c’était un projet pour moi, pour faire un break dans ma vie. Mais les gens qui m’entourent ont trouvé ce projet génial et s’en sont emparés, en ont parlé autour d’eux…
Vous avez réalisé en 2010 un tour du monde en famille. Qu’est-ce que cela vous a apporté?
À l’annonce de la maladie, on a décidé avec mon ex-femme de faire un break. On était sonnés par le diagnostic et on savait ce que cela voulait dire. On voulait un beau souvenir avec nos enfants. Et moi, j’avais besoin de savoir ce que je voulais faire de ma vie, car je n’étais pas forcément heureux professionnellement. Il me reste moins d’années à vivre que les autres, il était hors de question que je les vive comme ça.
Bio express
6 mars 1969 : Naissance à Genève.
1988 : Remporte le titre de champion suisse junior de golf.
1989 à 1997 : Carrière professionnelle de golf.
2004 : Premiers symptômes de la maladie de Parkinson.
2011 : Ouvre un centre de coaching sportif.
2010 : Réalise un tour du monde en famille.
2018 : Survit à un grave accident de scooter.
2020 : Réalise une boucle de plus de 1000 km à travers les Alpes suisses en moins de 100 jours.
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Pour en savoir plus sur le Défi Parkinson : https://www.defi-parkinson.ch/
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Paru dans le hors-série «Votre santé», La Côte, Novembre 2020.