«J’ai été frappée par l’humanité des personnes qui travaillent ici»
Avant de devenir directrice de la Fondation Convergences, vous avez longtemps exercé comme journaliste. En quoi ce métier vous attirait-il?
Bio express
21 janvier 1977 Naissance à Genève.
2001 Master en philosophie politique à Londres.
2002 Débuts journalistiques à la Tribune de Genève.
2020 Présentatrice de l’émission «Faut pas croire» à la Radio Télévision Suisse (RTS).
1er juin 2023 Directrice de la Fondation Convergences.
Linn Levy Orci: Mon envie de devenir journaliste est venue de mon amour pour l'écriture. Après des études de philosophie politique et de relations internationales, j'ai commencé le journalisme dans la presse écrite. J’y ai travaillé pendant une dizaine d'années avant de poursuivre ma carrière à la radio (RTS), à la rubrique culture. Enfin, j’ai présenté l’émission de télévision «Faut pas croire», qui portait sur la philosophie et la spiritualité. En passant de la presse écrite à la radio, puis à la télévision, j’ai à chaque fois dû réapprendre mon métier et faire preuve de curiosité. C’est cet éternel recommencement qui me plaît dans tout ce que je fais!
Le 1er juin 2023, vous avez pris les rênes de la Fondation Convergences. Qu’est-ce qui a motivé ce grand écart dans votre carrière?
J'ai vu passer une annonce stipulant ce pont entre santé mentale et culture, et cela m’a tout de suite plu. Je ne cherchais pourtant pas à réorienter ma carrière, mais quand j'ai vu cette annonce, cela a été comme une révélation. Je n’ai pas eu la moindre hésitation. Aujourd’hui, je suis heureuse d’avoir sauté le pas, parce que ce nouveau travail est tellement novateur, innovant, disruptif dans une certaine mesure… Il permet de faire tomber les murs entre des mondes qui ne sont pas voués à se rencontrer, de rassembler l’hôpital et la cité, en déjouant certains codes et en pariant sur la considération.
Comment la Fondation Convergences y parvient-elle?
Tout simplement en imaginant l’hôpital autrement, comme l’a formalisé le Pr François Ansermet, ancien chef du Service de pédopsychiatrie des HUG. L’idée est de créer une sorte de porosité entre l’hôpital et son biotope pour développer les liens entre la ville et l’hôpital grâce à la culture. La Fondation Convergences organise et coordonne différentes activités culturelles et sociales en partenariat avec les soins. Elle a été créée dans le cadre de l’ouverture de la Maison de l’enfance et de l’adolescence (MEA) des HUG en juin 2023.
Quel lien unit ces deux entités?
Bien que la Fondation Convergences, qui est une fondation de droit privé à but non lucratif, soit vouée à progressivement étendre ses activités aux autres services des HUG, c’est tout d’abord pour donner une dimension culturelle à la MEA qu’elle a vu le jour. Elle est ancrée au cœur de cet hôpital pédopsychiatrique qui, pour la première fois de l'histoire des HUG, réunit au centre de la ville onze unités pédopsychiatriques qui étaient jusqu'alors disséminées dans le canton. Conceptualisée par le Pr Ansermet, la MEA propose une architecture totalement innovante et un espace empli de sérénité pour dialoguer avec la ville. Elle comprend des espaces culturels, une salle de spectacle, une salle de cinéma, un studio radio ou encore une cuisine. Tout le monde y est bienvenu.
Quels types d’activités et d’événements sont-ils proposés?
En un mot…
Un adjectif qui vous définit? «Intranquille.»
Votre devise? «Ni Dieu ni maître!»
Un rêve un peu fou? «La santé pour tous.»
Nous proposons des événements culturels ouverts à tous. Nous avons par exemple collaboré avec le Festival Antigel, avec la ville de Genève pour Geneva Lux ou avec le Festival du film et forum international sur les droits humains (FIFDH). Le Bioscope, le laboratoire d’initiation à la biologie de l’Université de Genève, est installé dans les murs de la MEA et fait désormais partie de la Fondation Convergences, ce qui représente une chance inouïe. Au travers de toutes ces activités, nous ne cherchons pas à faire du spectacle, mais à favoriser une culture joyeuse qui rassemble. L’objectif est ainsi de contribuer à faire tomber certaines barrières, notamment celles qui sont souvent inhérentes à la maladie psychique, grâce à cette culture qui met tout le monde à l’aise, d’égal à égal.
Comment vous sentez-vous dans ce nouveau rôle?
Je me sens très honorée, je prends ce nouveau rôle comme une mission qui fait sens, qui est profonde et aussi très galvanisante. Les HUG, c'est un monde à part entière! Je trouve toujours fascinant et enrichissant de partir à la découverte d'un nouvel univers, surtout quand il réunit autant de corps de métiers différents. J’ai été frappée par l’humanité des personnes qui travaillent ici. Le personnel soignant se dévoue corps et âme à sa mission. Je n’avais jamais rencontré des personnes de cette valeur-là. Dans tous les milieux, il y a de l’intelligence mais je trouve qu’ici, il y en a plus que jamais. C’est vraiment remarquable. Je me sens très chanceuse de faire partie de ce monde-là.
On sent l’importance que vous portez à la santé de l’autre, qu’en est-il de la vôtre?
Ma santé n'a pas une place prépondérante dans ma vie, contrairement à celle de mes proches. Je suis toujours inquiète pour eux. De mon côté, j’aime tout et son contraire! J’aime le soleil et faire la fête, mais aussi la lecture et le yoga. J’ai toutefois l'impression d’être saine et équilibrée dans mes excès! Et je suis une bonne dormeuse.
Tout est surtout question de juste équilibre…
Exactement. Je suis par exemple quelqu'un d'assez «sauvage», j'aime beaucoup la solitude, j'en ai besoin et c’est important pour ma santé. Toutefois, je suis consciente du pouvoir de l'autre sur ma santé mentale et mon bien-être. Le fait d'être touchée, de tenir la main, de dire à ses amis qu’on est fiers d’eux et qu’on a envie de les voir, de voir l’importance que peuvent avoir les mots sur l’autre… il y a pour moi quelque chose de l'ordre du ressourcement. Quand je suis seule, je me sens davantage moi-même et quand je suis avec les autres, je me sens davantage humaine.
La rencontre avec l’autre semble être une forme de thérapie pour vous…
Oui, c’est vrai. J'ai la sensation que, peut-être, ce qui manque au monde aujourd’hui, c'est la conversation, l'échange vrai. On ne prend plus suffisamment le temps de discuter avec l’autre. Discuter, ce n’est pas chercher à savoir qui aura raison ou quels arguments vont l’emporter, mais c'est plutôt aller à la rencontre de l’autre. De cet échange-là ne peuvent naître que des choses intéressantes et enrichissantes! C'est fou ce qui peut se passer quand on converse avec quelqu'un, quand on se rencontre vraiment!
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Paru dans Planète Santé magazine N° 53 – Juin 2024