«Tourner un film demande un grand engagement physique»
La diffusion de votre série, «Winter Palace», est prévue en cette fin d’année sur Netflix et la RTS. Ressentezvous du stress ou de l’excitation?
Bio express
1976 Naissance à Vevey (Vaud).
1998 Licence en lettres, Université de Lausanne.
2001 Diplôme de la Bournemouth Film School (Angleterre).
2002 Sortie de son premier court métrage «Swapped», qui remporte le Swiss Film Award du meilleur court métrage.
2013 Sortie de son premier long métrage «Recycling Lily».
2020 Réalise le long métrage «Platzspitzbaby».
2022 Réalise la série «Hors Saison».
2024 Sortie de son film «bisons», qui a remporté trois récompenses lors du Prix du cinéma suisse.
Fin 2024 Diffusion de «Winter Palace» sur la RTS puis sur Netflix.
Pierre Monnard: Un certain trac commence à monter, d’autant plus que la série est très attendue. Nous avons encore les mains dans le cambouis, il nous reste un peu de travail sur les effets spéciaux, le son, le générique, la promotion en vue de la sortie prévue pour Noël… Cela semble encore bien loin! Mais nous sommes très contents du résultat, et nous avons hâte de présenter «Winter Palace» au public.
Avez-vous éprouvé une certaine pression à réaliser la première série suisse diffusée et coproduite par Netflix?
Cela nous a surtout rendus, toute l’équipe du film et moi-même, très fiers. Sans le soutien de Netflix, cette série n’aurait pas pu exister. Les professionnels de la plateforme nous ont fait bénéficier de leur immense expertise et ont cru dès le départ à ce projet qui, de par son sujet –l’invention du tourisme de luxe à la montagne au début du 20e siècle–, représente un potentiel de succès ici en Suisse, mais aussi à l’international.
Avec «Winter Palace», vous vous frottez au genre historique. Êtes-vous quelqu’un de nostalgique?
Je regarde volontiers dans le passé, sans mélancolie, mais plutôt en le considérant comme une source d’inspiration. Mon prochain film, par exemple, se déroulera dans les années 1950, une période que j’aime beaucoup. C’est agréable de se replonger dans ces époques où la technologie était moins encombrante. En tant que réalisateur, cela permet de se concentrer davantage sur les émotions et les relations entre les personnages.
Quel est votre rapport à la santé en général?
Je fais très attention à ma santé, mais sans obsession, plutôt pour essayer de rester le plus en forme possible. On l’ignore souvent, mais le métier de réalisateur est très physique. Durant les tournages, on dort peu, on se lève aux aurores, on se couche tard, les journées de travail sont très longues… Tourner un film, ce n’est pas rester assis devant son écran de contrôle, cela demande un grand engagement physique: aller faire des repérages, courir de décor en décor ou encore aider les accessoiristes à déplacer des meubles… On est tout le temps en mouvement. Je perds généralement beaucoup de poids durant ces périodes et j’essaye de gérer mon énergie pour être au mieux de ma performance.
Comment y parvenez-vous?
D’abord, de par mon métier, je suis contraint par les compagnies d’assurances d’effectuer un bilan de santé avant un tournage. Cela permet de faire le point régulièrement. J’ai par ailleurs besoin de temps en temps d’une séance chez l’ostéopathe pour soulager les tensions accumulées sur le plateau. Être au mieux de ma forme passe aussi par une alimentation équilibrée et un bon sommeil. Quand je ne travaille pas, je pratique le jeûne intermittent, en sautant le petit-déjeuner. J’en tire beaucoup de bienfaits, j’ai l’impression d’être plus «éveillé». Je mange également le moins de sucre possible.
En un mot…
Que signifie être en bonne santé pour vous? «Se réveiller avec le sourire.»
Une personne qui vous inspire? «Le réalisateur américain Steven Soderbergh.»
Un mantra que vous aimez vous répéter? «On n’apprend jamais mieux que de ses erreurs.»
Un rêve un peu fou? «Réaliser une série en anglais.»
Ce qui vous donne le sourire instantanément? «Mes enfants, et en particulier le sourire édenté de ma fille de 6 ans!»
Mais quand je travaille, c’est parfois difficile de garder une discipline de fer sur le long terme, car il y a un grand aspect social dans le métier de réalisateur. Nous sommes aussi des meneurs d’équipe, et les soirées festives sont essentielles pour la cohésion du groupe… avec tout ce qu’elles comportent d’excès! J’approche des 50ans et je sens bien que mon métabolisme est différent, que ma capacité à récupérer est moins optimale qu’il y a quelques années.
Avez-vous un péché mignon? Une mauvaise habitude dont vous avez du mal à vous défaire?
Je buvais énormément de café, mais j’ai arrêté! C’est peut-être un cliché, mais le cinéma est un secteur où l’on consomme des litres de café. Je me suis rendu compte en arrêtant que je n’en avais pas du tout besoin pour être en forme. Maintenant, je carbure au thé, c’est plus sain!
Votre métier doit engendrer un certain stress. Comment le gérez-vous?
En effet, c’est un métier avec de nombreux délais à tenir. Faire un film, c’est faire des compromis en permanence, mais j’arrive à bien gérer le stress. Il me faut des moments de pause, durant lesquels je vais m’aérer, marcher une heure, pour déconnecter. Je me fais un débrief de la journée, des projets en cours, parfois je parle tout seul à voix haute… cela me permet d’évacuer et je vais beaucoup mieux après! L’expérience aide sûrement, notamment mon passage par la publicité, qui est un secteur encore plus tendu que le cinéma.
Après ces périodes de tournage intenses, traversez-vous un moment de «creux»?
Oui, il y a toujours un contrecoup, un petit blues qui s’installe après avoir été dans cette bulle à cent à l’heure. L’arrêt est assez brutal à la fin d’un tournage, cela peut être très déstabilisant. Je parviens mieux à gérer cette phase maintenant que j’ai une famille. Je n’ai pas vraiment de répit car on se retrouve tout de suite embarqué dans la dynamique du quotidien! Et puis, j’ai toujours beaucoup de projets professionnels en développement. Je ne reste jamais longtemps inactif.
Selon vous, est-ce que le cinéma possède des vertus thérapeutiques?
L’art, et le cinéma en particulier, est une manière d’appréhender le monde, mais aussi d’apprendre à mieux se connaître. Les films ont cette capacité à parler à notre inconscient, à réveiller certains sentiments. Personnellement je suis quelqu’un de très sensible, je pleure très facilement devant un écran. J’aime ça, c’est une sorte d’exutoire qui me fait me sentir plus léger. En ce sens, je pense qu’en effet le cinéma peut être thérapeutique.