«La santé n’est pas un objet de consommation comme un autre»
Bio express
1975 Naissance à Lausanne.
2007 Conseil communal de Lausanne.
2008 Secrétaire romande Pro Natura.
2017 Secrétaire générale de la FRC.
Le WWF, les jeunes verts Suisses, le Conseil communal de la ville de Lausanne, Pro Natura… Sophie Michaud Gigon, on devine un peu votre tempérament…
Je suis passionnée et beaucoup dans l’action. J’ai toujours été très engagée, c’est une question de personnalité. Je suis aussi inquiète de nature: dès qu’il y a un problème, je recherche des solutions.
Près de cinq mois à la tête de la FRC, quelles sont vos premières impressions?
C’est une super association, je suis contente d’être montée dans le bateau. La FRC est une grande maison: pas loin de 20 salariés et 220 bénévoles dans 6 cantons. La question des ressources m’occupe beaucoup. J’ai besoin de m’occuper de la maison avant de mettre mon nez dehors. Aujourd’hui, tout est affaire de consommation, et nous devons être présents sur tous les registres, avec des partenaires multiples. C’est très prenant! Beaucoup croient que nous sommes un bras étatique et que l’argent tombe du ciel, mais en réalité nous devons aller le chercher. La gestion des ressources est importante, il faut faire tourner la baraque!
Quelles thématiques vous tiennent le plus à cœur?
Il y a tellement de thématiques que je ne les hiérarchise pas. Nous avons trois axes d’action qui se complètent: le service à la population, l’information et le politique. En 2018, la protection des données, dans tous les domaines, sera un dossier important. On va également agir sur l’étiquetage nutritionnel et la provenance des aliments; l’alimentation est un thème sur lequel la population réagit beaucoup. Nous avons aussi beaucoup de dossiers juridiques en cours –Viagogo, VW– pour lesquels des plaintes ont été déposées. Il y a aussi la révision de la loi sur les Télécom ou encore, quelque chose de plus récréatif et léger, comme le label «fait maison».
Flexitarienne, végétarienne, végane… de quel bord faites-vous partie?
Ces étiquettes ne m’intéressent pas personnellement. Je suis très gourmande. Je recherche la qualité et l’authenticité. J’ai une conscience quand je mange: par exemple, le respect du bien-être animal est important pour moi. Quand je mange de la viande, je fais attention à sa provenance et à l’endroit où je l’achète. Manger est un plaisir, je suis attachée au lien social et à la convivialité de la table, mais il y a aussi une forme de vigilance. Quand je mange mal, je me rends vite compte de l’impact sur ma vie. Plus largement, l’uniformisation des goûts est réelle aujourd’hui, la FRC la thématise; de même que la question du sucre, qui m’interpelle d’autant plus en tant que maman de jeunes enfants… J’ai entendu qu’aujourd’hui, un enfant de 7 ans a mangé plus de sucre que son grand-père durant toute sa vie.
Vous êtes une ancienne championne de volley, le sport fait-il toujours partie de votre vie?
Le sport est une nécessité, j’ai toujours aimé bouger. Je vais moins bien quand je n’en fais pas. Aujourd’hui, ce sont des petits moments volés pour l’entretien physique. J’ai conscience que mon mode de vie est très intense, j’ai un travail prenant, des jeunes enfants, alors je vais au plus simple, je cours ou je me promène. Je fais aussi du yoga et de la salsa, cela développe les endorphines et ça libère.
Comment gérez-vous le stress?
Par l’activité physique ou le chocolat. J’aimerais gagner en recul, ne pas tout prendre sur mes épaules. Mais je suis exigeante: je ne vois pas seulement ce que j’ai réussi à faire, mais tout ce qu’il reste. C’est une forme de perfectionnisme. Gérer le stress, c’est sans doute le travail de toute une vie.
Comment s’exprime le stress chez vous?
Je brasse de l’air, je deviens expéditive, je ne sais plus hiérarchiser les choses, je deviens irritable, mon dos se bloque. Dès que j’identifie un problème, il faut que je trouve une solution rapidement.
Le travail, ce n’est pas vraiment la santé…
Le travail est motivant. Cela donne un sens. On achève des choses avec des gens, il y a le plaisir de l’accomplissement. J’ai beaucoup de plaisir à travailler avec mes collègues de la FRC et la Présidence. Si les problèmes sont insolubles, si les conditions-cadres pour travailler sont mauvaises ou s’il y a une charge de travail trop élevée, il faut être vigilant. Je suis une adepte du temps partiel, même si je travaille à 100% aujourd’hui. C’est un équilibre qui est bien pour tous. Cela permet la créativité, de se ressourcer et de se reposer. À la FRC, je trouve génial d’avoir des gens qui ont beaucoup de talents et qui font plein de choses dans leur vie. Il faut que je m’octroie des moments de respiration pour entretenir mon énergie. Je suis tiraillée entre mon engagement et mes ambitions dans la vie et la recherche d’une vie saine.
Quelle importance accordez-vous au médecin de famille?
C’est essentiel à mes yeux, je ne comprends pas qu’il n’y ait pas plus de valorisation de cette fonction. Il est le pilier pour être et rester en bonne santé. On n’octroie souvent pas assez d’importance à l’état émotionnel. Beaucoup de maladies viennent de là, et c’est sans doute davantage un médecin de famille qui nous connaît bien qui pourra nous aider à mettre le doigt là-dessus, dans un dialogue patient-médecin.
Que diriez-vous du système de santé suisse?
Je n’ai pas envie de le qualifier. C’est une grosse machine, je n’ai pas encore eu le temps d’aller dans tous les détails. J’étais invitée au Forum des 100: les gens trouvent que le système de soins est trop coûteux mais qu’il fonctionne assez bien. Cette question occupe environ 10% de notre permanence à la FRC: les membres nous appellent principalement pour les primes et les remboursements de soins. C’est un dossier lourd et complexe, à vrai dire, il peut être décourageant parfois. Plus les primes augmentent, plus les gens sont difficiles et exigeants et «en veulent pour leur argent», ce qui est un mauvais biais. Je pense que chacun, médecins, patients, assureurs, doit faire sa part. La santé n’est pas un objet de consommation comme les autres. La FRC fait notamment partie de l’association «Smarter medicine» (ndlr, pour une médecine plus intelligente et durable). De manière générale, j’aimerais que la FRC puisse davantage partager ce poids avec les associations de patients et d’assurés. Et que celles-ci soient assez fortes pour que nous ayons ensemble plus de poids pour les réformes à faire.
_______
Paru dans Planète Santé magazine N° 28 - Décembre 2017