«J’avais deux objectifs: nager et prendre du plaisir»

Dernière mise à jour 02/02/22 | Questions/Réponses
19 heures, 53 minutes et 7 secondes précisément: c’est le temps qu’il a fallu à Noam Yaron pour traverser le lac Léman à la nage dans sa longueur, soit 75 km. Un exploit, préparé de longue date et pour lequel rien n’a été laissé au hasard, dont le Vaudois a accepté de nous parler.

Bio express

14 janvier 1997: Naît à Morges.

2005: Débute la natation, à 8 ans.

2015: Obtient le titre de champion suisse en eau libre sur 3000 mètres.

2019: Effectue sa première traversée du lac Léman en largeur (Evian-Morges).

2021: Décroche le record de la traversée du lac Léman en longueur (19 heures et 53 minutes).

       

Comment est née votre passion pour la nage en eau libre?

Paradoxalement, je suis arrivé à la natation suite à une blessure à l’âge de 7-8 ans, qui m’a contraint à arrêter le judo. Mon médecin m’avait alors prescrit des séances en piscine pour muscler mon dos. Je n’étais pas très doué mais j’ai tout de suite aimé cet élément. En particulier, j’ai aimé nager en eau libre où les paysages, l’environnement, apportent une sensation de liberté qu’il n’y a pas en piscine. Un jour, j’ai dit à mon entraîneur que je serais champion suisse… tout le monde s’est moqué de moi! Mais quelques années après, j’ai tenu mon pari en remportant ce titre au 3000 mètres en eau libre.

Comment vous êtes-vous préparé physiquement?

Ma préparation a été très complète. Je me suis rapproché du centre d’entraînement pluridisciplinaire «Enmouvement» à Lausanne, qui m’a accompagné durant six mois avec de la physiothérapie, une préparation physique, des massages, des conseils nutritionnels…

J’ai également suivi des séances de cohérence cardiaque avec Anne Rita Bertschy, une préparatrice mentale. L’idée est de travailler sur la variation cardiaque à la récupération pour passer d’un système d’activation à un système de repos et inversement. L’objectif est de retrouver un équilibre qui favorise la performance. Enfin, des séances d’hypnose m’ont aidé à avoir un rapport différent à la douleur, de la réduire, voire la faire totalement disparaître. Je savais que ce serait l’un des points les plus compliqués à gérer durant la traversée. Le but était de réussir à sortir de l’eau en «limitant les dégâts» au maximum.

Quel programme nutritionnel avez-vous mis en place?

L’alimentation est probablement le point le plus important, tant en amont que pendant la traversée. Dans les jours précédant les gros entraînements, je suivais les règles du carboloading, qui consiste à faire le plein de glycogènes: pâtes, riz, pain… pour remplir les réserves dans lesquelles le corps pourra puiser. Durant la traversée, je faisais des pauses de cinq minutes toutes les 1h20 environ pour manger des sucres rapides: raisins, pâtes de fruits, poudres isotoniques… Toutes les six heures, je recevais également un apport en protéines et en lipides.

Le sommeil est-il aussi un élément important pour préparer un tel défi?

Oui, en effet. Je me suis rapproché du département du sommeil du CHUV pour améliorer ma gestion du repos. En me faisant porter un actimètre qui analysait mon activité quotidienne et les phases de sommeil, les spécialistes m’ont prescrit neuf heures de sommeil quotidiennes pendant un à deux mois avant la traversée. L’objectif était d’engranger un maximum de repos pour que mon corps bénéficie d’une réserve suffisante durant la traversée, pendant laquelle je n’allais pas dormir.

Durant cette traversée, avez-vous senti votre corps arriver à bout?

Honnêtement, cette traversée s’est faite dans ma tête. Je l’avais tellement visualisée mentalement et physiquement avant le jour J que mon corps était prêt à vivre ce traumatisme – car c’en est véritablement un! Le seul moment compliqué a été l’arrivée dans le petit lac, où l’eau était plus froide que prévu (12°C). Mon corps s’est mis à brûler plus de calories et j’ai ressenti des étourdissements, de l’hypoglycémie et de l’hypothermie.

Un autre phénomène impressionnant – mais naturel – ce sont les crises de tétanie musculaire qui donnent lieu à des tremblements. Elles sont dues aux muscles qui continuent à se contracter par habitude, même lorsque l’on s’arrête de nager.

À quoi pensiez-vous quand vous nagiez?

Ma crainte était de m’ennuyer ou de penser à des choses négatives, à la douleur, à des moments compliqués dans ma vie personnelle ou professionnelle… Mais finalement, j’étais tellement concentré que je me suis laissé vivre. Je m’étais promis de n’avoir en tête que deux objectifs: nager jusqu’au bout et prendre du plaisir.

Ce défi était aussi destiné à soutenir la préservation des eaux. Pourquoi cet engagement vous tient-il à cœur?

En m’entraînant, j’ai pris conscience du nombre de déchets au fond de l’eau: sapins de Noël décorés, vélos, mégots… Quand on sait qu’un mégot pollue à lui seul cinq cents litres d’eau, on prend conscience du danger pour cet écosystème géant qu’est le lac. J’ai alors décidé de dédier ma traversée à cette cause et me suis mis en contact avec l’Association pour la Sauvegarde du Léman*.

Quel sera votre prochain challenge?

J’ai envie de traverser d’autres lacs en Suisse et à l’étranger. On m’a proposé de faire le tour de l’île de Manhattan, une eau plus compliquée que le lac Léman de par ses marées et la présence de nombreux bateaux. Mais ça me tente bien!

_______

* https://asleman.org/

Paru dans le hors-série «Votre santé», La Côte/Le Nouvelliste, Novembre 2021.

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