Les recherches se multiplient pour mieux traiter le cancer du pancréas

Dernière mise à jour 30/05/23 | Article
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Malgré les innovations en oncologie, le cancer du pancréas reste un des plus résistants aux traitements. Les scientifiques sont plus que jamais mobilisés pour trouver, enfin, le talon d’Achille de ce cancer.

Il n’est pas le cancer le plus fréquent mais il est parmi les plus agressifs. L’adénocarcinome du pancréas, qui touche environ 1500 personnes en Suisse chaque année, reste associé à un très mauvais pronostic malgré toutes les avancées réalisées dans le domaine de l’oncologie, grâce notamment à l’immunothérapie et aux thérapies ciblées. «Nous n’avons pas encore trouvé la bonne porte d’entrée pour combattre efficacement ce cancer», résume le Dr Thibaud Kössler, médecin adjoint au Service d’oncologie et responsable de l’Unité des tumeurs digestives des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).

De plus en plus fréquent

Le nombre de cas de cancers du pancréas augmente depuis quelques années en Suisse, à l’instar de tous les pays industrialisés. «Les chiffres du registre suisse du cancer font état de 3697 cas entre1980 et1984 contre 7974 cas entre2015 et2019. Ceci ne peut pas s’expliquer uniquement par l’augmentation et le vieillissement de la population», estime le Dr Kössler. Les causes de ce phénomène ne sont pas clairement identifiées mais pourraient être liées en partie à des modifications de l’environnement et des habitudes de vie. Le tabagisme, la consommation d’alcool mais aussi le surpoids et la sédentarité augmentent le risque de tumeur du pancréas. «Si nous savons que l’inflammation chronique du pancréas est impliquée dans le développement du cancer, nous avons encore beaucoup à comprendre sur les mécanismes impliqués», reconnaît le médecin.

Trop peu de patients dans les essais cliniques

Quand le cancer est diagnostiqué à un stade où il produit déjà des métastases, la chirurgie n’est plus possible et le traitement standard est la chimiothérapie. Mais les services d’oncologie spécialisés peuvent proposer aux patients de tester des thérapies en cours de développement, au travers d’essais cliniques. La Dre Antonia Digklia, responsable de la consultation spécialisée en oncologie gastro-entérologique au Centre des tumeurs foie-pancréas du CHUV, constate que beaucoup de patients, souvent les plus âgés, sont réticents: «Ces patients n’ont pas la culture des études cliniques, ils disent ne pas vouloir servir de "cobayes". Certains de ces essais sont précoces et je comprends que cela puisse faire peur, mais leurs protocoles sont validés par une commission d’éthique et nous sommes totalement transparents avec les patients qui peuvent bien sûr arrêter quand ils le souhaitent».

Le pancréas, glande qui produit entre autres l’insuline, reste malheureusement bien discret quand son état se dégrade et les patients consultent souvent tardivement. «Les symptômes typiques sont une jaunisse avec une perte de poids importante et rapide, ainsi que des douleurs abdominales. Mais quand ils apparaissent, la tumeur est souvent déjà à un stade où il est difficile d’opérer», relève la Dre Antonia Digklia, privat docent, médecin associée au Service d'oncologie médicale et responsable de la consultation spécialisée en oncologie gastro-entérologique au Centre des tumeurs foie-pancréas du Centre hospitalier universitaires vaudois (CHUV). Huit patients sur dix environ ne peuvent dès lors pas subir de chirurgie. Or enlever la tumeur est nécessaire pour espérer guérir la maladie. Pour les patients opérés, une chimiothérapie, avant et/ou après la chirurgie permet de réduire le risque de rechute qui, sans cela, se produit dans 80 à 90% des cas. 

Stratégies innovantes

«On considère que ce cancer est la maladie la plus agressive du tractus digestif car la tumeur est capable de produire des métastases dès qu’elle atteint seulement 3 millimètres», souligne la Dre Digklia. Face à ce cancer insidieux et résistant aux traitements, les scientifiques doivent développer des stratégies novatrices. «La tumeur pancréatique se distingue par une forte proportion de cellules "stromales", qui forment une sorte de gangue et pourraient limiter l’efficacité des traitements, explique le Dr Kössler. Nous testons donc actuellement une molécule qui permet de limiter la production de collagène et pourrait réduire la formation de cette couche de protection pour rendre la tumeur plus sensible aux thérapies.» 

«C’est vrai que nous n’avons pas encore "le" traitement pour guérir ce cancer, mais nous identifions de plus en plus de patients dont les tumeurs ont des particularités qui peuvent leur permettre de bénéficier de thérapies innovantes dans le cadre d’essais cliniques», renchérit la Dre Digklia, qui précise que le Centre des tumeurs foie-pancréas du CHUV propose, depuis 2020, un vaccin personnalisé aux patients qui peuvent être opérés. «Celui-ci est élaboré, après la chirurgie, à partir de cellules de la tumeur. Nous essayons de trouver la protéine susceptible de faire réagir au mieux le système immunitaire.» Cette thérapie dite adjuvante a pour but de limiter les rechutes et les résultats préliminaires sont, d’après la spécialiste, très encourageants. Cette voie semble en effet prometteuse, comme le montre une étude, publiée dans la revue Nature le 10mai dernier, et qui évaluait un vaccin personnalisé associé à une immunothérapie (en plus de la chimiothérapie standard) chez des patients opérés.  «Il existe un sous-groupe de 8 patients sur les 16 traités qui ne montre aucun signe de récidive à 18 mois», relève le Dr Kössler, dont l’unité va prochainement tester une approche similaire. 

«La recherche est très active et de nouveaux essais cliniques s’ouvrent régulièrement. Je dis à mes patients de ne pas baisser les bras et de bien suivre leur chimiothérapie, car elle leur donne du temps. Si nous n’avons rien à leur proposer aujourd’hui, peut-être qu’il y aura une nouvelle thérapie à tester dans six mois», avance la Dre Digklia, avant d’ajouter: «Mais notre rôle est d’accompagner le patient quelle que soit sa décision et notre objectif reste de proposer les meilleures options à tous les patients, y compris ceux qui refusent le traitement.»

L’activité bénéfique même à un stade avancé

L’étude française APACaP publiée en 2022 a montré que la pratique d’une activité physique adaptée permettait une amélioration significative de la qualité de vie des patients atteints d’un cancer du pancréas métastatique. Le programme d’entraînement, réalisé pendant 16 semaines avec un accompagnant choisi par le patient, a réduit significativement les symptômes tels que les insomnies, les douleurs et la perte d’appétit.Mais les chercheurs ont aussi observé une tendance à mieux répondre à la chimiothérapie chez les patients «entraînés». «L’activité physique adaptée est de plus en plus utilisée et étudiée en oncologie. Il est très intéressant de voir que les bienfaits vont peut-être au-delà de l’amélioration de la qualité de vie, commente le Dr Thibaud Kössler, médecin adjoint aux HUG. Je pense que l’activité physique sera bientôt prescrite comme les autres traitements, mais il faudra que des moyens soient alloués afin que le plus grand nombre de patients puissent la pratiquer de manière adaptée à leur condition.»

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Paru dans Le Matin Dimanche le 28/05/2023

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