La thérapie cellulaire, procédé prometteur contre le cancer
De quoi on parle
Atteinte d’une leucémie très agressive, Layla Richards, un nourrisson britannique, est aujourd’hui en rémission. Elle est la première à avoir bénéficié d’un nouveau traitement à base de cellules génétiquement reprogrammées. Les thérapies cellulaires offrent de grands espoirs dans le traitement de différents cancers d’enfants et d’adultes. En Suisse, les premiers essais cliniques pourraient être lancés d’ici deux ou trois ans au CHUV.
Elle s’appelle Layla Richards. Ce bébé britannique de 1 an et demi restera certainement dans les annales de l’histoire de la lutte contre les cancers pédiatriques. Atteinte d’une forme grave de leucémie qui résistait aux traitements conventionnels, elle a été guérie grâce à la thérapie cellulaire.
Le nourrisson avait 14 semaines lorsque le diagnostic a été posé: leucémie aiguë lymphoblastique (LAL), la forme la plus commune des leucémies qui frappent les petits. C’est aussi celle «qui se soigne le mieux et la grande majorité des enfants guérissent, précise Maja Beck Popovic, médecin-chef de l’unité d’hématologie-oncologie pédiatrique du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Toutefois, certains groupes de patients ont un risque plus important de rechute.»
Reprogrammer des globules blancs
C’est le cas de Layla. Elle a d’abord été traitée à l’aide d’une chimiothérapie suivie d’une greffe de moelle. Mais son cancer du sang est réapparu et les médecins ont envisagé de lui prodiguer des soins palliatifs destinés aux patients en fin de vie. Puis ils se sont ravisés et ont proposé à ses parents de tenter de la traiter avec une nouvelle thérapie cellulaire. Cette méthode entre dans le cadre de ce que l’on nomme l’immunothérapie, qui consiste à «utiliser des cellules provenant du système immunitaire pour qu’elles s’attaquent aux cellules cancéreuses», résume Raffaele Renella, médecin associé en hémato-oncologie pédiatrique et responsable du laboratoire de recherche dans ce domaine au CHUV.
Avant Layla, d’autres enfants avaient déjà bénéficié de ce type de techniques. Le premier d’entre eux, Emily Whitehead, une petite Américaine de 5 ans, a même fait la une du New York Times en 2012. Atteinte, elle aussi, d’une leucémie qui semblait incurable, elle a été la première à être traitée par thérapie cellulaire. Pour ce faire, les médecins de l’Université de Pennsylvanie ont alors prélevé de son sang des globules blancs particuliers, des lymphocytes T, qui sont des composants clés du système immunitaire. En laboratoire, ils ont génétiquement «reprogrammé» ces lymphocytes T pour leur permettre de mieux reconnaître –et tuer– les cellules tumorales. Puis, après les avoir cultivés pour en obtenir de grandes quantités, ils les ont réinjectés dans le sang d’Emily. Aujourd’hui, la fillette est guérie et environ deux cents personnes dans le monde –y compris des adultes– ont reçu le même traitement.
Toutefois, ce procédé nécessite que les patients aient une quantité suffisante de lymphocytes T et que ceux-ci soient en «bon état», afin qu’ils puissent être modifiés et cultivés. C’est pourquoi Layla a bénéficié d’une stratégie légèrement différente. Les lymphocytes T qu’elle a reçus provenaient, au départ, d’un donneur sain. Ces globules blancs ont été modifiés génétiquement pour qu’ils ne soient pas rejetés en tant que corps étrangers par son système immunitaire et qu’ils n’agressent que les cellules tumorales.
Aujourd’hui, selon les pédiatres qui l’ont prise en charge, la fillette «se remet bien» et est rentrée chez elle. «Sa leucémie était tellement agressive qu’une telle réponse est presque un miracle», a déclaré l’un des médecins de l’hôpital londonien où la fillette a été soignée.
Un «enthousiasme prudent»
Cette expérience «ouvre une très belle perspective de traitement, commente Maja Beck Popovic, d’autant qu’elle pourrait être utilisée pour lutter contre d’autres cancers pédiatriques.» Toutefois, la chimiothérapie restera indispensable au départ pour éliminer une grande partie des cellules tumorales. Ce n’est qu’ensuite que la nouvelle thérapie pourra prendre le relais pour éviter les récidives et, on l’espère, conférer une protection à long terme contre le cancer.
«Cette méthode, encore très expérimentale, chamboule le système immunitaire et l’on ne connaît pas ses effets à long terme», prévient Maja Beck Popovic. Par ailleurs, ajoute Raffaele Renella, son usage «restera limité à une population bien choisie de patients pour lesquels il n’existe aucune autre option pour le moment». C’est donc avec un «enthousiasme prudent» que les deux médecins du CHUV accueillent la thérapie cellulaire qui leur fournira une arme supplémentaire pour lutter contre le cancer.
Une plateforme de production de cellules sera bientôt opérationnelle au CHUV
La thérapie cellulaire est promise à un bel avenir dans la lutte contre le cancer. Mais sa mise en œuvre n’est pas à la portée de tous les hôpitaux, pour des questions essentiellement techniques, mais aussi financières. «Il faut manipuler et modifier des cellules dans des conditions strictes de sécurité, ce qui demande une infrastructure et du personnel hautement spécialisés», précise en effet le Dr Raffaele Renella, responsable du laboratoire de recherche d’hémato-oncologie du CHUV.
La méthode consiste à utiliser des globules blancs –le plus souvent des lymphocytes T– prélevés dans le sang du malade ou dans celui d’un donneur sain pour les réinjecter ultérieurement au patient. C’est entre ces deux étapes que la tâche se complique. Il faut reprogrammer génétiquement ces lymphocytes pour les rendre plus agressifs vis-à-vis des cellules tumorales. Puis, comme l’explique Raffaele Renella, «les mettre en culture avec des facteurs de croissance» afin d’en obtenir plusieurs millions d’exemplaires. Il est donc nécessaire de disposer, à proximité des lieux où sont traités les patients, d’une plateforme de production de cellules modifiées.
Le CHUV, qui souhaite faire figure de pionnier dans ce domaine en Suisse et en Europe, va prochainement disposer d’une telle infrastructure dans son Centre suisse du cancer Lausanne, dévolu à la recherche. Cela va permettre aux oncologues de l’hôpital vaudois de se lancer dans l’expérimentation de la thérapie cellulaire. D’après Maja Beck Popovic, médecin-chef de l’unité d’hématologie-oncologie pédiatrique du CHUV, les premiers essais cliniques, qui impliqueront des enfants mais aussi des adultes, «pourraient démarrer d’ici deux à trois ans».
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