Attention, noyade
«La noyade est un processus très rapide et silencieux. Après un accident, les personnes nous disent souvent “il a disparu d'une minute à l'autre”», prévient Christoph Müller, responsable de la prévention aquatique au Bureau de prévention des accidents (BPA). Il faut donc agir vite, et surtout agir en amont.
Au bord de l'eau
A ce titre, le message que transmet le BPA est simple: au bord de l'eau, «ayez vos enfants à l'œil, les plus petits à portée de main». Autrement dit: vous devez toujours voir vos enfants et ils ne devraient pas être plus loin que la portée de votre bras s'ils ont moins de cinq ans. Cette surveillance est d'autant plus importante que les enfants sont à même de se noyer en vingt secondes et sans bruit, sans compter qu’ils peuvent subit des dégâts neurologiques graves après deux à trois à minutes. «En plein développement, le cerveau de l'enfant est très sensible», souligne le docteur Marc Niquille, médecin adjoint responsable de la Brigade sanitaire cantonale à Genève.
Se noyer c'est quoi?
L'urgentiste poursuit: «Une noyade est un processus qui conduit à l’immersion des voies respiratoires provoquant une asphyxie. Il commence généralement par une sous-évaluation des risques chez les adultes. Il y a ensuite une difficulté à coordonner natation et respiration lors d’une baignade en eau froide (< 25°C). Il existe en effet une compétition entre les muscles utilisés pour nager et ceux nécessaires à la respiration. La fatigue ou la panique peuvent gagner le nageur qui ne parvient alors plus à se maintenir en surface»
«Immersion n'implique pas submersion», précise le docteur Niquille: il y a risque de noyade dès que la bouche et le nez sont sous l'eau. On peut très bien se noyer dans un volume d’eau limité, tel qu’une baignoire.
J'ai secouru quelqu'un qui se noyait, que faire?
Pour une noyade, «le principe de réanimation est le même que pour toute situation d'urgence vitale, explique encore le docteur Niquille. En l'absence de signes de vie et en l'absence d'une respiration normale, il faut débuter des compressions thoraciques.» Il s'agit d'appuyer fortement et régulièrement au centre du thorax de la personne inanimée (le rythme de Stayin' Alive des Bee Gees vous donnera la bonne fréquence) et d’appeler le 144. Le bouche-à-nez est recommandé pour autant qu'on sache le faire. Attention cependant: 60% des noyés vomissent et, dans ce cas-là, le bouche-à-nez peut aggraver la situation.
Si par contre la personne noyée donne des signes de vie, la placer en position latérale de sécurité (sur le côté, bouche tournée vers le bas, tête légèrement inclinée vers l’arrière).
Du côté du BPA, on recommande que les parents aient suivi un cours de secourisme de type Basic life support «Si vous allez souvent à l'eau avec votre enfant, faites ces cours», résume Christoph Müller.
Attention, prévient Marc Niquille, il existe un risque de complications respiratoires infectieuses après une noyade, l’eau ingérée dans les poumons pouvant être contaminée par diverses bactéries. S'il y a des symptômes touchant la respiration dans les semaines qui suivent l’accident, il faut absolument les prendre au sérieux et consulter son médecin.
En eau libre
Les rivières sont un environnement particulièrement dangereux puisqu'elles réunissent deux facteurs de risque: une eau généralement froide et le courant.«Un bon nageur de piscine n'est pas forcément un bon nageur de rivière», insiste le représentant du BPA. Si l'on panique et que l'eau est froide, il en faut très peu pour commencer le processus de noyade.
Il vaut donc mieux rester calme et s'efforcer surtout de ne pas laisser pénétrer l'eau dans les poumons. Regardez où le courant vous porte afin de trouver un endroit où sortir de l'eau sans s'épuiser à lutter contre lui. La Société suisse de sauvetage propose d'ailleurs des formations à la «nage en rivière» que le BPA recommande – de même que le port d'une combinaison en néoprène (qui assure une flottaison minimale) et de gilets de sauvetage.
Dans les lacs, les accidents surviennent généralement aux personnes parties nager une longue distance seules. Mais même à deux, une telle activité demeure dangereuse. Il peut être utile de s'accompagner d'une bouée de sauvetage traînée par une cordelette, comme dans Alerte à Malibu.
En bateau, enfin, une mesure simple: toujours porter le gilet de sauvetage. Vous avez beau être un navigateur expérimenté, vous n’êtes pas à l’abri d’une chute dans l’eau, assommé par un coup de bôme. De plus, ne confondez pas veste de navigation et gilet de sauvetage. Celui-ci doit contenir un soutien du cou qui permet à la tête de rester hors de l’eau même si l’on est inconscient.
Et dans sa propre piscine?
Des dispositifs existent pour surveiller sa propre piscine, comme des systèmes qui alertent si un corps ne bouge pas pendant un certain laps de temps ou des bracelets mesurant la durée d’immersion. Pour autant, ils ne dispensent pas d’une surveillance permanence des enfants qui joueraient près du plan d’eau. Les clôtures autour des piscines aussi devraient être généralisées et munie de portes qu’un enfant ne peut pas ouvrir.
Cette prudence concerne aussi les propriétaires de piscines gonflables «temporaires» qui peuvent être très profondes. Avec celles-ci, il faut impérativement retirer l'escalier qui permet d'y accéder quand on n’utilise pas l’équipement.
Et les brassards? «Oui, ils sont sympathiques parce qu'ils permettent d'expérimenter la sensation de flottaison, mais il n'en demeure pas moins que ce sont des jouets et pas des outils de sécurité», assène Christoph Mueller du BPA.
Des hommes et de l'alcool
Statistiquement, les enfants ne sont pas les plus touchés par la noyade. Les personnes les plus à risque sont de jeunes hommes entre quinze et trente ans, explique Christoph Müller. En général, «on pense qu'ils ont surestimé leurs propres capacités et sous-estimé les dangers». «Chez l’adulte, la majorité des noyades arrivent aux bons nageurs, renchérit le docteur Niquille, et deux tiers des accidents sont associés à la prise de toxiques.» Comprenez que l'alcool est souvent impliqué.