J’ai mal au dos: une radio est-elle nécessaire?
Le saviez-vous?
En Suisse, la lombalgie fait partie des 5 motifs de consultation les plus fréquents en médecine de premier recours.
Véritable problème de santé publique, le mal de dos fait partie des cinq motifs de consultation les plus fréquents chez les médecins généralistes. Douloureux et parfois très invalidant dans la vie de tous les jours, il passe souvent spontanément avec le temps et l’adaptation temporaire des activités.
On distingue les douleurs aiguës, qui disparaissent spontanément avant trois mois, des lombalgies chroniques, qui durent plus de trois mois. Dans la majorité des cas, les douleurs du dos sont dues à des problèmes mécaniques de la colonne vertébrale, à des contractures musculaires ou à d'autres causes bénignes et ce, même si l’intensité de la douleur est très élevée. Le diagnostic de ces lombalgies dites «communes» est donc fait simplement en cabinet après examen clinique et anamnèse (évocation des antécédents médicaux). «Dans la plupart des situations, ces informations suffisent à nous guider, explique le Pr Genevay. Ne pas proposer d’examen d’imagerie ne signifie pas qu’on banalise la douleur du patient, mais que cela n’est tout simplement pas nécessaire pour poser le diagnostic et définir le traitement.» En effet, le plus souvent, la lombalgie n’a pas de cause visible à l’image. Ce n’est qu’en présence de certains symptômes associés, qu’on appelle les «drapeaux rouges», qu’une exploration par imagerie s’impose.
Bouger, le maître mot
Cela peut paraître contre-intuitif lorsque la douleur est présente et pourtant, la première conduite à tenir en cas de mal de dos ou même en prévention est l’activité physique. Elle permet en effet de renforcer les muscles et d’assouplir le corps, tout en provoquant la sécrétion d’endorphines, un analgésique naturel qui agit sur la douleur, même si celle-ci met du temps à disparaître. La mise en mouvement peut être accompagnée d’une sensation d’inconfort, voire de douleur, mais qui s’atténuera au fil des semaines, à condition de privilégier des activités n’entraînant pas de risque de chute ou de coups (équitation, sport de contact…), ce qui pourrait entretenir une tension déjà installée. Plus globalement, la sédentarité doit être évitée, par exemple au travail où un manque de mobilité peut engendrer des répercussions musculaires. Si l’on est sujet aux lombalgies, il est recommandé de se lever de sa chaise régulièrement, avant les symptômes, pour se dégourdir ou s’étirer, et de rechercher une posture de travail confortable.
Quand faire des examens plus poussés?
Ces signes d’alerte, bien connus des médecins, sont les suivants: apparition de fièvre, perte de poids inexpliquée, antécédent de cancer, prise de drogue par voie intraveineuse, diminution de la force dans les jambes, entre autres. Ces facteurs peuvent être le signe d’un problème sous-jacent tel une infection, un cancer, une fracture, une maladie inflammatoire ou neurologique. De telles causes restent cependant rares – 10 à 15 % des cas de lombalgie – mais nécessitent néanmoins une exploration plus poussée. «On ne va cependant pas faire une IRM à tout le monde, prévient le Pr Genevay. Selon ce que l’on suspecte, on choisira l’examen approprié: radiographie, IRM ou scanner.»
Des examens inutiles, voire dangereux
Le recours à l’imagerie ne devrait donc pas avoir lieu dans les cas de lombalgies communes. Outre son inutilité pour identifier la cause du mal de dos, cet examen est critiquable à plusieurs niveaux. «Dans notre société très portée sur l’image, les gens pensent souvent que tout peut se voir, constate le Pr Genevay. Or dans les situations de lombalgies communes ce n’est clairement pas le cas.»
L’effet pervers d’une imagerie trop performante est même de révéler des anomalies ou des modifications sans importance. «La performance des technologies d’aujourd’hui nous permet de voir souvent plus qu’il n’en faudrait. La lecture du compte rendu radiologique engendre alors des craintes qui n’ont pas lieu d’être ou des comportements nuisibles», ajoute le spécialiste. Loin de rassurer les patients, l’imagerie semble au contraire participer à augmenter la durée ou le risque de chronicité des épisodes de lombalgie. «Du côté du médecin, il semblerait aussi que la surutilisation de ces examens soit corrélée à une augmentation des interventions chirurgicales et des prescriptions d’opioïdes, sans réelle efficacité et avec un risque de préjudice pour le patient. Et on ne parle même pas des coûts que cela fait peser sur le système de santé…», conclut le Pr Genevay.
Et les médecines complémentaires?
En association avec une activité physique régulière et face à un mal de dos modéré qui ne s’accompagne pas de signes d’alerte, certaines approches de médecine intégrative peuvent apporter un soulagement. L’acupuncture et le massage thérapeutique ont notamment fait l’objet d’études concernant le traitement de la lombalgie aiguë. La chiropractie, l’ostéopathie et le yoga, quant à eux, auraient un effet bénéfique sur les douleurs et la mobilité du dos. Certaines études suggèrent également que le Taï-Chi, une forme de médiation en mouvement, pourrait aider à réduire les douleurs articulaires en renforçant les muscles. « Il existe encore trop peu de données de bonne qualité à disposition, relève le Pr Stéphane Genevay, responsable de la consultation multidisciplinaire du dos des Hôpitaux universitaires de Genève. Mais il est avéré que le fait de prendre en main sa douleur, de chercher des solutions quelles qu’elles soient, a une efficacité supérieure sur le mal de dos que ne rien faire ou attendre qu’un thérapeute fasse quelque chose pour nous!»
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* Ligue suisse contre le rhumatisme.
Paru dans Le Matin Dimanche le 22/05/2022
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