Pas besoin de gravir l’Himalaya pour souffrir du mal des montagnes
Maux de tête, nausées, vomissements, insomnies, manque d’appétit: autant de désagréments qui gâchent souvent le plaisir d’une course en montagne. Mais n’allez pas croire que seuls les fans de treks au Ladakh peuvent en souffrir. Il suffit de monter à 2500 ou 3000 mètres pour ressentir ces symptômes du mal aigu des montagnes.
Le fauteur de trouble est l’oxygène, dont le taux se raréfie à mesure que l’on prend de la hauteur. Plus on s’élève en altitude, plus on a donc des risques de ressentir les effets du mal: à 1980 mètres, 3% des amateurs de montagne en souffrent; ils sont 13% vers 3000 mètres et, à 4560 mètres, une personne sur deux (52%) est affectée.
Certes, on ne risque rien «si l’on monte en cabine au Montfort et que l’on en redescend aussitôt», souligne Hervé Duplain, médecin-chef du service de médecine interne à l’Hôpital du Jura à Delémont. Mais si l’on côtoie les sommets pendant quelques jours, le mal aigu des montagnes «peut se manifester au bout de deux heures d’exposition à l’altitude et il dure normalement d’un à deux jours», précise le spécialiste de médecine d’altitude.
Les sportifs ne sont pas forcément protégés
Dans ce domaine, tout dépend de la susceptibilité individuelle. Sans que l’on sache pourquoi, on constate que certains individus y sont sensibles, alors que d’autres ne le sont pas. «Une bonne condition physique n’est pas un facteur protecteur», selon le médecin jurassien. En revanche, si l’on a déjà ressenti à deux ou trois reprises le mal des montagnes, il y a de fortes chances qu’il se manifeste à nouveau par la suite.
Tout est affaire d’altitude bien sûr, mais pas seulement. La rapidité de l’ascension joue aussi un rôle important. «Quand on se trouve au-delà de 3000 m, il ne faut pas monter plus de 300 ou 400 mètres par jour, en prenant pour référence les endroits où l’on dort», conseille Hervé Duplain. Il faut aussi veiller «à bien s’hydrater pour compenser les pertes dues à la respiration et à la transpiration», car les personnes qui ne boivent pas assez –ou qui sont dénutries– ont plus de risques que les autres d’être affectées par le mal (lire Que faire pour éviter le mal des montagnes).
Accélération de la respiration
A mesure que l’on s’élève en altitude, la pression atmosphérique décroît et, avec elle, la concentration d’oxygène dans l’air. Cela crée un stress pour l’organisme, qui réagit par une accélération de la respiration et du rythme cardiaque. Si ces mécanismes d’adaptation ne sont pas optimaux, la régulation du flux sanguin du cerveau est perturbée et le mal aigu des montagnes apparaît.
Pour y mettre fin, il suffit de redescendre ou, si les symptômes ne sont pas trop sévères, de se reposer pendant une journée, en prenant des antalgiques pour soulager les maux de tête et des antiémétiques pour faire cesser les vomissements et les nausées. «Le mal aigu des montagnes est très désagréable, souligne Hervé Duplain, mais, en soi, il n’est pas dangereux.»
Cerveau trop gonflé
Il peut toutefois prendre des formes plus graves. Lorsque du liquide s’échappe des vaisseaux sanguins du cerveau, il se produit un œdème cérébral. Cette maladie s’accompagne des mêmes symptômes que le mal aigu des montagnes, mais entraîne en outre des «troubles de la coordination et de l’équilibre et peut même conduire à une perte de conscience et au coma», explique le médecin de l’Hôpital du Jura. Dans ce cas, «la descente immédiate reste la seule solution », précise Hervé Duplain. Pendant qu’on organise son transfert, le malade peut prendre de la cortisone et respirer de l’oxygène, en bouteille ou par l’intermédiaire d’un caisson de recompression. Mais ce ne sont que des mesures transitoires.
De l’eau dans les poumons
Le manque d’oxygène a aussi pour conséquence de contracter les artères pulmonaires. Cet effet se manifeste chez tout un chacun mais, chez certaines personnes, ce resserrement des vaisseaux devient suffisamment important pour entraîner une fuite de liquide dans les alvéoles pulmonaires. C’est l’œdème pulmonaire qui peut se manifester par un essoufflement au moindre effort, de la fièvre, une grande fatigue et de la toux. «Dans la population générale, la maladie affecte 10% des personnes faisant une ascension rapide, et jusqu’à 60 à 70% de celles qui sont prédisposées», selon Hervé Duplain. Une fois encore, il faut redescendre le malade au plus vite et, en attendant, lui donner de l’oxygène et éventuellement des médicaments dilatant les artères pulmonaires.
Si l’on ne fait rien, «le taux de mortalité de ces œdèmes, pulmonaire et cérébral, est en effet de 50%». En revanche, conclut Hervé Duplain, une fois revenu en plaine, l’amateur de montagne se remet de ses maux sans traitement et «il n’en garde pas de séquelle».
Les habitants des hauts plateaux ne sont pas épargnés
Aussi surprenant que cela paraisse, les populations qui vivent à haute altitude, comme les habitants du plateau andin ou parfois les Tibétains, ne sont pas épargnés par le mal des montagnes qui, chez eux, est chronique. Cette «maladie de Monge», comme on l’appelle, est rare chez les jeunes et se développe surtout avec l’âge. Elle vient du fait que, «lorsque l’on monte, le nombre de globules rouges augmente et, chez certaines personnes, il croit suffisamment pour que le sang devienne visqueux», explique Hervé Duplain. Cela provoque alors des migraines, des vertiges, de la fatigue, mais aussi parfois des troubles respiratoires ou des insuffisances cardiaques. Le spécialiste de médecine d’altitude rassure toutefois les voyageurs qui souhaiteraient se rendre dans ces contrées élevées: «ceux qui n’y séjournent que quelques semaines ne sont pas concernés par le mal chronique des montagnes».
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Maladies d'altitude
Environ une personne sur deux qui monte rapidement (en 24 heures) à une altitude de 4500 mètres souffrira d’un mal de montagne et une sur dix d’un œdème pulmonaire.