S'endormir vite et bien, un cauchemar?

Dernière mise à jour 05/01/12 | Article
Une femme qui a une insomnie
15 minutes. Voilà le temps moyen que met un Suisse romand pour s'endormir. Mais pour certaines personnes, aller au lit peut tourner à l'angoisse tant il est parfois difficile de trouver le sommeil. Pourquoi a-t-on parfois du mal à s'endormir et comment régler le problème? Les réponses du docteur Raphaël Heinzer du centre d’investigation et de recherche sur le sommeil (CIRS) du CHUV.

Le mode de vie imposé par nos sociétés engendre-t-il plus de problèmes d'endormissement qu'auparavant?

Certainement. Mais il est difficile de dire dans quelle mesure le mode de vie est seul responsable. Le culte de la performance, qui est central dans notre monde actuel, joue certainement un rôle dans le stress qui empêche certaines personnes de bien s'endormir, voire de bien dormir tout court. Cela dit, il faut bien reconnaître que ce n'est que depuis peu de temps que nous nous intéressons réellement à l'hygiène du sommeil. On sait aujourd'hui à quel point bien dormir est bon pour la santé, tant au niveau des maladies cardiovasculaire que de la prise de poids. Il n'en a malheureusement pas toujours été ainsi. Avant cela, tout ce qui était lié au lit, à la chambre à coucher et donc au sommeil relevait de la sphère privée. Les gens ne parlaient simplement pas ou très peu de ce type de problèmes. Du coup, il est difficile de comparer des données anciennes et actuelles et de mettre en cause uniquement l'univers social dans lequel nous vivons.

Qu'est qui fait que certaines personnes ont de la peine à s'endormir?

Les troubles de l'endormissement, sont souvent liés au stress de performance du lendemain. On veut s'endormir vite et surtout très profondément afin d'être en forme le matin. Le problème, c'est que le sommeil ne se contrôle pas! Ce n'est pas volontaire, on ne décide pas de s'endormir. Or, vouloir absolument dormir conduit à l'effet inverse: on génère du stress et du coup le corps et l'esprit refusent de céder. Ce cercle infernal est très difficile à briser, notamment pour les personnes de nature anxieuse.

Existe-t-il aussi des raisons physiques qui peuvent empêcher l'endormissement?

Oui. Notre corps est soumis à un rythme de veille-sommeil que l'on appelle le rythme circadien. A une phase de jour propice à l'éveil et à l'activité succède une phase de nuit réservée au repos et au sommeil. Certaines personnes essaient d'aller se coucher tôt pour emmagasiner des heures de repos et espèrent ainsi être plus performantes le lendemain. Mais en allant se coucher plus tôt que ce que notre horloge biologique nous suggère, on a des difficultés à s'endormir. Le fait de passer trop de temps au lit peut aussi générer des réveils nocturnes et un sommeil moins satisfaisant. Il faut donc écouter son corps et essayer de se coucher à la même heure tous les jours pour dormir en accord avec son rythme et éviter de perturber le rythme veille-sommeil.

Est-ce que les activités que nous pratiquons avant d'aller nous coucher peuvent influencer la manière dont nous allons nous endormir?

Tout à fait. Le soir, notre cerveau peut être très actif. Envoyer des messages depuis son téléphone, discuter sur internet ou jouer à la Playstation avant d'aller se coucher peut conduire à des problèmes d'endormissement car ces activités nous mettent dans un état d'excitation. Or, au contraire, pour s'endormir facilement, on préconise plutôt le calme et la détente avant d'aller au lit.

Il faut aussi éviter la caféine?

Oui, bien que certaines personnes y soient peu sensibles. En fait, c'est une affaire génétique. Soit on est sensible à la caféine soit on ne l'est pas. Normalement, les gens s'en rendent compte, car lorsqu'on est très sensible à cette substance, quelques verres de coca peuvent suffire à vous maintenir éveillé toute la nuit!

Quelles sont les règles à respecter avant d'aller se coucher pour s'endormir le plus facilement possible?

Le plus important encore une fois, c'est d'essayer de se coucher toujours à la même heure. On dit que les heures avant minuit comptent double, ce qui n'est pas forcément vrai. Ce qui compte, c'est d'aller se coucher quand notre corps s'attend à dormir et de ne pas traîner au lit une fois que l’on est réveillé. Non seulement on aura moins de problème à s'endormir mais en plus, on se réveillera plus facilement. Il faut se réserver aussi une phase de décontraction d'une bonne heure avant d'aller au lit. Il est aussi recommandé de ne pas passer du temps au lit pendant la journée (regarder la télé ou manger au lit) pour que l’entrée dans le lit soit un signal fort qui indique au corps qu’il est temps de dormir. On peut aussi s'adonner à un petit rituel avant: comme les enfants se font raconter des histoires le soir, il peut être utile de répéter certains gestes pour faciliter la venue du sommeil.

Quels sont les traitements pour les personnes qui ont des problèmes à s'endormir?

Etonnamment, on propose souvent des restrictions temporaires du sommeil. On demande par exemple aux gens de limiter le temps passé au lit à six heures par nuit. Ils décident quand ils veulent les placer. Si c'est de minuit à six heures, et bien on leur interdit d'aller se coucher avant minuit et ils doivent impérativement se lever à 6 heures. Résultat: avec cette légère « dette de sommeil », on finit par se réjouir d'aller se coucher plutôt que de craindre ce moment. Aller au lit n'est plus lié à l'angoisse de ne pas dormir mais redevient un plaisir bien naturel. Les six heures ne sont en plus généralement pas suffisantes pour récupérer, ce qui fait qu'il devient de plus en plus facile de s'endormir parce que la personne est fatiguée. Il ne reste alors «plus» qu'à allonger progressivement les nuits pour retrouver un équilibre qui convienne à la personne.

Quand doit-on avoir recours au somnifère?

Normalement, les somnifères sont réservés à des insomnies aiguës, soit de courte durée. Vous avez perdu un proche et vous n'arrivez plus à dormir par exemple. Dans ce cas, une prescription de quelques jours peut être indiquée pour vous aider à trouver le sommeil. Mais il faut toujours avoir fixé une date de fin de traitement au moment de la prescription. Malheureusement, ce n'est pas toujours le cas et on trouve des gens qui prennent des somnifères depuis de nombreuses années. Les conséquences sont dramatiques. Elles se sont accoutumées aux effets du somnifère et son arrêt provoque des insomnies terribles car le corps en a besoin pour s'endormir. Il faut donc réserver ces traitements pour des cas exceptionnels. Le reste du temps, en cas de problèmes persistants, il vaut mieux avoir recours à des thérapies comportementales afin de retrouver un équilibre sain entre veille et sommeil. 

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