Ce que vous devez savoir sur le somnambulisme

Dernière mise à jour 18/03/14 | Article
Ce que vous devez savoir sur le somnambulisme
Dormir debout, c’est possible pour les somnambules. Zoom sur un trouble pas si rare, et même fréquent chez les enfants.

«On peine à croire que l’on puisse dormir et être éveillé à la fois, c’est pour cela que le somnambulisme fascine», analyse le Dr José Haba Rubio, médecin associé au Centre d’Investigation et de recherche sur le sommeil de Lausanne. Et pourtant, c’est bien possible. Sept questions sur le somnambulisme.

Que fait une personne atteinte de somnambulisme?

Bien qu’elle soit endormie, elle se lève et se met à marcher, généralement pendant quelques minutes. Elle peut effectuer des mouvements simples, comme ouvrir une porte ou descendre des escaliers. Elle ne peut par contre pas mobiliser des souvenirs ou exercer sa réflexion. Elle ne retrouverait pas, par exemple, une clé qu’elle aurait cachée avant de s’endormir.

Dans de très rares cas, on a rapporté que des personnes avaient eu des comportements complexes en état de somnambulisme, comme conduire une voiture, diriger un orchestre (en l’absence des musiciens) ou écrire des emails.

Le somnambulisme est-il dangereux?

Oui. Les actions que l’on entreprend lors d’un épisode peuvent conduire à de graves blessures ou à la mort. Une chute, dans les escaliers par exemple, est possible, tout comme tomber d’une fenêtre. Sécuriser son environnement est d’ailleurs la première mesure à prendre pour un somnambule (cf. plus bas).

Doit-on réveiller un somnambule?

Non. Un somnambule qui se réveille risque d’être très confus, à tel point qu’il pourrait se croire menacé et se montrer violent ou tenter de fuir. Il convient plutôt de «le reconduire gentiment dans son lit, sourit le Dr Haba Rubio. Il va se rendormir et ne se souviendra de rien le lendemain.» En le guidant ainsi, on s’assurera également qu’il ne fasse pas de mauvaise chute.

La famille du somnambulisme

Le somnambulisme est une parasomnie, soit un ensemble de phénomènes moteurs ou sensoriels anormaux durant le sommeil. Deux autres parasomnies se manifestent durant le sommeil profond: lors d’éveils confusionnels, la personne se réveille désorientée, sans savoir où elle est; lors de terreurs nocturnes, elle se réveille en criant, avec une grande peur.

«Ces trois parasomnies du sommeil profond semblent cependant être trois expressions d’un même phénomène», note le Dr Haba Rubio. On constate ainsi souvent qu’un somnambule est très confus si on le réveille, un peu comme dans le cas d’une personne qui connaît un éveil confusionnel.»

Qui peut être somnambule?

Le somnambulisme est fréquent chez les enfants, surtout autour de 8 ans. Certaines recherches ont identifié jusqu’à 20% d’enfants somnambules. Cette proportion diminue chez les adolescents, pour atteindre 1% chez les adultes, relève le Dr Haba-Rubio. Il est très rare que l’on devienne somnambule à l’âge adulte sans l’avoir été enfant.

Il y a une composante génétique forte dans cette affection. L’enfant de deux somnambules a ainsi davantage de risques d’être somnambule que l’enfant de dormeurs «normaux».

Comment explique-t-on le comportement d’un somnambule?

Il s’agit d’un «éveil dissocié», explique le spécialiste. «Le somnambule est bien endormi, dans une phase de sommeil profond, mais une petite partie de son cerveau se réveille. En effet, notre sommeil n’est pas un phénomène global.»

Chaque nuit, nous passons par différentes phases de sommeil.

  • Somnolence d'abord, une phase d'endormissement semblable à un demi-sommeil;
  • sommeil lent léger,où l'on peut toujours se réveiller facilement;
  • sommeil lent profond, le plus réparateur et le plus lourd ;
  • sommeil paradoxal, enfin, durant lequel nous rêvons et nos yeux bougent sans cesse.

Après l'endormissement, nous passons chaque nuit par plusieurs cycles de sommeil léger, profond, puis paradoxal, chaque cycle durant une heure et demie environ.

On pense que le coupable du somnambulisme est une mauvaise coordination de nos systèmes de veille et de sommeil. Comme un frein et un accélérateur, notre cerveau dispose de deux systèmes opérant en parallèle. Pour dormir, il faut ainsi que notre système du sommeil soit activé et que le système de veille soit inhibé. Dans le cas du somnambulisme, le «frein» est bien enclenché mais la pédale d’accélérateur ne serait pas complètement remontée.

Comment traite-t-on le somnambulisme?

Première mesure à prendre: sécuriser l’environnement de la personne somnambule. Il faut donc fermer les portes de l’habitation, les fenêtres, éviter les lits superposés, cacher également les objets dangereux. «Si les épisodes de somnambulisme ne sont pas fréquents et que la personne ne s’y met pas en danger, cette sécurisation peut suffire», indique le Dr Haba Rubio. Notons d’ailleurs que le somnambulisme est un motif de réformation du service militaire, puisqu’il exige de dormir dans des endroits non familiers, à proximité d’armes.

Action possible suivante: agir sur les facteurs qui augmentent la quantité de sommeil profond, puisque c’est dans ces phases de sommeil que le somnambulisme apparaît. On recommande donc aux somnambules une bonne hygiène de sommeil, à savoir une quantité suffisante de sommeil et des couchers et des réveils aux mêmes heures tous les jours. Cela leur évite des nuits où ils «récupèrent» avec davantage de sommeil profond. Il est également important de chercher et de traiter des maladies qui fragmentent le sommeil profond comme les apnées du sommeil ou les jambes sans repos.

Le somnambulisme prenant place plutôt au début de la nuit, on peut aussi pratiquer chez les enfants des réveils programmés, soit les réveiller 15 à 20 minutes avant l’heure moyenne de survenue des épisodes de somnambulisme pour éviter qu’ils ne débutent. Répétée, cette méthode peut venir à bout du somnambulisme. L’hypnose ou l’autohypnose, sorte de conditionnement pour la nuit à venir, sont aussi utilisées dans certains centres du sommeil.

Peut-on prendre des médicaments?

En dernier lieu, si d’autres traitements n’ont pas donné satisfaction et que le somnambulisme est fréquent et dangereux pour la personne, des médicaments peuvent être prescrits. Par exemple des benzodiazépines (comme le clonazépam ou le diazépam), des tranquillisants qui changent la structure du sommeil et diminuent la quantité de sommeil profond. Ou un antidépresseur, l’imipramine, qui fonctionne probablement selon le même principe.

Ces traitements sont un dernier recours et on ne les prescrit que sur une durée limitée, insiste le Dr Haba Rubio. Certains somnambules les prennent d’ailleurs uniquement dans des situations où le risque est accru, par exemple lors d’une nuit dans un endroit inconnu.

Par-delà le bien et le mal

La face sombre du somnambulisme excite l’imagination et la fiction. Si cet aspect est rare, il n’en existe pas moins réellement.

De nombreux assassins ont prétendu qu’ils dormaient au moment de leur méfait, une défense parfois plausible. Citons le cas de Kenneth James Parks en 1987: de nombreux experts  ont confirmé à son procès qu’il était endormi et somnambule quand il a tué ses beaux-parents. Il fut acquitté, une décision confirmée en appel par la Cour suprême canadienne.

Plus près de chez nous, des spécialistes du sommeil ont mis en évidence un trouble qu’ils ont baptisé «sexsomnie». Dans ces cas, «la personne a des comportements sexuels inappropriés durant son sommeil, dirigés vers autrui ou elle-même, explique le Dr Haba Rubio. Il s’agirait d’un type particulier de somnambulisme. Il est très rare dans la littérature scientifique, mais étant donné son caractère, on peut imaginer qu’une minorité de cas seulement soient rapportés.»

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