L’apnée du sommeil empêche de récupérer et fatigue le cœur

Dernière mise à jour 12/07/17 | Article
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Près d’un homme sur deux et une femme sur quatre, entre 40 et 85 ans, seraient atteints de ce syndrome en apparence anodin, mais qui peut affecter sérieusement la santé.

DE QUOI ON PARLE

Le 18 mars prochain aura lieu la Journée mondiale du sommeil. La manifestation vise à sensibiliser la population sur ces troubles qui peinent à sortir de la sphère intime mais dont les conséquences ont des effets néfastes sur la santé. Pour la première fois, cette journée mondiale trouvera un écho en Suisse romande et plus particulièrement à Genève qui propose de les dépister. Toutes les informations sur journeesuissedusommeil.ch

C’est un détail piquant. Certains chiens, notamment les bouledogues anglais et les carlins, sont les seuls animaux avec les humains à souffrir d’apnées du sommeil. C’est d’ailleurs en étudiant leur sommeil que le médecin australien Colin Sullivan a décrit pour la première fois et en détail le phénomène. Cette atteinte des voies respiratoires est en fait très proche du mécanisme qui provoque le ronflement. «C’est souvent suite à des plaintes du partenaire que des investigations sont menées, note le Dr Frédéric Lador, pneumologue référant au Centre de médecine du sommeil des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Quand l’on s’endort, et plus particulièrement pendant la phase de sommeil paradoxal, les muscles de la face et de la langue se relâchent, ce qui entraîne chez certains un rétrécissement important des voies respiratoires. Le diamètre nécessaire au passage de l’air n’étant plus suffisant, les tissus mous respiratoires (voile du palais et langue) vibrent, ce qui déclenche un ronflement. Si cette réduction du passage laissé à l’air se poursuit jusqu’à l’occlusion complète, la respiration se bloque, même si la personne a besoin de respirer.» Une absence de flux de ce type de plus de dix secondes est considérée comme une apnée. «Il peut y avoir jusqu’à soixante apnées par heure, voire plus de cent dans les cas les plus sévères, ajoute le Dr Lador. C’est un peu comme si quelqu’un vous étouffait avec un coussin plusieurs fois par heure.»

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Un «défaut de fabrication»

Des traitements plus ou moins contraignants

«Le traitement par pression positive continue (CPAP) est le plus courant et le plus efficace pour lutter contre les apnées du sommeil, explique Frédéric Lador, pneumologue référant du Centre de médecine du sommeil des HUG. Il s’agit d’une machine qui souffle de l’air, reliée à un masque par un tuyau souple, ce qui évite ainsi l’effondrement des voies respiratoires.» Ces appareils silencieux et munis de masques miniaturisés ne sont toutefois pas supportés par tout le monde. «Une alternative prometteuse consiste à implanter une sorte de pacemaker qui, grâce à des impulsions électriques, maintient le tonus de la langue. Ce traitement est potentiellement intéressant, car il est très discret. Mais son efficacité demande encore à être démontrée, nuance le Dr Lador. Il semble toutefois qu’il permette de diminuer le nombre d’épisodes apnéiques et peut donc être un bon complément à un autre traitement.» Autre technique utilisée surtout dans les cas peu sévères, le recours à une orthèse mandibulaire, sorte de gouttière qui évite l’affaissement de la mâchoire. Dans le cas d’apnées positionnelles, qui surviennent lorsqu’on dort sur le dos, un gilet peut être proposé. «Le dépistage, le diagnostic et une prise en charge dans un centre de médecine du sommeil sont donc importants pour déterminer le traitement, adapté à chaque patient, qui doit permettre de restaurer un sommeil de bonne qualité.»

Si des facteurs de risque comme le surpoids ou l’âge favorisent les apnées, tout le monde peut être affecté. Le problème vient d’une sorte de «défaut de fabrication» lié à l’évolution, en particulier du changement anatomique qui a permis l’apparition du langage. Pour dépasser le stade du simple grognement de ses ancêtres, Homo sapiens a dû transformer la structure de son visage. Plus allongé, avec une mâchoire plus étroite, celui-ci a surtout vu la base de sa langue s’abaisser par rapport au reste des mammifères, ce qui lui a permis d’articuler des sons complexes. «D’une manière générale, une mâchoire qui a tendance à partir vers l’arrière prédispose aux apnées du sommeil, confirme le Dr Lador. La taille et la position du pharynx, un cou large, de grosses amygdales ou une grande langue influent aussi.»

Ces données anatomiques expliquent pourquoi les hommes en surpoids ne sont pas les seuls à souffrir d’apnées, comme on l’a cru longtemps. «Le syndrome ne touche pas que ce type de personne, confirme le Dr Raphaël Heinzer, médecin responsable du Centre d’investigation et de recherche sur le sommeil (CIRS) du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) et coauteur du best-seller «Je rêve de dormir» (Favre, 2016). De plus en plus d’études montrent par ailleurs que les femmes sont également concernées. Après la ménopause, leur courbe se rapproche même sensiblement de celle des hommes!»

Stress et microréveils

Que l’on soit un homme ou une femme, la principale conséquence de ces apnées est une fatigue pendant la journée. Chaque apnée provoque un stress de l’organisme et entraîne un microréveil. L’avantage est que ce réveil rétablit le tonus musculaire et permet ainsi de recommencer à respirer. Mais il nuit à la qualité du sommeil et à sa structure. Les personnes apnéiques n’atteignant presque jamais les stades profonds d’endormissement, leur sommeil est peu réparateur. Elles sont donc fatiguées et ont tendance à s’endormir durant la journée. «Ces effets ne doivent pas être minimisés, relève le Dr Heinzer. Cela augmente les risques d’endormissement au volant et l’on est moins performant dans les tâches quotidiennes.»

Et pour ne rien arranger, ce stress respiratoire a des conséquences non négligeables sur la santé cardiovasculaire. En respirant, on apporte de l’oxygène à l’organisme et on rejette du gaz carbonique. Or les apnées perturbent ce fonctionnement et réduisent l’apport d’oxygène tout en augmentant la quantité de gaz carbonique. Sans compter que des décharges d’adrénaline se manifestent à chaque réveil lié aux apnées. «Ces problèmes induisent une augmentation de la stimulation cardiaque, explique encore le pneumologue vaudois. Le cœur doit faire de gros efforts pour compenser le manque d’oxygène, ce qui le fatigue. Les personnes qui souffrent d’apnées ont ainsi trois fois plus de risques d’avoir des problèmes de cœur ou d’attaques cérébrales que les autres. Et les risques d’hypertension augmentent aussi.»

À l’origine d’un déclin cognitif?

Outre la fatigue et les troubles cardiovasculaires, l’apnée du sommeil accélérerait le déclin cognitif. C’est ce qui ressort de la fameuse cohorte HypnoLaus, qui étudie le sommeil des Vaudois depuis de nombreuses années, et d’une récente publication dans le journal Neurology. «Les apnées provoquent une chute de l’afflux d’oxygène dans le corps, ce qui entraîne des microlésions dans le cerveau, explique José Haba-Rubio, neurologue répondant au Centre d’investigation et de recherche du sommeil (CIRS) au CHUV et coauteur de «Je rêve de dormir» (Favre, 2016). Il s’ensuit des répercussions à la fois au niveau psychologique mais aussi cérébral.» Si la corrélation demande encore à être détaillée, les effets cognitifs d’un mauvais sommeil montrent, s’il le fallait encore, que dormir est essentiel, même si on ne comprend pas encore exactement pourquoi c’est vital.

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Référence:

Paru dans Le Matin Dimanche, numéro du 12 mars 2017

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