Troubles de l’équilibre: un problème largement méconnu
Il est communément admis que nous disposons de cinq sens, mais pour le Pr Jean-Philippe Guyot, nous en avons clairement un sixième, la fonction vestibulaire. Largement méconnue, elle influence quantité de systèmes dans tout le cerveau. «Si l’on peut maintenir une posture ou la stabilité de notre vision sur un objet et s’orienter dans l’espace, c’est parce que ce sens est intact. C’est lorsqu’on est atteint d’un trouble vestibulaire qu’on réalise à quel point celui-ci mérite l’appellation de sixième sens».
Lorsqu’on lui demande de définir le trouble de l’équilibre, le Pr Guyot commence par préciser qu’«on ne tient pas en équilibre, on ne fait que lutter contre la chute». Pour gérer la situation, notre cerveau tient compte de plusieurs paramètres: la proprioception, la vision centrale et périphérique et le système vestibulaire de l’oreille interne. Quand toutes les informations sont concordantes, on se sent bien dans ses baskets. A contrario, lorsqu’il y a une soudaine discordance entre les informations, on se sent à côté de ses pompes. «Mais heureusement, le cerveau est adaptatif et peut gérer certaines discordances, sinon personne ne pourrait se tenir sur un bateau qui tangue sans se sentir très mal».
Grande variété de manifestations
Le vertige est protéiforme, ce qui le rend difficile à diagnostiquer. A cela s’ajoute la difficulté, pour les patients, de décrire les troubles d’un sens dont ils ignorent tout. «Ils disent que ça tourne, que ça bouge, qu’ils ont un sentiment de flotter, de tomber, de marcher comme un ivrogne. Ils ont face à eux un corps médical qui dispose d’un catalogue de troubles bien définis du type "Lorsqu’on ne voit rien, on est aveugle" et qui pense que seule la description d’un mouvement de rotation correspond à un "vrai" vertige. Le problème avec le déficit vestibulaire, c’est donc avant tout une question de vocabulaire qui manque aux patients comme aux médecins pour définir les troubles.»
La conséquence de cette méconnaissance, c’est que, selon une étude réalisée à Genève, les patients peuvent consulter jusqu’à sept ou huit médecins généralistes et spécialistes différents et qu’il s’écoule en moyenne trois ans avant la pose d’un diagnostic. «La plupart des oto-rhino-laryngologues ne sont que peu ou pas sensibilisés à ce trouble et testent donc peu la fonction vestibulaire», poursuit le spécialiste. Il n’existe actuellement pas de traitements médicamenteux pour les affections de l’oreille interne. On peut en revanche corriger certains troubles grâce à une physiothérapie vestibulaire et jouer sur les capacités adaptatives du système nerveux central.
Dernières découvertes
Si vous souffrez de troubles de l’équilibre, il vaut la peine de tester la fonction vestibulaire de l’oreille. Ces cinq dernières années, d’énormes progrès ont été accomplis. On a ainsi découvert que, de la même manière qu’on peut perdre la vision ou l’audition, on peut également connaître des pertes partielles de la fonction vestibulaire qui peuvent aller jusqu’au déficit vestibulaire bilatéral. Désormais, les cinq organelles des deux oreilles, qui nous renseignent sur notre position dans l’espace et nos mouvements, peuvent être testées. Dans certains cas, rares, l’organelle coupable peut être sectionnée chirurgicalement.
Traitement: un avenir prometteur
Un nouveau traitement actuellement en phase de test s’annonce en revanche très prometteur dans les situations où le déficit vestibulaire est bilatéral. Associé à des recherches sur l’animal menées à Boston, le Pr Guyot et son équipe ont développé une neuro-prothèse faite de capteurs de mouvements couplés à un processeur électronique. Elle envoie l’information au cerveau par des électrodes implantées dans le nerf vestibulaire, sur le même modèle que l’implant cochléaire. Grâce au développement d’une nouvelle technique chirurgicale, cette oreille artificielle est en phase de test sur treize personnes depuis 2007, ce qui fait de Genève le leader mondial. «Les premiers résultats montrent que toutes les fonctions peuvent être restituées». Le professeur et son équipe espèrent que l’application clinique pourra débuter d’ici trois à quatre ans.
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Source: Paru dans le magazine Planète Santé N°25, mars 2017.
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