Quand l’oreille fait tourner la tête
Nous sommes nombreux et nombreuses à avoir vécu cela au moins une fois dans notre vie. Alors que nous restons immobiles, nous avons soudain l’impression que tout tourne autour de nous ou la sensation de tanguer comme sur le pont d’un bateau. Il s’agit d’un vertige, qui est «une illusion de mouvement», selon le Dr Raphaël Maire, médecin-chef responsable de l'Unité d'otoneurologie et audiologie du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV).
Dans la grande majorité des cas, l’origine de ces malaises se trouve dans l’oreille interne. Plus précisément dans le système vestibulaire qui, en association avec la vue et la proprioception (la «conscience corporelle»), gère l’équilibre. Via le nerf vestibulaire, il donne des informations «sur la position ou les mouvements de la tête dans l’espace» au cerveau, qui les intègre, ce qui permet aux bipèdes que nous sommes de rester debout. En cas d’anomalie de l’une de ces entrées sensorielles, les informations reçues par le tronc cérébral sont faussées et l’équilibre est perturbé.
Mouvements de la tête
Maladie de Ménière: faut-il changer de régime?
On pourrait le penser puisque, aux États-Unis, les médecins recommandent fréquemment aux personnes souffrant de la maladie de Ménière de suivre une diète sans sel. «Nous n’avons aucune preuve que cela fasse effet», commente le Dr Raphaël Maire, médecin-chef responsable de l'Unité d'otoneurologie et audiologie du CHUV. Le spécialiste est aussi très sceptique devant les conseils qui pullulent sur internet, comme celui qui préconise de supprimer les boissons contenant de la caféine (café, thé, sodas). «Si une personne constate qu’après deux tasses de café, elle a des vertiges, elle doit bien sûr éviter d’en boire. Mais d’une manière générale, cela n’a aucun sens de conseiller d’arrêter de consommer tel ou tel produit.»
Il y a vertiges et vertiges. Les plus courants, nommés «paroxystiques positionnels bénins» (VPPB), se produisent quand la tête change de position. Les épisodes sont brefs, mais violents; ils se répètent plusieurs fois par jour, généralement pendant quatre à huit semaines, mais parfois pendant deux ou trois mois.
Cette pathologie mécanique survient lorsque «des petits cristaux de l’oreille interne quittent leur place normale», explique Daniel Goldman, physiothérapeute spécialisé dans le traitement des vertiges et de l’équilibration. Ils se mettent alors à flotter dans l’un des canaux semi-circulaires de l’oreille interne, laquelle «est hyperstimulée et envoie pendant un certain temps un message erroné au cerveau», poursuit le Dr Maire.
Ces vertiges peuvent apparaître notamment après un traumatisme crânien, une infection de l’oreille interne ou une chirurgie de cet organe. Toutefois, dans un cas sur deux, on n’en connaît pas la cause. «Il s’agit probablement d’un problème dégénératif, car leur incidence augmente avec l’âge», constate le spécialiste du CHUV.
Quoi qu’il en soit, ces VPPB sont bénins et, la plupart du temps, ils disparaissent quand les petits cristaux se sont désagrégés ou qu’ils sont sortis tout seuls du canal. «À l’aide de diverses manœuvres précises de repositionnement mobilisant la tête, nous provoquons l’éjection des fauteurs de trouble, ce qui écourte considérablement les épisodes de vertige», souligne Daniel Goldman.
Un vertige prolongé, presque toujours unique
La vestibulopathie unilatérale aiguë (nommée aussi neuronite ou névrite vestibulaire) se manifeste par l’apparition soudaine et spontanée d’un vertige rotatoire qui dure au moins vingt-quatre heures – mais souvent quelques jours – associé à des nausées, des vomissements et un déséquilibre. Elle se traite à l’aide de médicaments (contre les nausées et le vertige) et de la physiothérapie. Celle-ci comprend initialement des exercices qui visent «à stabiliser le regard qui est très perturbé», précise Daniel Goldman. On fait aussi tourner les patients et patientes sur un fauteuil rotatoire, «pour "fatiguer" la réception vestibulaire du côté sain, afin de rétablir un équilibre entre les deux oreilles».
Le traitement est complété par des exercices de compensation sur une plateforme informatisée, «qui favorisent les fonctions d’équilibration». Il est nécessaire, insiste le physiothérapeute, d’entreprendre le traitement le plus vite possible, car «la précocité de la prise en charge détermine la qualité de l’évolution de la maladie».
Des crises qui se répètent
Les vertiges peuvent prendre une tournure beaucoup plus handicapante quand ils se présentent sous forme de crises récidivantes, durant vingt minutes à douze heures (le plus souvent deux à trois heures), accompagnées d’une surdité aux basses fréquences et de bourdonnements (acouphènes). «Les personnes ont alors souvent l’impression que leur oreille est sous pression», précise le Dr Maire. Lorsque surviennent au moins deux crises de ce genre, les médecins diagnostiquent une maladie de Ménière.
L’origine de cette pathologie est encore inconnue. Selon certains médecins, elle serait due à la présence d’une quantité excessive de liquide dans l’oreille interne qui dilaterait l’une de ses structures, le labyrinthe. «Cette théorie fait débat, souligne le médecin du CHUV. Certes, cette dilatation est un témoin de la maladie, mais cela ne signifie pas qu’elle en soit la cause.»
Preuve d’un certain flottement, le traitement varie selon les régions du globe. En Europe, les médecins prescrivent des médicaments anticalciques et des antihistaminiques.Ils mettent aussi parfois un drain dans l’oreille pour éviter que la pression atmosphérique y crée une surpression. La thérapie est plus lourde quand la maladie s’est installée et que la surdité est importante. Elle consiste à injecter à travers le tympan des antibiotiques toxiques pour l’oreille, afin d’abîmer le canal horizontal qui produit les importants vertiges. Quant à la physiothérapie, elle «tente de soulager de manière spécifique les symptômes entre les crises aiguës», selon Daniel Goldman.
Tangage dans les grands magasins
En 2017, un nouveau terme est apparu dans la nomenclature médicale: VPPP, pour vertiges posturaux-perceptuels persistants. Cette pathologie, relativement fréquente, touche le plus souvent des femmes dans la quarantaine. Elle est chronique et se caractérise «par une sensation de déséquilibre, d’instabilité ou de vertiges de type tangage», selon le Dr Raphaël Maire, spécialiste ORL au CHUV. Symptômes qui s’aggravent «quand les personnes bougent activement la tête ou sont confrontées à un environnement visuel complexe (comme dans les grands magasins)». La réhabilitation vestibulaire vise à «désensibiliser le système de contrôle de l’équilibre qui est resté "bloqué en état d’alerte"», précise le médecin. Elle passe par des techniques de relaxation, ainsi que par des exercices favorisant l’accoutumance et réduisant la sensibilité aux stimuli visuels. Les thérapies cognitivo-comportementales diminuent par ailleurs l’inquiétude des personnes face à leur déséquilibre.
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Paru dans Le Matin Dimanche le 11/06/2023
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