L’hypocondrie aide à surmonter ses angoisses
«J’ai des crises d’anxiété qui me donnent des sueurs froides, des vertiges et accélèrent mon rythme cardiaque et j’ai alors une peur panique d’avoir une maladie grave.» Gilles Dupin de Lacoste (lire l’encadré) est de ceux qui s’inquiètent en permanence de leur état de santé et épuisent leur entourage, ainsi que leurs médecins. Ce sont des hypocondriaques. Ces malades imaginaires font souvent rire. Le personnage d’Argan, dans la célèbre pièce de Molière, en est un modèle, de même que les trois copains farceurs de «Trois hommes dans un bateau», de l’écrivain humoristique anglais Jerome K. Jerome. A son tour, Dany Boon a tiré parti de ce ressort comique dans sa comédie «Supercondriaque».
«Tourisme» médical»
Pourtant, il n’y a pas lieu de se moquer. L’hypocondrie est largement répandue et nous sommes nombreux à l’avoir vécue à un moment où un autre de notre vie, après un deuil ou un événement sombre par exemple. Mais certaines personnes se focalisent à tel point sur leur corps et leur état de santé que leur inquiétude devient «envahissante», comme le souligne le psychiatre et psychanalyste Robert Neuburger. Selon le directeur du Centre d’Etude de la Famille (CEFA) à Genève, «ce symptôme est pour elles une façon de lutter contre une anxiété plus diffuse, de faire face à l’angoisse existentielle qui touche tous les êtres humains».
C’est pourquoi les hypocondriaques n’apprécient pas qu’on leur suggère qu’ils sont en bonne santé. Robert Neuburger cite le cas de l’un de ses amis venu le voir un jour avec une mine complètement défaite. «Quand je lui ai demandé: “Qu’est-ce qui se passe?”, il m’a répondu, paniqué: “Je vais bien!”» Pourtant, ils sont généralement conscients que leur crainte d’être malades n’est pas rationnelle. Si certains souffrent en silence, la plupart d’entre eux consultent régulièrement «au moins deux médecins, reprend le psychiatre, un qui les rassure en leur prescrivant des médicaments ou des placebos, l’autre qui pourra les soigner au cas où ils auraient une vraie maladie». D’autres font carrément du «tourisme» médical: ils ont des dossiers à leur nom chez de nombreux praticiens et se font refaire plusieurs fois les mêmes examens, «ce qui coûte cher à l’assurance-maladie».
En revanche, quand ils ont vraiment un problème de santé, ils ont «un comportement paradoxal. S’ils se focalisent sur des maux imaginaires, ils méconnaissent souvent les symptômes d’une maladie réelle.» Leur attitude est en effet ambivalente face au milieu médical qui les attire, mais qu’ils veulent aussi mettre en défaut. Les hommes touchés par ce trouble – les femmes sont moins concernées – ont fréquemment eu «une mère qui était très attentive aux petits bobos de son enfant et qui mettait en doute le savoir du père. Celui-ci se trouvait ainsi à la fois valorisé en tant que figure paternelle et dévalorisé», précise Robert Neuburger. C’est ce qui explique qu’une fois devenu adulte, «l’hypocondriaque vit souvent entre une femme maternelle et un médecin homme qu’il disqualifie».
Si, de surcroît, le malade imaginaire compte un soignant parmi ses proches, il a très tôt accès à des ouvrages médicaux et à des notices de médicaments qui lui offrent «de quoi nourrir un peu plus ses craintes».
Internet aggrave la situation
Pendant longtemps, les hypocondriaques trouvaient de quoi conforter leur ressenti dans les dictionnaires médicaux. Les informations sont devenues beaucoup plus accessibles avec internet et les multiples sites consacrés à la santé. «Chacun peut y trouver ce qui l’arrange. Cela a aggravé la situation», constate Robert Neuburger. Les cas d’hypocondrie ont donc tendance à augmenter dans la population, et ce n’est ni la multiplication des séries télévisées comme «Dr House» ou «Urgences», ni les nombreux messages relatifs à la santé qui vont changer la donne.
Comme le médecin interprété par Kad Merad dans «Supercondriaque», les praticiens ont souvent du mal à supporter ce comportement. Certains jouent le jeu de leurs patients et «leur proposent des traitements de plus en plus invasifs, voire dangereux. D’autres ont une réaction de rejet. D’autres encore comprennent leur angoisse sous-jacente.»
Quoi qu’il en soit, les psychothérapies ou les antidépresseurs sont inefficaces, selon le directeur du CEFA. D’autant que les hypocondriaques, persuadés que leurs maux sont somatiques et non psychologiques, n’adhèrent pas aux traitements qui leur sont proposés. Pour eux, «l’hypocondrie est un remède, puisque c’est le moyen qu’ils ont trouvé pour diminuer leurs angoisses. Moins on intervient, mieux ils se portent», conclut le psychiatre. La seule chose à faire est de les rassurer.
Témoignage
«J’enregistre les informations mais je ne les vérifie pas, j’ai trop peur». « Je suis anxieux et j’ai frappé à la porte de l’hypocondrie, qui a répondu présent.»
C’est ainsi que Gilles Dupin de Lacoste résume son parcours de malade imaginaire. Ce Parisien de 60 ans s’est raconté dans un livre, «L’hypocondriaque – Sa vie, son œuvre» (Petite Bibliothèque Payot), dont le psychiatre et psychanalyste Robert Neuburger a signé le dernier chapitre.
Ses crises d’anxiété ont commencé alors qu’il était étudiant et elles se sont développées avant son mariage. Dans les files d’attente, les transports en commun ou encore quand il recevait des courriers administratifs, son rythme cardiaque s’accélérait, il avait des fourmillements dans les bras ou des vertiges. «Par ces symptômes, mon corps s’exprimait et j’avais une peur panique d’avoir quelque chose de grave», poursuit-il. Alors aussitôt, il envisageait le pire, «une crise cardiaque, un accident vasculaire cérébral ou une tumeur au cerveau».
De l’anxiété est donc née l’hypocondrie. Lorsqu’il était plus jeune, il avait parfois deux crises par jour. «C’était infernal et épuisant, mais cela me prouvait que j’étais vivant.» Depuis, il a eu des «hauts et des bas» mais, avec l’âge, ses malaises se sont espacés. On sent encore toutefois de l’anxiété dans sa voix quand il en parle. Gilles Dupin de Lacoste reconnaît qu’il avait un «terrain favorable» à l’hypocondrie, lui qui compte dans sa famille plusieurs personnes qui travaillent dans le milieu médical. Toutefois, il n’est pas de ceux qui courent les cabinets médicaux. «Je ne consulte que quand j’ai un symptôme que je n’avais jamais eu auparavant.» Mais dans ce cas, avoue-t-il en riant, «je triche, je guide le discours du médecin. Je lui demande de me prescrire des examens. Mais je ne les fais pas, car la crise passe après l’entretien.»
Il ne surfe pas non plus sur Internet, mais trouve à la télévision ou dans les journaux de quoi alimenter ses craintes. «J’enregistre les informations mais je ne les vérifie pas, j’ai trop peur.» Il en connaît malgré tout un rayon sur les maladies et leurs symptômes. «J’épuisais mon ex-femme et j’inquiétais mes filles», reconnaît cet homme qui a vécu des moments pénibles, mais qui garde tout son humour pour parler de son hypocondrie.
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