La torsion testiculaire nécessite une intervention en urgence
De quoi on parle
C’est un mal méconnu mais redoutable qui touche un homme sur 4000, le plus souvent avant l’âge de 25 ans. Les deux moments critiques sont la naissance et l’adolescence. La torsion testiculaire correspond à la rotation, invisible à l’œil nu, du cordon spermatique sur lui-même. Passé six heures, le testicule, gorgé de sang, risque de nécroser et de devoir être retiré. Une issue radicale, mais pas inexorable: une consultation en urgence et un passage par le bloc opératoire sans attendre permettent de sauver le testicule en souffrance.
Le sujet est rarement abordé dans les dîners et pourtant, il est des plus sérieux en consultation d’urgence. La raison? Une torsion testiculaire met en péril la survie du testicule atteint en quelques heures. «L’idéal est de pouvoir opérer dans les six heures qui suivent l’apparition de la douleur», explique le Dr Nadim Douaihy, urologue, chef de clinique aux Hôpitaux universitaires de Genève.
Le déclenchement du compte à rebours passe rarement inaperçu. «En cas de torsion testiculaire, la douleur est brutale et tout de suite très intense, explique le spécialiste. Pouvant survenir en pleine nuit comme à n’importe quel moment de la journée, elle est très caractéristique puisqu’elle se manifeste d’un seul côté, celui du testicule atteint, en irradiant parfois dans l’aine et le bas du ventre. Elle s’accompagne fréquemment de nausées ou de vomissements.» Se produisant à l’intérieur du scrotum (enveloppe de peau, aussi appelée «bourse», contenant les testicules et s’implantant à la base du pénis), la torsion n’est pas visible en elle-même, mais le testicule laisse généralement apparaître le trouble. Remonté par rapport à l’autre, il perd sa silhouette allongée et verticale pour une forme plus horizontale. Quant à sa palpation, elle frôle l’insupportable.
Dès les premières douleurs
Opération d’urgence chez les tout-petits aussi
La torsion testiculaire périnatale peut toucher les garçons pendant la gestation, au moment de la naissance et jusqu’au premier mois de vie. Plus rare que chez les adolescents, elle est aussi plus critique. «Une torsion testiculaire qui s’est produite pendant la grossesse ou au moment de la naissance peut passer inaperçue, explique la Dre Vanina Estremadoyro, chirurgien pédiatrique au CHUV. Le délai critique des six heures peut donc facilement être dépassé.» Pour autant, le protocole de prise en charge est extrêmement clair et commence par une opération au plus vite pour deux objectifs: fixer les deux testicules et détordre le testicule atteint. «Chez les bébés, il y a une chance – bien qu’infime – de régénération du testicule atteint, il est donc rare que nous procédions à son ablation. En revanche nous fixons les deux pour éviter tout problème plus tard», souligne le médecin. Quant à la pose d’une prothèse? «Elle est généralement envisagée vers l’âge de 5 ans, en prévision d’un souhait qui apparaîtra à l’adolescence, indique la Dre Estremadoyro. Avant, l’intervention est peu utile. Après, la peau du scrotum vidé du testicule peut se rétracter et rendre plus difficile la pose d’une prothèse. À noter que la prothèse n’a qu’une portée esthétique et ne compense par la fonction testiculaire perdue, compensée par le testicule restant.»
Si les symptômes sont nets, la prise en charge n’est pas toujours optimale. La faute à qui? «A un malheureux concours de circonstances, constate le Dr Douaihy. Bien souvent, le patient lui-même ne perçoit pas le caractère d’urgence, prend des antidouleurs et laisse passer plusieurs heures avant de consulter. Quant au médecin, il peut partir sur une autre piste, intestinale par exemple, et négliger l’examen des parties génitales.» C’est alors un temps précieux qui est perdu. Car ce qui se passe en coulisses de ces douleurs est très concret: en «twistant», le cordon spermatique comprime les vaisseaux dits «gonadiques» qu’il contient. La vascularisation testiculaire se coupe, c’est la mort du testicule.
Alors que faire? Dès les premières douleurs, aller à l’hôpital pour être vu par un urologue en urgence. Si le diagnostic de torsion testiculaire est posé, une opération est envisagée sans délai. Si le doute subsiste, une échographie doublée d’un doppler permet de voir si le testicule est toujours irrigué par du sang, autrement dit, s’il vit encore. Vient ensuite l’échange avec le patient. «Même si nous sommes dans une course contre la montre, l’entretien préalable est essentiel, car plusieurs cas de figure peuvent se présenter sur la table d’opération», insiste le Dr Douaihy. Dans le meilleur des cas, le testicule est détordu sans séquelle. Puis les deux testicules sont fixés au scrotum (on parle d’orchidopexie bilatérale). Pourquoi des deux côtés? «Une torsion sur un testicule laisse présager que le phénomène pourrait se produire sur l’autre. Si les deux venaient à succomber, les conséquences seraient redoutables: fin de la production de la testostérone (hormone masculine) et perte totale de la fertilité», alerte le Dr Douaihy.
S’il est trop tard et que le testicule est déjà nécrosé, son ablation s’avère incontournable. Il est alors possible de poser une prothèse, lorsque le patient en a émis le souhait avant l’intervention. Uniquement à visée esthétique, la prothèse ne compensera pas la production perdue de spermatozoïdes ni de testostérone. Une mission dont peut se charger de manière satisfaisante, sauf cas particulier, le testicule restant.
Déjà dans les mois précédents
Quant à l’origine de la torsion testiculaire, le mystère reste entier, ou presque. Un indice possible: les deux âges de la survenue du problème sont la période entourant la naissance (lire encadré) et l’adolescence. «L’hypothèse la plus probable est donc liée aux pics hormonaux qui se produisent à ces moments clés, explique la Dre Vanina Estremadoyro, chirurgien pédiatrique au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) à Lausanne. Mais les mécanismes exacts restent à découvrir.» Et d’ajouter: «Pour 10% des garçons atteints, un père ou un oncle avait eu le même problème, il existe donc probablement aussi un facteur génétique.»
Deux âges pour une même urgence? Pas tout à fait. «Chez les nouveau-nés, le défi est très périlleux, car la nécrose du premier testicule a pu avoir lieu pendant la grossesse, il est souvent trop tard pour le sauver. Tout l’enjeu est alors d’intervenir rapidement pour ne pas perdre le deuxième, indique la Dre Estremadoyro. La prise en charge est généralement plus aisée pour les adolescents puisque les symptômes sont flagrants et laissent quelques heures pour agir. Encore faut-il que les jeunes osent en parler.» Et s’écoutent: «Dans 50% des cas, des douleurs testiculaires s’étaient déjà manifestées dans les mois précédents la «vraie» torsion, souligne la spécialiste. Souvent, la douleur n’avait duré que quelques minutes, avant de revenir, plusieurs fois, dans les semaines suivantes. Il s’agissait alors de torsions-détorsions annonciatrices du problème. L’idéal est de consulter dès le premier épisode de douleurs. Une fixation préventive des testicules permet alors d’endiguer tout risque de torsion future.»
À ne pas confondre avec…
En cas de douleur testiculaire, un seul mot d’ordre: oser consulter. Tour d’horizon des atteintes (autres que la torsion testiculaire) qui peuvent frapper le siège de la fertilité masculine, avec le Dr Nadim Douaihy, urologue, chef de clinique aux Hôpitaux universitaires de Genève.
• La torsion de l’hydatide de Morgani. Douloureuse mais sans gravité, la torsion de cet appendice de quelques millimètres de long, niché dans le scrotum, passe en quelques jours, avec l’aide d’un anti-inflammatoire.
• Orchiépididymite. Fièvre, rougeur et sensibilité extrême du testicule laissent présager de cette infection qui devra être traitée par antibiotique.
• Tumeur. En cas de tumeur, des saignements peuvent se produire et générer des douleurs. Une échographie permettra de repérer tout amas anormal de cellules.
• L’«après-coup». Si la douleur consécutive à un coup porté dans les testicules est connue pour être des plus vives, elle doit passer en quelques minutes. Au-delà, il s’agira de vérifier l’absence de déchirure interne.