Dre Lilly Khamsy: «L’ophtalmologie fait des progrès incessants»
Bio express
1989 Naissance à Genève.
2014 Diplôme fédéral de médecine à l’Université de Genève.
2016 Médecin assistante en chirurgie générale à l’Hôpital Triemli (Zurich).
2017 Doctorat en recherche fondamentale à l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin (Lausanne). Médecin assistante en ophtalmologie à l’Hôpital universitaire, Inselspital (Berne).
2019 Présidente de l’organisation Young Swiss Ophthalmologists de la Société Suisse d'Ophtalmologie.
2020 Doctorat de médecine à l’École doctorale de l’Université de Lausanne. Cheffe de clinique en ophtalmologie à l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin (Lausanne).
2021 Consultation d’ophtalmo-diabétologie de l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin à l’Espace Santé Rennaz.
Depuis le printemps 2021, vous exercez, entre autres, au sein de la Consultation d’ophtalmo-diabétologie de l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin, à l’Espace Santé Rennaz. Vous aviez déjà travaillé pendant vos années de doctorat sur l’impact du diabète sur la vision. Quelles sont les priorités aujourd’hui dans ce domaine?
Dre Lilly Khamsy: L’ophtalmologie fait des progrès incessants, permettant une prise en charge et des traitements toujours plus performants, mais d’énormes lacunes demeurent dans le dépistage au sein de la population générale, notamment chez les personnes souffrant de pathologies chroniques telles que l’hypertension artérielle ou le diabète. L’œil est un organe très spécifique et sensible, pouvant être victime de pathologies affectant le corps tout entier. Le problème est que bien souvent, les lésions oculaires peuvent s’installer de façon sournoise et, lorsqu’on les découvre, parfois des années plus tard, certains dégâts sont irrémédiables. Un contrôle une fois par an chez un ophtalmologue est donc primordial lorsque l’on souffre d’une maladie telle que le diabète.
D’où l’intérêt d’une consultation spécifique comme celle de Rennaz?
Absolument. Les personnes diabétiques présentent un risque accru de développer une complication appelée rétinopathie diabétique. Causée par les excès de sucre dans le sang (hyperglycémie) propres au diabète, elle provoque, au fil du temps, une détérioration des vaisseaux sanguins de la rétine. Fragilisés, déformés, ces fins capillaires finissent par se rompre ou se boucher, entraînant des lésions telles qu’œdèmes ou saignements. Si rien n’est fait, la rétinopathie diabétique peut aboutir à la cécité. À l’inverse, il est possible de stabiliser les lésions si le dépistage est précoce. À l’antenne de Rennaz, nous disposons, en plus des techniques d’imagerie habituelles, d’outils de détection de pointe, tels qu’un système d’imagerie diagnostique autonome (IDx) doté d’une technologie d’intelligence artificielle permettant de repérer des anomalies encore très préliminaires.
Qu’en est-il de la prévention elle-même?
Cet axe est crucial et fait partie intégrante de notre mission auprès des patients. La prévention passe par des conseils adaptés pour améliorer l’hygiène de vie. Dans le cas du diabète de type 2, les leviers les plus probants sont la perte de poids, l’arrêt du tabac, la maîtrise de la tension artérielle et bien sûr la régulation de la glycémie. Il s’agit d’une mission interdisciplinaire que nous menons de front avec les médecins traitants, les diabétologues ou encore les nutritionnistes. Ces mesures sont bénéfiques à l’ensemble du corps et à la santé des yeux en particulier. La prévention passe aussi par des consultations régulières chez l’ophtalmologue, car si certains troubles, comme l'impression de voir les lettres déformées ou une baisse d'acuité visuelle, peuvent indiquer la présence d’une rétinopathie diabétique, la plupart du temps, la maladie s’installe sans signes d’alerte. De manière générale, trop de personnes tardent à consulter lorsqu’elles ont un souci au niveau des yeux. Une baisse de la vue ou un voile sombre qui s’installent par exemple ne sont jamais à banaliser.
En parallèle de cette consultation d’ophtalmo-diabétologie, vous êtes également, au sein de l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin, cheffe de clinique à la policlinique, mobilisée pour les consultations itinérantes au sein des EMS du canton de Vaud, tout en vous formant vous-même à la chirurgie ophtalmique. Vaste programme!
En effet, mais cette diversité est passionnante puisqu’elle permet d’aborder une multitude de thématiques. La policlinique de l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin est la «porte d’entrée» de l’hôpital. Mon rôle y est double: je partage mon temps entre consultations, bloc opératoire et supervision des médecins ophtalmologues assistants. À la policlinique, nous gérons directement 40% des cas environ et dirigeons les patients vers les consultations spécialisées de l’hôpital. Les consultations en EMS relèvent quant à elles d’une mission de santé publique pour les patients âgés souffrant de troubles physiques ou cognitifs rendant les déplacements compliqués. Quant à la chirurgie, il s’agit d’une formation de deux ans en chirurgie ophtalmique. J’aimerais ensuite me former à la chirurgie des paupières, tout en continuant à opérer la cataracte.
Vous êtes également présidente de la toute récente organisation Young Swiss Ophthalmologists de la Société Suisse d’Ophtalmologie. Comment est né ce projet?
Tout a commencé en 2019, lorsque ma cheffe m’a invitée à participer à la création d’un nouveau groupe de travail. J’étais alors médecin assistante en ophtalmologie à Berne. L’idée était de créer une filiale «fille» de la Société Suisse d’Ophtalmologie, destinée aux jeunes ophtalmologues. Rapidement, le projet a pris une tournure concrète et exaltante. Il a fallu définir nos objectifs, mettre en place un comité, créer une identité visuelle, assurer une présence sur les réseaux sociaux ou encore la participation au congrès national d’ophtalmologie. Aujourd’hui, l’organisation Young Swiss Ophthalmologists s’adresse à tous les jeunes ophtalmologues – le critère repose moins sur l’âge que sur le niveau de formation –, que les médecins soient encore en formation, en poste à l’hôpital ou en passe de s’installer en cabinet. Le but est à la fois de fédérer une communauté à travers toute la Suisse au sein de laquelle les échanges sont facilités et de soutenir la formation en ophtalmologie en organisant notamment des Wetlabs (ateliers pratiques de chirurgie) et des mini-symposiums.
Par quoi cela passe-t-il?
Nous essayons de rendre les démarches le plus vivantes et concrètes possible, en utilisant toutes les nouvelles techniques de cours à distance, de vidéos sur les réseaux sociaux, etc. Nous avons également mis en place le prix «Teacher of the Year» dans les grandes cliniques ophtalmiques de Suisse (Genève, Lausanne, Berne, St-Gall, Aarau, Lucerne, Zurich). Celui-ci vise à récompenser l’engagement d’un ou d’une cheffe de clinique auprès des médecins assistants de son institution. L’ophtalmologie, comme la médecine en général, est un domaine dans lequel la transmission de connaissances et d’expériences de terrain est cruciale car les avancées technologiques sont très rapides et les cas à traiter parfois rares et complexes.
Est-ce cette dynamique qui vous a fait choisir l’ophtalmologie?
Oui, en grande partie. L’ophtalmologie est un univers captivant qui ne cesse de me fasciner, de par la beauté de l’œil que l’on découvre grâce à l’examen du patient, l’esthétique des images, la subtilité des mécanismes en jeu, les perspectives thérapeutiques rendues possibles par les progrès incessants de la médecine. Et puis l’interaction avec les patients autour de la pathologie ou de la gêne visuelle qui les amène à consulter est d’une richesse inouïe. Les yeux sont un reflet troublant de leur vie et de leur état de santé.