Acouphènes: il est désormais possible de voir ces illusions auditives

Dernière mise à jour 31/01/18 | Article
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Le résultat spectaculaire obtenu par une équipe de chercheurs américains laisse espérer de nouvelles avancées dans la prise en charge des personnes souffrant de ce trouble handicapant de l’audition.

Un acouphène (tinnitus en anglais) est une sensation auditive non liée à un son produit par une vibration d’origine extérieure à l’organisme. Un acouphène est donc invisible et inaudible par l’entourage de la personne qui le perçoit. Ce «son intérieur» peut prendre diverses formes (bourdonnement, sifflement, tintement, chuintement, etc.) et être ressenti dans le crâne ou dans l’oreille, de façon unilatérale ou bilatérale. Ces sensations auditives peuvent aussi être d’intensité très variable, permanentes ou intermittentes. Elles peuvent sembler provenir de l’intérieur de l’organisme ou de l’extérieur.

Ce phénomène peut constituer une douleur chronique et un handicap majeur. S’y ajoutent souvent une fatigue, un stress, des troubles anxieux, des phases dépressives, des insomnies ou encore des difficultés à se concentrer. La complexité de cette pathologie et ses différentes causes possibles (ou l’absence de cause) imposent le plus souvent une prise en charge spécialisée.

Un trouble mal connu

De nombreuses hypothèses ont été évoquées pour expliquer ce phénomène: lésions des structures internes de la fonction auditive, conséquence d’une perte d’audition liée à l’âge ou de l’exposition à des niveaux de bruit ou de musique élevés, accumulation de cérumen, otospongiose de l’oreille moyenne, entre autres. Toutefois, de multiples inconnues demeurent et la prise en charge ne permet pas toujours la mise en œuvre d’une thérapeutique efficace.

Sans disposer de chiffres précis, on estime tout de même à plus de 10% la proportion, dans la population adulte, de personnes souffrant d’une forme ou d’une autre d’acouphènes. C’est dire l’importance que l’on peut accorder au travail mené par une équipe de l’Université de l’Illinois, à Urbana-Champaign (États-Unis), qui est parvenue à visualiser des différences dans certaines zones du cerveau chez des personnes souffrant d’acouphènes. Ces travaux, publiés dans la revue spécialisée NeuroImage, apportent enfin aux personnes concernées une validation objective de leurs douloureuses expériences personnelles.

Des preuves visibles

L’acouphène étant invisible, il ne peut pas être «mesuré». «Les patients peuvent souffrir de ce son constant dans leur tête, mais personne d’autre ne peut l’entendre et les acouphènes peuvent alors être attribués à l’imagination, explique la Pre Fatima T. Husain, qui a dirigé l’équipe américaine. Or, nous ne savons gérer que certains symptômes, ceux que nous pouvons évaluer et expliquer.» De plus, l’extrême variabilité des acouphènes (en termes de durée, de sévérité, de type de sons perçus) fait de chaque patient un cas unique vivant une expérience spécifique. Cette nouvelle étude fournit pour la première fois une «métrique objective» du phénomène ressenti par la personne souffrante: l’acouphène devient identifiable via l’analyse de la connectivité cérébrale. En utilisant la méthode de l’IRM fonctionnelle (IRMf), les chercheurs américains ont pu établir que l’acouphène trouve son origine dans une zone du cerveau bien précise: le précuneus, une région située sur la face interne du lobe pariétal du cortex cérébral. Cette zone est connectée à deux réseaux inversement liés au cerveau selon que la personne est au repos ou, au contraire, mobilise son attention. L’équipe de la Pre Husain a pu visualiser le fait que, chez les patients atteints d’acouphènes, le précuneus modifie cette relation entre les deux réseaux. Et plus grande est la sévérité de l’acouphène, plus les effets observés sont augmentés.

Grâce à ce travail, les acouphènes deviennent ainsi, pour la première fois, détectables et mesurables. C’est là, pour les patients, une confirmation scientifique objective de l’existence de ces sensations intérieures jusqu’alors invisibles. Mais c’est aussi la possibilité d’une meilleure reconnaissance et d’une meilleure compréhension de ce trouble qui ouvrent la voie à de possibles avancées thérapeutiques.

Prévenir les traumatismes auditifs

Les «traumatismes auditifs», à l’origine de surdités, peuvent être l’une des causes d’apparition d’acouphènes. Il s’agit de l’exposition brutale à une stimulation sonore de très forte intensité sans protection auditive. Le traumatisme peut être un phénomène aigu (arme à feu, détonation, boîte de nuit, bars, concerts, etc.) ou chronique (travaux de percussion sur métaux, etc.). Une surdité secondaire au traumatisme peut apparaître, qui dépend de l’intensité et de la durée de ce dernier ainsi que de la susceptibilité individuelle.

Il est donc important d’éviter de tels traumatismes. C’est pourquoi des réglementations limitent le volume sonore dans les lieux publics, de même que celui des baladeurs. Pour s’en prémunir, il est aussi possible d’utiliser des bouchons avec filtres, moulés ou non. Une protection auditive (casque ou bouchons de mousse) doit par ailleurs être impérativement utilisée lorsqu’on se sert d’un outil électrique bruyant (meuleuse d’angle, disqueuse, ponceuse à bande, etc.), notamment dans des lieux clos. Car il suffit de quelques minutes d’exposition à un niveau sonore trop élevé pour abîmer les cellules ciliées de l’oreille interne et provoquer un acouphène définitif.

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Références: «Connectivity of precuneus to the default mode and dorsal attention networks: A possible invariant marker of long-term tinnitus», DOI: 10.1016/j.nicl.2017.07.015.

Paru dans Planète Santé magazine N° 28 - Décembre 2017

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