Travailler son audition chez soi
«Entendre avec un implant cochléaire, c’est comme jouer du piano avec des gants de boxe», résume Angélica Pérez-Fornos, ingénieure responsable du Centre universitaire romand d’implants cochléaires (CURIC) des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Un implant cochléaire est un dispositif médical qui permet aux personnes présentant une surdité sévère à profonde d’entendre et d’accéder à la compréhension du langage. Mais une fois que l’aide auditive est posée –cela vaut également pour les prothèses externes–, l’audition ne ressemble pas à celle d’une personne entendante. Une période d’adaptation est donc nécessaire et un accompagnement logopédique est recommandé, ainsi que des exercices à réaliser à la maison.
Plus facile à dire qu’à faire. Les séances de logopédie ne sont pas forcément accessibles pour tout le monde et suivre un programme d'exercices de manière autonome peut être ardu. Sans accompagnement, de nombreuses personnes se retrouvent seules confrontées à des problèmes d'adaptation. «Les premières étapes d’un appareillage auditif peuvent être difficiles à traverser et certaines personnes peuvent se décourager. L’appareillage finit parfois dans un tiroir, alors qu’une réhabilitation pourrait les aider», explique Maëlys le Magadou, assistante de recherche et cheffe de projet au CURIC.
Comprendre et reprendre confiance
C’est là qu’intervient la nouvelle application AudioRehab+, innovation du CURIC, disponible depuis mars dernier et financée par la Fondation privée des HUG. À utiliser idéalement en complément d’un suivi avec un ou une logopédiste, l’application est téléchargeable gratuitement sur smartphone ou sur tablette. Connectée directement aux aides auditives, AudioRehab+ donne accès à des parcours ludiques d’exercices sonores. «Si l’application ne redonne pas l’audition, elle entraîne des capacités qu’il est possible de récupérer avec un appareillage. Le but est de mieux comprendre la parole et, surtout, de redonner confiance à la personne appareillée», précise Maëlys le Magadou.
Prioriser la qualité de vie
L’autre objectif important de cette approche est l’amélioration de la qualité de vie. Lorsqu’une perte auditive survient, les interactions sociales et au travail en sont souvent très affectées. Chez les personnes âgées, cela peut également constituer un facteur accélérant le déclin cognitif. «Avec un entraînement auditif, il est possible de retrouver une vie sociale, d’avoir une conversation avec une autre personne, de poursuivre son activité professionnelle. Pour obtenir les meilleurs résultats possibles avec l’appareillage, il est conseillé de mettre toutes les chances de son côté», relève Angélica Pérez-Fornos.
JAMIL, porteur d’implants cochléaires
«Tout le monde avait la même voix de robot»
«Je suis atteint de surdité profonde depuis tout petit et implanté dans les deux oreilles depuis que j’ai 18 et 24 ans. Aujourd’hui, mon audition me permet de vivre pleinement dans le monde des personnes entendantes. Je peux percevoir par exemple les cris d’oiseaux, même s’il me reste des limitations comme le fait de ne pas comprendre les chuchotements. Mais directement après la pose des implants, mon cerveau était incapable de distinguer les sons. Une sirène d’ambulance faisait le même bruit qu’un marteau-piqueur et tout le monde avait la même voix de robot. L’application AudioRehab+ donne accès au même type d’exercices que ceux que j’effectuais avec mon logopédiste. Dans mon cas, elle n'aurait pas pu remplacer complètement un suivi personnalisé et professionnel, mais elle permet de travailler son audition chez soi, à tout moment, ce qui est d’une très grande utilité.»
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Article repris du site pulsations.swiss