Le tatouage s’efface aujourd’hui grâce au laser
De quoi on parle?
Les faits
A la tête d’une nouvelle émission sur Canal Plus, la journaliste Daphné Bürki est aussi une vraie fan de tatouages. Comme l’a fait David Beckham pour ses enfants et récemment pour sa femme, la jeune maman a annoncé son désir de faire graver sur sa peau le prénom de son deuxième enfant, Suzanne. Pour cela, elle se rendra à Londres, chez sa tatoueuse «de famille».
Il est loin le temps où le tatouage était l’apanage des mauvais garçons. Aujourd’hui, la pratique s’est largement répandue tant chez les hommes que chez les femmes et dans toutes les couches de la société. A l’image des stars comme Beckham ou Alizée, beaucoup ne se contentent plus de dissimuler secrètement un petit dessin sur un coin intime de leur corps, mais affichent au contraire de grandes fresques sur des zones bien visibles comme les bras ou le dos. En Suisse, le tatouage est une pratique sûre même si, comme le rappelle le Dr Adatto, dermatologue et directeur médical de Skinpulse à Genève, «les matériaux utilisés servaient à l’origine à colorer des panneaux, des textiles ou des carrosseries de voiture».
Le principe du tatouage est assez simple. Il s’agit d’injecter, au moyen d’une aiguille stérile, un faible volume de pigments de couleurs entre l’épiderme et le derme, soit à une profondeur située entre 1 et 4 millimètres sous la surface de la peau. Les pigments se retrouvent alors emprisonnés dans des cellules bien particulières, les fibroblastes et les péricytes (voir infographie). Plus ou moins bien tolérée, la douleur fait quant à elle partie de l’expérience. Après une séance, la peau présente généralement de légers signes d’inflammation (rougeur, gonflement) sur et autour de la zone concernée, en réaction à l’introduction de l’aiguille et des pigments. Par contre, la persistance ou l’aggravation des symptômes au-delà de cinq jours ainsi que l’apparition de rougeurs, de fortes démangeaisons ou de fièvre nécessite un avis médical afin d’écarter la présence d’une infection ou d’une réaction allergique.
Les contre-indications au tatouage
La grossesse
Par précaution et en raison du risque d’infections et des traitements médicamenteux limités durant cette période.
Un mauvais état de santé
Insuffisance cardiaque, rénale, cancer, infections virales ainsi que toute maladie qui diminue les défenses immunitaires avec lesquelles le risque d’infections est augmenté.
Le diabète
S’il est mal équilibré, le diabète favorise les infections.
Des maladies ou infections de la peau
Lichen plan, vitiligo, psoriasis, zona, cancer.
De nombreux grains de beauté ou une peau à risque de cancer
Les tatouages, en particulier s’ils sont très étendus, peuvent masquer la transformation de grains de beauté et rendent difficile le dépistage des mélanomes.
Un état psychique instable qui pourrait faire regretter la décision
Drogue, alcool, fragilité ou maladie psychiatrique non contrôlée. Tout professionnel devrait s’enquérir de l’état de santé de son client et refuser de le tatouer s’il est médicalement à risque ou hésitant.
En principe, un tatouage reste visible la vie entière, les encres injectées étant indélébiles. Seulement, il arrive souvent qu’on regrette son «tattoo» et qu’on veuille l’effacer. Par exemple après une rupture avec l’être aimé; si le tatouage évolue mal (peau vieillissante, contours moins nets) ou devient un handicap dans le milieu professionnel. Autre possibilité: dans de nombreux cas, les tatoués souhaitent remplacer une partie du dessin par un nouveau motif qui correspond mieux à leur nouvelle vie.
Jusqu’à récemment, des techniques partiellement efficaces existaient pour effacer un tatouage. Toutes, cependant, présentaient le désavantage de provoquer des cicatrices importantes. La dermabrasion, qui consiste à frotter la peau au moyen d’un rabot, laisse par exemple une marque de la taille du tatouage tout en ne permettant pas de venir à bout de certaines taches de couleur. Plus à même d’éliminer les tatouages linéaires et de petite taille, la chirurgie (incision de la peau pour en faire sortir les pigments) ou la greffe s’avèrent tout aussi insatisfaisantes d’un point de vue esthétique. On peut encore citer une pratique très ancienne qui consiste à couper la peau pour y déposer du sel afin de provoquer la nécrose de la zone tatouée. Mais elle est à déconseiller fortement car elle remplace le dessin par une tâche noire.
Un traitement efficace
Au vu des désagréments provoqués par l’ensemble de ces techniques de détatouage, l’apparition, au début des années 80, des lasers dits «déclenchés» ou Q-Switched a été vécue comme une véritable révolution. Ces appareils ont le double avantage d’effacer le tatouage de manière efficace et de ne pas laisser de cicatrices. Mal maîtrisée (puissance du laser pas adaptée, intervalles trop courts entre les séances), cette technique peut certes entraîner des complications bénignes comme des brûlures, une altération de la pigmentation de la peau ou encore des cloques. Mais les lasers sont sans danger véritable pour la santé. En particulier, ils ne provoquent pas de carcinomes (tumeur maligne).
Comment fonctionnent ces appareils? «Ils émettent un faisceau lumineux à très haute énergie. Les impulsions ultra-brèves font exploser les particules d’encre qui deviennent alors invisibles», explique le Dr Luigi Polla, dermatologue et fondateur de Forever Laser Institut à Genève. Une partie de ces particules fragmentées migre dans les ganglions lymphatiques ou est détruite par le système immunitaire, une autre traverse l’épiderme. Certaines particules restent sur place, mais leur coloration ne se voit plus: les gros cailloux ont été transformés en petits grains de sable qui captent moins la lumière et qui sont donc moins visibles.
L’efficacité de ces lasers «déclenchés» dépend du temps d’impulsion. Plus celui-ci est court, plus le phénomène explosif sera important. Jusqu’à récemment, le temps d’impulsion se mesurait en nanosecondes (10-9 seconde). Une nouvelle génération de lasers va arriver sur le marché, réduisant ce temps à 750 picosecondes (750 fois 10-12 seconde), ce qui améliorera leur efficacité. Par ailleurs, leur spectre permettra d’atteindre des tatouages plus profonds (de l’ordre de 2,5 à 3 millimètres).
Certains tatouages résistent malgré tout au laser. La faute à de nouveaux types de pigments d’origine synthétique, de plus en plus prisés par les tatoués, mais beaucoup plus difficiles à éliminer. La couleur est aussi en cause: les lasers sont très efficaces contre les pigments noirs et rouge foncé, utilisés surtout dans les anciens tatouages. Mais ils le sont nettement moins contre le vert, le jaune, le turquoise, le violet et l’orange, qui sont justement les couleurs à la mode. «Ces couleurs absorbent mal le rayonnement du laser, explique le Dr Polla. Dans ces cas, il est pratiquement vain d’entamer un traitement.» L’arrivée prochaine des appareils à picosecondes permettra-t-elle de régler ce problème? C’est bien possible, mais des tests doivent encore le démontrer.
Une forte motivation
Si les progrès technologiques liés au laser sont remarquables, le détatouage reste un geste qui n’est pas anodin et qui demande une très forte motivation. Malgré la diminution du temps de traitement, jusqu’à dix séances de laser peuvent s’avérer nécessaires, avec des intervalles de quelques mois, pendant parfois plus de trois ans. Se lancer dans l’aventure représente donc un véritable contrat de confiance à passer avec le spécialiste. A noter que si le dessin occupe une grande surface, l’entier du dos par exemple, l’enlever complètement peut s’avérer impossible, le traitement devenant beaucoup trop long. Autre inconvénient: l’entreprise est coûteuse. Le prix à payer dépend de la difficulté du travail et de l’étendue de la zone. Mais il peut être dix à cinquante fois plus élevé que celui du tatouage, soit plusieurs milliers de francs! Autant dire qu’il faut être prêt et bien informé avant de commencer le traitement pour ne pas s’arrêter au milieu de l’opération. Que cela soit par découragement ou en raison de soucis financiers.