Tatouage: ce qu’il faut savoir avant de se lancer
Les conseils du Dr Olivier Gaide, dermatologue au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV).
En Suisse, 30% des moins de 25 ans portent un tatouage sur leur peau. C’est dire si cette pratique est aujourd’hui répandue. Mais ce n’est pas une raison pour la banaliser. D’abord parce qu’«il faut partir du principe que, lorsqu’on se tatoue, c’est pour la vie», rappelle Olivier Gaide, dermatologue au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Le principe du tatouage est assez simple: il s’agit d’une injection, au moyen d’une aiguille stérile, de pigments de couleur sous la peau, précisément dans le derme, à une profondeur située entre 0,5 et 4 millimètres. Les pigments sont alors emprisonnés dans des cellules qu’on appelle fibroblastes et péricytes, sans possibilité d’être résorbés par le corps, d’où le caractère définitif du tatouage.
Les risques
Alerte rouge
Les pigments utilisés pour le tatouage sont d’origine végétale ou synthétique, mais leurs propriétés restent relativement obscures. Il faudrait particulièrement se méfier des pigments rouges en raison des structures moléculaires qui causent plus d’inflammations et d’allergies que ceux de couleur noire, observe le spécialiste du CHUV. Il y aurait également plus de soucis avec ces couleurs sur le long terme.
Aussi, avant de passer à l’acte, il reste primordial d’en connaître les risques. Le premier étant le risque infectieux. Lorsqu’on insère une aiguille sous la peau, on abîme automatiquement cette dernière qui perd en étanchéité. Bactéries et virus peuvent ainsi profiter de la brèche et causer des infections. L’utilisation d’un système stérile avec aiguilles jetables limite le risque infectieux, de même que le protocole de désinfection auquel les tatoueurs s’adonnent normalement avant et après le tatouage. «Grâce à ces précautions, la transmission du VIH et de l’hépatite lors d’un tatouage n’existe presque plus chez nous, rassure le Dr Gaide. En revanche, on peut attraper des staphylocoques et des streptocoques». Des bactéries peuvent également se loger dans les encres ou dans les produits de dilution, et être ensuite poussées dans l’organisme. «Ces infections, qui surviennent parfois en petites épidémies, peuvent être sérieuses et doivent être traitées», explique le spécialiste. De manière générale, si après une séance de tatouage on observe une réaction allergique ou inflammatoire et que la peau devient rouge, prurigineuse ou douloureuse, il faut en informer son tatoueur ou consulter son médecin. On l’a dit, l’introduction d’aiguilles sous le derme est une forme d’agression qui peut également déclencher des maladies de la peau –psoriasis, sarcoïdose, p. ex– ou être à l’origine de cicatrices chéloïdes –qui sont une cicatrisation exagérée de la peau.
Effacer son tatouage
Les encres utilisées pour le tatouage sont indélébiles. Mais effacer des inscriptions et autres dessins sur la peau auprès d’un dermatologue reste quand même possible. Les techniques actuelles sont de plus en plus douces et de plus en plus efficaces. Il existe aujourd’hui des lasers qui, en générant des impulsions ultrabrèves, font exploser les particules d’encre. Celles-ci deviennent alors invisibles sur la peau, même si elles ne sont que partiellement résorbées par le corps. Certains tatouages résistent néanmoins au laser, la faute à certains types de pigments d’origine synthétique. Tout dépend aussi de la couleur: les pigments noirs et rouge foncé sont plus faciles à détruire que le turquoise, le vert, le violet, l’orange ou le jaune.
Effacer un tatouage n’est pas impossible, mais demeure une entreprise potentiellement longue et coûteuse, et non sans risques: «Plus le dessin est grand, complexe et coloré, plus il faudra de séances», conclut le Dr Gaide.
Les contre-indications
Il existe par ailleurs quelques contre-indications au tatouage. Celles-ci ne sont jamais absolues, mais elles méritent d’être notifiées: un mauvais état de santé, en particulier si on souffre d’une maladie qui abaisse les défenses immunitaires, la grossesse, un diabète mal équilibré –en raison du risque d’infection cutanée plus élevé–, ou des maladies de la peau (zona, lichen plan, vitiligo, psoriasis). A savoir également que le tatouage sur les grains de beauté, sur une peau qui en a beaucoup, peut rendre le dépistage des mélanomes difficile. «Néanmoins, précise Olivier Gaide, les tatoueurs évitent spontanément d’injecter la couleur dessus, préférant les entourer».
Faut-il prendre rendez-vous avec un dermatologue pour vérifier la tolérance de sa peau en vue d’une séance chez un tatoueur? Pas forcément. Cela peut être utile si on souhaite être informé des risques, mais le spécialiste ne pourra pas prédire quelle sera la réaction de la peau de son patient, explique Olivier Gaide. Pour bien faire en revanche, il ne faut pas hésiter à s’assurer des bonnes conditions d’hygiène du salon convoité et garder en tête qu’un bon tatoueur ne tatoue jamais le premier jour. Aussi, ce dernier doit prendre le temps de poser le cadre, d’évoquer les contre-indications, et doit se montrer transparent à l’égard de sa pratique.
Méfiez-vous des tatouages au henné
Durant la belle saison, il n’est pas rare de se voir proposer des tatouages orientaux au henné dans les rues, les festivals ou au bord de la mer. Soyez vigilants. Si les vrais tatouages orientaux au henné, de couleur rouge orangé, réalisés avec soin et nécessitant plusieurs heures de travail, comportent peu de risques, ce n’est pas le cas des variantes de couleur noir, faites rapidement. Et pour cause, « on retrouve, dans le henné noir, du paraphénylènediamine (PPD), une substance hautement sensibilisante pouvant provoquer de fortes allergies », prévient le Dr Gaide. « Cette substance, qui permet d’obtenir la couleur désirée, accélère la coloration de la peau. Ce type de tatouage peut provoquer un eczéma de contact. Parfois, les réactions allergiques n’apparaissent que plusieurs jours après l’application de la couleur », lit-on sur le site de l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires. « Une telle allergie peut être particulièrement problématique sur le long terme, du fait que le PPD est souvent utilisé dans l’industrie textile pour colorer les vêtements et dans les teintures capillaires », ajoute le Dr Gaide, qui déconseille clairement de céder à cette tendance.
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Publié dans le Quotidien de la Côte le 30/08/2017.