Syndrome de l’œil sec: le travail à l’écran souvent responsable
Travailler régulièrement sur un écran d’ordinateur pendant plus de sept heures par jour favorise l’apparition du syndrome de l’œil sec. Tels sont les résultats d’une étude publiée en juin dernier dans la revue Jaman Ophtalmology, menée par la Ko University de Tokyo en collaboration avec la Harvard Medical School aux Etats-Unis.
Les chercheurs ont découvert que lors de syndrome de l’œil sec, la concentration en mucine 5AC, une protéine constitutive du film lacrymal, diminue. Or, celle-ci contribue au maintien de la couche aqueuse sur la surface de l'œil.
C’est en examinant et interrogeant 96 employés (hommes et femmes), âgés en moyenne de 42 ans et travaillant 8,2 heures par jour en moyenne sur ordinateur, que les chercheurs ont fait ce constat. Ainsi, 9% des employés souffraient du syndrome de l’œil sec, 82% des participants présentaient des signes de perturbation du film lacrymal, et quelques-uns montraient des signes de lésions de la cornée et de la conjonctive (blanc de l’œil).
Le travail à l’écran favorise ainsi l’apparition d’une sécheresse oculaire par un desséchement chronique de la surface oculaire, malgré une sécrétion normale du débit de larmes.
Battement de paupières réduit
«L’attention soutenue que nous avons devant un écran diminue la fréquence habituelle des clignements de paupières à dix fois par minute en moyenne, alors qu’habituellement il est de 20 à 25 par minute», explique le Dr François Majo, responsable du Centre de Chirurgie Réfractive de l’Hôpital Ophtalmique Jules-Gonin à Lausanne. Or, cligner des yeux est un mécanisme clé pour l’hydratation de la surface oculaire. Cela permet en particulier d’étaler le film lacrymal protégeant la surface du globe oculaire, la cornée et la conjonctive.
L’importance du film lacrymal
Le déficit en larmes et les anomalies de la composition des larmes sont les principaux mécanismes impliqués dans la sécheresse oculaire. Car le film lacrymal est un ensemble complexe, composé de trois couches: le mucus (ou couche muqueuse), la couche aqueuse (ou humeur aqueuse) et la couche lipidique.
Le mucus fixe la substance aqueuse des larmes sur la cornée. Il est recouvert par la couche aqueuse, la plus épaisse, contenant diverses protéines, qui est elle-même protégée par la couche lipidique (le mébum produit par les paupières). Le mébum préserve la couche aqueuse de l’évaporation et protège la surface oculaire des agressions extérieures (poussières, bactéries, agents chimiques en suspension, etc.).
Lorsque la protection par le mébum fait défaut, parce que les paupières n’en produisent plus assez, les particules en suspension dans l’air vont se coller sur l’œil. Si en plus la personne touchée souffre d’un déficit aqueux, dû à une maladie ou à certains médicaments, cela aggrave encore son état.
Lésions invisibles
Le dessèchement des cellules recouvrant la surface de l’œil peut entraîner des lésions cellulaires invisibles à l’œil nu sur la cornée, ainsi que des inflammations chroniques. «S’installe alors un véritable cercle vicieux, difficile à rompre», explique le Dr Majo. D’où l’importance de ne pas tarder à consulter en cas de symptômes récurrents tels qu’une impression d’yeux secs, des sensations de brûlure, l’impression de grain de sable dans l’œil, etc. A la longue, ces manifestations peuvent en effet devenir un véritable handicap, si elles ne sont pas prises en charge (lire notre article: Travail à l’écran: prévenez le syndrome des yeux secs).
Autres facteurs de risque
De multiples facteurs autres que le travail sur écran peuvent provoquer une sécheresse oculaire.
- L’âge, car avec le vieillissement, l’hydratation générale du corps s’effectue moins bien.
- La ménopause.
- La baisse ou le déficit en hormones masculines (androgènes). La testostérone humidifie en effet les muqueuses des yeux et de la bouche.
- La sécheresse de l’air, en hiver surtout, dans les locaux chauffés.
- Certains médicaments, en particulier des antihistaminiques, des antidiurétiques et des antidépresseurs, favorisant le dessèchement des muqueuses.
- Des déséquilibres nutritionnels, avec une carence en vitamine A, oméga 3 et 6.
- La chirurgie réfractive, qui expose à une sécheresse postopératoire temporaire.
- L’hépatite C.
- La radiothérapie.
- Des maladies inflammatoires ou auto-immunes, telle la polyarthrite rhumatoïde.
Les traitements, parfois à vie
Le syndrome de l’œil sec n’entraîne en général pas de dommages irréversibles, mais peut nécessiter un long traitement, parfois à vie.
Instiller des collyres suffit parfois déjà à remédier au problème. Le Dr Majo recommande de les préférer en monodoses et sans agents conservateurs qui abîment la surface de l’œil. On peut aussi simplement rincer ses yeux à l’eau salée (NaCl 0,9% en unidoses). L’Hôpital ophtalmique de Lausanne fabrique également des gouttes à base d’acide hyaluronique pour ses patients. Autre traitement administré sous forme de gouttes, très efficace et naturel: le sérum autologue, à instiller dans l’œil. Il est produit à partir du sang du patient dont on a séparé les globules rouges.
Les pommades à la vitamine A, appliquées le soir, permettent de nourrir la surface de l’œil. En cas d’infection des paupières, qui ne peuvent plus assurer correctement le graissage oculaire, le patient se verra prescrire un traitement aux antibiotiques.
Lorsque ces différents traitements sont insuffisants, le spécialiste peut prescrire des médicaments permettant de liquéfier le mucus, à prendre par voie orale.