Le fil dentaire est-il efficace pour prévenir les infections?
De quoi on parle
Début août, l’agence de presse AP révélait qu’aucune preuve scientifique solide ne prouve l’efficacité du fil dentaire pour prévenir caries et parodontites (altération de l’os alvéolaire). Il n’est d’ailleurs plus recommandé de l’utiliser dans les dernières recommandations alimentaires américaines, publiées en janvier. Les dentistes interrogés n’en démordent pourtant pas: même en l’absence de preuve rigoureuse, il est raisonnable de supposer qu’un nettoyage interdentaire régulier a un impact positif sur la santé de la bouche et des dents.
«Alors, vous avez passé le fil dentaire?» Un ange passe… Puis de la bouche du patient sort timidement un «Non, euh oui… Si j’y pense, mais pas tous les jours.» Qui n’a pas eu un tel dialogue embarrassant avec son dentiste ou son hygiéniste dentaire? Aux Etats-Unis, on estime que 27% des adultes mentent aux professionnels à ce sujet. De nombreux «ouf!» de soulagement ont donc dus être poussés quand l’agence de presse américaine Associated Press a annoncé qu’aucune étude scientifique n’a prouvé l’efficacité de l’usage du fil dentaire dans la prévention de la carie et des maladies de la gencive. Mais pas question pour autant de jeter ceux que vous avez encore. Car si cette annonce est vraie, personne n’a démontré non plus qu’il est inutile. Ce qui manque, plutôt, ce sont des données solides sur la question.
Etudes de mauvaise qualité
Le fil dentaire a pour mission de compléter le brossage en supprimant la plaque dentaire entre les dents, cet amas de bactéries et de sucres qui se forme sur l’émail et sous les gencives. «Les preuves scientifiques sont excellentes quant à l’utilité de la brosse à dents et du fil dentaire pour enlever la plaque», explique Andrea Mombelli, professeur à la Clinique universitaire de médecine dentaire de Genève. Or il a été démontré avec certitude que la présence de plaque dentaire favorise l’apparition de caries et d’inflammations de la gencive (lire encadré). Donc, si le fil ôte la plaque dentaire à l’origine des maladies, on peut déduire qu’il est salutaire. Mais les recherches réalisées jusqu’ici ne convainquent pas complètement, notamment parce qu’elles ont examiné trop peu de personnes durant trop peu de temps. On sait, en revanche, que l’utilisation de brossettes interdentaires chez des personnes qui ont connu des problèmes sérieux de gencives est essentielle pour éviter leur réapparition. Mais ces patients-là, par définition prédisposés aux maladies dentaires, représentent mal la population générale. Pour obtenir des résultats probants sur l’efficacité ou non du fil dentaire, il faudrait comparer durant dix ans des personnes qui se brossent seulement les dents avec d’autres qui complètent le brossage d’un nettoyage interdentaire. Les médecins interrogés regrettent que de tels travaux n’aient jamais été réalisés mais doutent que l’on parvienne à les financer. En attendant, que fait-on? On se nettoie entre les dents. La Société suisse des médecins-dentistes recommande à toute la population le passage quotidien d’un instrument interdentaire, quel qu’il soit, explique le Dr Olivier Marmy, son vice-président. Pourquoi? Parce qu’une dent a cinq faces et que la brosse n’en nettoie que trois: celle du dessus avec laquelle nous mastiquons, celle qui donne vers l’extérieur de la bouche et celle qui donne vers l’intérieur. Mais les deux dernières sont inaccessibles à la brosse à dents. Or c’est en grande partie là que se forme de la plaque. On estime ainsi que le brossage ne parvient à enlever que 60% de la totalité de la plaque dentaire!
Pourquoi il faut supprimer la plaque dentaire
La première cause de la carie est la consommation de sucre. En effet, la plaque dentaire contient des bactéries qui décomposent le sucre. En produisant des acides qui endommagent l’émail, celles-ci pénètrent dans la dent et la rongent. Pour traiter la carie, le médecin ôte la partie abîmée, en nettoie et désinfecte la cavité qui en résulte, puis la rebouche. Cependant, malgré une bonne hygiène bucco-dentaire et une consommation réduite de sucre, certains individus sont plus exposés aux caries que d’autres. L’autre grande maladie liée à la plaque dentaire est la parodontite, dont le principal facteur déclencheur est le tabagisme, suivi des maladies systémiques telles que le diabète. Ici, des bactéries se logent sous les gencives dans des endroits difficiles à nettoyer. Puis la lutte entre les défenses immunitaires et les bactéries produit une inflammation et génère la formation d’une poche pleine de bactéries sous la gencive. Le traitement initial d’une parodontite consiste à nettoyer et à désinfecter cette poche, à la laisser guérir puis à réévaluer la situation (il peut alors être envisagé une intervention chirurgicale). En l’absence de traitement, la parodontite peut endommager les tissus qui entourent la dent et causer sa chute.
Architecture en trois dimensions
«La plaque dentaire est un biofilm. Elle n’est pas un simple amas de microbes, mais plutôt un groupe qui s’organise et crée une architecture tridimensionnelle qui lui confère sa résistance structurelle. L’important est que les patients brassent ce biofilm sans forcément l’éliminer. Une fois déposé, il se passe en effet quarante-huit heures avant qu’il s’organise à nouveau et devienne agressif.» D’où l’intérêt, insiste le médecin qui ne privilégie pas un outil par rapport à un autre, de passer dans l’espace dentaire: «Cela peut être une brossette, des bâtonnets triangulaires, le porte-fil dentaire ou le fil dentaire.» Cette variété de moyens est essentielle car passer le fil correctement –en «face à face»– est un geste difficile à acquérir, reconnaissent les professionnels. En conclusion, il existe très probablement un vrai bénéfice à nettoyer les espaces entre ses dents en complément d’un brossage de qualité avec un dentifrice fluoré. Et cela deux fois par jour. Pour qu’il soit le plus efficace, demandez à votre hygiéniste de vous guider… plutôt que de lui mentir comme un arracheur de dents.
Des dents «réparées» grâce aux cellules souches
Demain, pour soigner des pathologies dentaires, on aura sans doute recours aux cellules souches, ces cellules indifférenciées, présentes notamment chez l’embryon, capables d’engendrer de nombreux types de cellules spécialisées. Or on sait depuis une quinzaine d’années qu’il existe des cellules souches dans certaines dents, notamment les dents de lait et les dents de sagesse. Les recherches en cours s’orientent dans deux directions. On imagine utiliser les cellules souches dans le traitement des caries. Une fois la carie enlevée par le dentiste, des cellules souches pourraient aider la pulpe de la dent à se reconstituer. On obtiendrait donc une dent à la fois vivante et réparée. Il existe une piste plus radicale encore: faire pousser des dents in vitro pour les implanter ensuite à la place de dents tombées ou trop abîmées. Ces deux voies de recherche –menées pour l’instant seulement sur les animaux– ont donné des résultats prometteurs. Mais la perspective d’une application généralisée chez l’être humain est encore lointaine.
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Parodontite
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