Immunité: le couple crée des liens
Quels sont les facteurs non génétiques capables de moduler notre système immunitaire? C’est la question à laquelle ont voulu répondre des scientifiques anglais et belges. Pour ce faire, ils ont étudié pendant trois ans le système immunitaire de 670 patients en bonne santé, âgés de 2 à 86 ans, en tenant compte de différentes données comme le sexe, le poids, l’exposition à la gastro-entérite du voyageur ou encore la vaccination contre la grippe.
Les résultats sont assez surprenants. Ils montrent en substance que la cohabitation et l’âge sont des facteurs plus importants dans la modulation de notre système immunitaire que le vaccin contre la grippe ou l’exposition à la gastro-entérite du voyageur. Ainsi les variations immunologiques diminuent de 50% chez un couple qui cohabite et qui a, au moins, un enfant commun. Le système immunitaire des partenaires tend donc à se ressembler.
Les défenses se modifient avec le temps
Les chercheurs ont analysé 54 paramètres pour comparer les systèmes immunitaires des participants à l’étude. Ils ont regardé quel type de cellules était présent dans leur sang, s’intéressant notamment aux lymphocytes, qui permettent à l’organisme de se défendre contre les infections virales, et aux cytoquines, ces petites hormones grâce auxquelles les cellules du système immunitaire communiquent entre elles. Si toutes ces variétés de cellules sont présentes dans les défenses immunitaires de chaque individu, leur proportion peut varier. C’est ce qui constitue le «paysage immunitaire» propre à chacun.
Les chercheurs ont pu vérifier qu’avec l’âge, les cellules dites «naïves» –à partir desquelles seront produits les anticorps– deviennent plus rares. Ce qui pourrait expliquer que la réponse aux vaccins soit moins bonne chez les aînés. En revanche, leur système immunitaire a en mémoire d’autres maladies, ce qui peut être un avantage lorsque réapparaît un virus encore inconnu des générations précédentes.
L’importance de l’environnement
«Au-delà de la génétique, notre système immunitaire est donc façonné par notre environnement et par le temps», résume Jean Villard, chef du laboratoire national de référence pour l’histocompatibilité aux Hôpitaux universitaires de Genève. En effet, comme les partenaires n’ont pas de lien génétique, ce ne peut être que le milieu commun dans lequel ils vivent qui a modifié la composition de leur système immunitaire.
Pour le spécialiste, l’atout principal de cette étude est d’avoir réuni une foule d’informations sur le système immunitaire, et cela dans un cadre de vie normal (par opposition aux recherches effectuées en laboratoire et sur des animaux en captivité). Cette recherche présente toutefois aussi ses limitations. «Il s’agit d’une vision très globale et superficielle. Or les réponses immunitaires peuvent être très spécifiques. Il serait intéressant d’analyser des paramètres plus précis, en recherchant par exemple ceux qui concernent le vaccin contre la grippe. Peut-être que l’on trouverait alors des variations…», relève Jean Villard. Autre limitation, la méthode d’analyse. «Chez l’homme, le seul accès au système immunitaire est le sang. Or il ne reflète pas forcément ce qui se passe dans les organes, les ganglions, la rate…», explique le professeur.
Malgré tout, l’étude a le mérite de montrer le lien entre l’immunité et le milieu, ce qui n’avait pas été fait jusque-là.
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*Nature Immunology (2016) doi:10.1038/ni.3371. Published online 15 February 2016. http://www.babraham.ac.uk/news/2016/02/immune_effect_parenting