Quand le froid tue

Dernière mise à jour 05/01/16 | Article
Quand le froid tue
Le froid peut être une menace pour notre survie. Pour lui faire face, notre organisme déclenche plusieurs mesures dites thermorégulatrices pour tenter de rétablir une température du corps qui permette la vie. Parfois en vain... Explications.

On le redoute, on s’en protège, on s’en étonne, on le commente, inlassablement, alors même que chaque année, de novembre à mars, il est là et nous saisit. Pourquoi le froid continue-t-il à nous faire parler? Serait-ce parce qu’il nous transperce, nous réveille ou nous fige? Ou, simplement, parce que le froid ne nous a pas tout dit? Ce qui est sûr, c’est qu’il a un impact direct sur notre organisme, capable de déclencher toute une série de réactions de lutte dans le but de se réchauffer.

Malheureusement, quand le froid est extrême ou subi durant une longue période, il peut tuer. Quand elle survient, la mort par hypothermie effraie, bouleverse et interroge. Que se passe-t-il physiologiquement lorsque le froid est si intense qu’il fait perdre la vie? Le Dr Mauro Oddo, médecin adjoint au Service de Médecine intensive adulte au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) et spécialiste des questions de régulation et de modulation thermique chez l’homme, nous l’explique: «l’exposition prolongée à de très basses températures provoque un stress à la fois métabolique et psychologique important. Le corps lutte contre la sensation de froid, tandis que la victime angoisse à l’idée de ne pas être secourue et de mourir». En raison de cette phase de stress intense, la mort par hypothermie ne saurait être qualifiée de douce ou de paisible, même si la victime, de moins en moins réactive, s’endort progressivement.

Une mort accidentelle

L’hypothermie dite «accidentelle» est un risque lié à la haute montagne, aux naufrages (en mer ou dans un lac), mais pas seulement. Elle survient aussi en milieu urbain, intimement liée alors à la précarité sociale. Les personnes âgées, celles qui abusent de substances (drogue, alcool), les patients atteints de troubles psychiques, les sans domicile fixe ou encore les fêtards ivres qui s’endorment sur le trottoir y sont particulièrement exposés.

«La prise en charge, au même titre que les conséquences de l’hypothermie, dépend des conditions climatiques, de la sévérité et de la durée de l’hypothermie ainsi que de l’état de santé général du patient», explique le Dr Oddo. La température normale du corps humain se situant entre 35 et 37°C, l’état d’hypothermie est déclaré en dessous de 35°C. L’hypothermie est modérée entre 32 et 35°C, importante entre 28 et 32°C et sévère en dessous de 28°C. En dessous de 20°C la survie est rare, mais des cas ont été reportés chez des sujets jeunes hypothermes à 17°C.

La lutte contre le froid

Pour lutter contre le froid, le corps active en premier lieu ses défenses thermorégulatrices: frissons, chair de poule, dents qui claquent, augmentation de la pression artérielle ainsi que des fréquences cardiaques et respiratoires, et vasoconstriction (le sang est envoyé vers le cœur pour préserver les organes vitaux), ce qui explique que les extrémités deviennent froides, pâles, voire bleutées.

Les défenses thermorégulatrices, notamment les frissons, augmentent le métabolisme de manière importante, entraînant une grande fatigue et un épuisement progressif. La capacité de l’organisme à retarder l’entrée dans un état d’hypothermie modéré ou avancé, autrement dit la résistance au froid, dépend essentiellement des conditions du milieu (altitude, humidité, eau froide, température, vent, possibilité de s’abriter, de se mouvoir, etc.) et des ressources personnelles (l’état de santé, la condition physique, la présence de lésions associées comme des fractures par exemple, l’âge, etc.). «Les sujets âgés, les malades chroniques, les personnes qui sont intoxiquées à des médicaments, qui abusent de l’alcool ou de drogues, sont beaucoup moins en mesure de déployer ces réponses et vont souffrir plus rapidement du froid», précise le Dr Oddo. «En haute montagne, l’impossibilité de s’abriter correctement, le contact direct avec la neige et l’humidité précipitent bien souvent l’entrée en hypothermie», poursuit Dominique Michellod, guide et ambulancier à la Maison François-Xavier Bagnoud du sauvetage, à Sion.

Peu à peu, les défenses thermorégulatrices s’épuisent. Les réflexes diminuent, les fréquences cardiaque et respiratoire baissent, les pupilles se dilatent, le corps ne frissonne plus. En état d’hypothermie légère et modérée déjà, l’état de conscience commence à s’altérer, allant d’une simple baisse de la vigilance à un état léthargique. Plus l’état d’hypothermie est profond, plus le cerveau et le système cardio-circulatoire sont menacés, avec un risque de complications cardiaques (troubles du rythme, fibrillation ventriculaire), de troubles de la coagulation (saignements), etc. A terme, la victime cesse de respirer, son cœur ne bat plus, son activité cérébrale ralentit, ses pupilles ne sont plus réactives et le coma survient. Les risques de complications cardiaques fatales sont alors élevés.

Intervenir rapidement, une nécessité

L’intervention rapide des secours est donc capitale. En premier lieu, on cherchera à extraire le plus rapidement possible les victimes du milieu hostile pour les amener dans une ambiance tempérée et les protéger du froid, en les recouvrant de couvertures isolantes. Le plus important est ensuite de réchauffer d’abord l’intérieur (le «core») avec des perfusions ou des liquides chauds par exemple, et ensuite seulement les parties externes. En effet, on veut éviter à tout prix que le sang froid de la périphérie n’atteigne les organes vitaux, qui eux sont encore chauds, pour ne pas augmenter le risque d’arythmies. L’objectif est d’atteindre rapidement une température supérieure à 34 °C. En cas d’hypothermie sévère, le réchauffement est effectué par la mise en place d’un système de circulation extra-corporelle, comme celui employé en chirurgie cardiaque.

A savoir qu’une température corporelle inférieure à 32°C fait déjà courir un risque vital, essentiellement à cause du danger d’arythmie maligne, pouvant entraîner un arrêt cardiaque.

Mais, selon les circonstances, on peut sortir indemne et sans séquelles d’une hypothermie sévère. Car l’hypothermie a un effet neuroprotecteur. C’est la raison pour laquelle, selon la situation clinique, les médecins, avant de déclarer le décès d’un patient en hypothermie, procèdent à différents examens et, surtout, le réchauffent.

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