L’hiver aggrave-t-il l’hypertension artérielle?
Mission «grand froid»: le b-a ba pour protéger ses artères
Que l’on souffre d’hypertension artérielle ou pas, les températures froides peuvent constituer un stress réel sur notre système cardiovasculaire. Les conseils de la Dre Léa Roth, médecin au Service de médecine interne générale des HUG, pour limiter son impact.
- Éviter les passages trop brutaux du chaud au froid.
- Se protéger du froid en adoptant des vêtements adaptés.
- Soigner son hygiène de vie: activité physique régulière, alimentation saine (limitée en sel, mais riche en fruits et légumes), gestion du stress, etc.
Une hypertension artérielle qui s’accentue l’hiver et s’atténue d’elle-même l’été: l’idée peut paraître saugrenue, elle se mue pourtant en constat bien réel dans les cabinets médicaux et dans le ressenti de nombreux patients. À tel point que, dans les années 1960 déjà, plusieurs études se sont penchées sur le sujet. Ce que l’on sait aujourd’hui? «Une revue de la littérature scientifique de 2020 montre que les variations saisonnières de la pression artérielle s’observent à l’échelle de la planète, avec une diminution moyenne de 5 à 3 mm de mercure (mmHg) l’été par rapport à l’hiver», résume la Pre Antoinette Péchère-Bertschi, médecin adjointe agrégée, responsable du Centre d’hypertension des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et auteure d’une synthèse sur cette problématique parue dans la Revue médicale suisse (RMS)*. Et de préciser: «Il s’agit de chiffres moyens qui sous-entendent que pour certaines personnes l’écart est modeste, pour d’autres, la variation peut aller jusqu’à 10 mmHg.» Des valeurs significatives puisqu’elles sont proches des diminutions pouvant être visées par un traitement antihypertenseur.
Pour rappel, on parle d’hypertension artérielle lorsque les mesures dépassent régulièrement les 140 et/ou 90 mmHg (respectivement pressions systolique et diastolique). Derrière ces chiffres, une pathologie silencieuse qui, souvent sans symptôme apparent, impose une pression sanguine trop importante aux parois des artères. Au fil du temps, celles-ci se fragilisent et exposent à un risque accru d’accident vasculaire cérébral, d’infarctus et de souffrance de certains organes (cœur, cerveau, rein, yeux, notamment). Un dépistage régulier et la mise en place d’un traitement si besoin sont donc primordiaux. Et ce d’autant plus que l’influence climatique est, elle, plus pernicieuse encore. «En accentuant les variations de la pression artérielle, elle peut augmenter le risque cardiovasculaire», alerte la Dre Léa Roth, médecin au Service de médecine interne générale des HUG et co-auteure de l’article paru dans la RMS. Avant de rappeler: «La pression artérielle est naturellement changeante. Elle varie en permanence au fil de la journée, mais également selon notre activité physique, niveau de stress, taux d’hydratation, etc. Le problème survient lorsqu’elle est régulièrement trop élevée ou que les écarts entre ces valeurs maximales et minimales sont excessifs, en particulier chez les personnes âgées dont les artères peinent à s’adapter à ces fluctuations de pression. Et là encore, les symptômes peuvent rester dangereusement discrets.»
D’où l’importance du dépistage, auprès de son médecin et par le biais d’automesures, surtout lorsque les conditions climatiques sont «hostiles». Et surveiller le thermomètre ne suffit pas: «Les perturbations observées sur la pression artérielle ne sont pas uniquement liées aux températures, précise la Pre Péchère-Bertschi. On parle plus globalement de saisonnalité, qui inclut des paramètres aussi variés que l’exposition aux rayonnements UV, la pression barométrique, le taux d’humidité, la vitesse du vent, l’altitude ou encore l’exposition aux microparticules.»
Des causes physiologiques, mais pas seulement
C’est ainsi qu’en hiver, à la croisée de tous ces paramètres, la tension artérielle a tendance à s’élever. Les raisons sont en partie purement physiologiques (lire encadré), mais pas seulement. «Les mesures prises en intérieur montrent que le froid n’explique pas tout», poursuit la Dre Roth. En cause? Notre mode de vie hivernal. «Une activité physique moindre l’hiver et une alimentation souvent plus riche peuvent accentuer certains facteurs de risque cardiovasculaire (hypertension artérielle, cholestérol, diabète, etc.), explique l’experte. Une hausse des événements tels qu’infarctus et accidents vasculaires cérébraux est d’ailleurs observée durant la saison froide, avec une augmentation de la mortalité associée de 1 % par chute de 1°C des températures.»
À l’inverse, l’été, la tension artérielle profite de l’exposition à la chaleur et à l’ensoleillement, d’une alimentation souvent plus saine alliée à une activité physique plus dynamique. Revers de la médaille: le traitement hypertenseur peut s’avérer trop dosé…
Faudrait-il alors anticiper, en prévoyant un traitement pour l’hiver et un autre, plus léger, à l’approche de l’été? «À ce jour, il n’existe pas de recommandation officielle de la part des autorités internationales, note la Pre Péchère-Bertschi. Mais tout porte à croire qu’elles vont arriver. La médecine va devoir tenir compte de l’évolution de la situation climatique et des conditions de plus en plus extrêmes qu’elle impose aux organismes. Pour l’heure, il est du ressort des soignants d’ajuster au cas par cas les traitements avec leurs patients. Et à chacun de prendre soin de soi, en tenant compte de l’environnement dans lequel il évolue.»
Nos artères à l’épreuve du froid
Confronté à des températures glaciales, notre organisme active un ensemble de phénomènes physiologiques visant à maintenir son intégrité. Une stratégie qui impacte directement la pression artérielle. «L’exposition à un environnement froid active le système nerveux autonome sympathique, celui qui contribue notamment aux battements du cœur, rappelle la Pre Antoinette Péchère-Bertschi, médecin adjointe agrégée, responsable du Centre d’hypertension des HUG. Sous son impulsion, des molécules appelées catécholamines sont sécrétées afin d’accélérer la fréquence cardiaque, mais également la vasoconstriction.» Conséquence: les artères se «contractent» tandis que le débit sanguin s’accroît. La pression artérielle grimpe invariablement de quelques millimètres de mercure. «Chez les individus jeunes et en bonne santé, ces variations sont inoffensives, les parois de leurs artères sont parfaitement souples et élastiques, souligne l’experte. Le danger est plus réel chez les personnes plus âgées ou atteintes d’hypertension artérielle, chez qui les valeurs de tension sont déjà hautes et les artères plus rigides.»
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* Roth, L., Pechère-Bertschi, A. Effet des saisons sur la pression artérielle. Rev Med Suisse 2021; volume 7. 750, 1562-1566.
Paru dans Le Matin Dimanche le 12/12/2021
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Hypertension artérielle
On parle d'hypertension artérielle lorsque la pression systolique est supérieure à 140 millimètres de mercure (mmHg) et/ou lorsque la pression diastolique est supérieure à 90 mmHg.