La fatigue chronique, une vraie maladie?
Grande fatigue, mal partout, sommeil perturbé, de la peine à se concentrer… difficile de définir de quoi on souffre. Parfois il s’agit d’une maladie psychologique, comme une dépression ou un burnout; parfois cela s’explique moins facilement. Dans ces cas, les symptômes renvoient peut-être au syndrome de fatigue chronique (SFC). Se déclenchant brutalement à la suite d’une maladie ou s’installant progressivement, il est souvent décrit par les patients comme un état grippal prolongé avec un épuisement physique intense rendant parfois même difficile la position debout, ainsi que des douleurs musculaires diffuses. Le sommeil n’est plus réparateur, c’est-à-dire qu’on se réveille fatigué même après une bonne nuit de sommeil. Les patients rapportent aussi très souvent des troubles de l’attention, des pertes de mémoire ou encore des difficultés à se concentrer. Les efforts physiques ou intellectuels entraînent une aggravation de tous les symptômes. La capacité à s’adonner à des activités est réduite d’au moins 50%.
Le syndrome de fatigue chronique semble toucher de 0,3 à 0,9% de la population. En Suisse, ce seraient donc entre 21’000 et 63’000 personnes qui seraient concernées.
Une base biologique?
Actuellement, aucun marqueur biologique de ce syndrome n’a été trouvé. Les études montrent un dérèglement des systèmes de réponse au stress et de production de l’énergie. Ces dysfonctionnements touchent notamment les hormones du stress (comme le cortisol) et le système nerveux végétatif (qui s’occupe des fonctions automatiques du corps, comme la pression artérielle par exemple). Ils concernent également le système immunitaire. Ces dérèglements sont toutefois difficiles à mettre en évidence par les tests diagnostiques classiques, et peuvent se rencontrer également dans d’autres pathologies apparentées, comme la fibromyalgie ou la dépression. Malgré de nombreuses recherches, aucune cause claire n’a pu être identifiée pour les expliquer.
Etablir un diagnostic
En l’absence de cause biologique identifiée, le diagnostic repose sur l’association d’un certain nombre de symptômes décrits par le patient. Le médecin doit aussi exclure la présence d’une maladie physique sous-jacente causant la fatigue, comme par exemple une anémie, une infection, une maladie auto-immune, un problème endocrinologique ou encore la prise de substances sédatives. Il doit également rechercher si une maladie psychiatrique pourrait expliquer les symptômes
Il faut savoir qu’il existe plusieurs systèmes de classification des symptômes du SFC, développés au fil des décennies par les différentes équipes médicales qui se sont intéressées à ce problème. Ces différents systèmes de classification présentent un certain recoupement avec les critères diagnostiques d’autres syndromes apparentés, comme la fibromyalgie ou le burnout. Dans ce contexte, la frontière entre le SFC et ces autres syndromes peut être difficile à délimiter. Toutefois, en cas de fatigue prolongée et invalidante, qui reste sans explication après des investigations raisonnablement approfondies, il est très important que le diagnostic de SFC puisse être retenu par le médecin pour pouvoir débuter une prise en charge adaptée. En effet, quel que soit le système de critères diagnostiques retenu, les études sont unanimes sur un certain nombre de points:
- La multiplication des examens et des consultations à la recherche d’une cause à la fatigue chronique contribue à épuiser les patients et aggrave leur problème.
- Il n’existe pas de médicament qui guérisse ce problème à l’heure actuelle.
- L’inactivité par peur de la rechute aggrave le problème.
Que faire ensuite?
Il est conseillé aux patients de reprendre graduellement une activité physique régulière. En effet, l’activité physique a une capacité naturelle à réguler les rythmes biologiques et permet au patient de regagner petit à petit en endurance. Il faut toutefois être très prudent dans l’augmentation progressive de la quantité d’effort, et un coaching par un professionnel de la santé expérimenté dans ce domaine (médecin, physiothérapeute et/ou psychothérapeute) est vivement recommandé. Des approches de gestion du stress peuvent également être bénéfiques. De nombreux patients essaient divers régimes et compléments alimentaires, mais les preuves scientifiques sont insuffisantes à l’heure actuelle pour attester de leur utilité.
Le syndrome de fatigue chronique peut être très invalidant, et certaines personnes n’ont plus la capacité de travailler. La perte d’endurance et de résistance au stress conduit parfois à la nécessité d’une réorientation professionnelle. A noter toutefois que le diagnostic de SFC ne donne pas droit à des prestations d’assurance-invalidité en Suisse.
Il faut tout de même garder espoir: les études montrent qu’avec une prise en charge adéquate, la majorité des patients voient une amélioration progressive de leur état après quelques mois. Le soutien, l’écoute et la compréhension du médecin traitant sont très importants pour accompagner le patient durant ces périodes difficiles.
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Adapté de «Syndrome de fatigue chronique», Dre Ariane Gonthier et Pr. Bernard Favrat, Policlinique médicale Universitaire de Lausanne. In Revue Médicale Suisse 2015:11:2236-42, en collaboration avec les auteurs.