Chez les cyclistes, la fracture de la clavicule est la plus fréquente
Une légende circule dans le monde du vélo: la clavicule serait au cycliste ce que le pare-chocs est à l’automobile. Tout bon coureur se l’est fracturée au moins une fois. Cette expérience douloureuse, mais «incontournable pour accéder au statut de cycliste expérimenté» selon santesportmagazine.com, est arrivée à la Saint-Galloise Jolanda Neff dimanche 4 février 2018, sur le circuit de cyclo-cross de Hoogerheide aux Pays-Bas. Victime d’une collision avec sa rivale Pauline Ferran-Prévot, laquelle s’en est sortie indemne, Jolanda Neff s’est brisé la clavicule, cet os en forme de S allongé qui relie le tronc à l’épaule.
La championne suisse rejoint ainsi une longue liste de blessés. Julien Absalon, l’un des coureurs les plus titrés en VTT et cross-country avec deux médailles d’or aux J.O., cinq titres en championnats du monde et autant en championnats européens, s’est fracturé la clavicule en 2014 suite à une chute. Même sort pour Thomas Geraint, champion du monde et champion olympique de poursuite par équipes, lors de la 9e étape du Tour de France 2017. Pareil un peu plus tard pour l’Australien Rochie Porte, victime lors de la même étape d’une monstre gamelle dans la redoutable descente du Mont du Chat, dévalée à plus de 72 km/heure.
Fractures en chaîne pour les sportifs de haut niveau
Un os en forme de S allongé ou de cravate
L’épaule est composée de trois os: l’omoplate (ou scapula, qui signifie épaule en latin), la clavicule et l’humérus. Facilement palpable sous la peau, la clavicule ressemble à un S allongé ou à une cravate, posée à l’horizontale de chaque côté du sternum, au-dessus de la première côte vertébrale. Elle assure la jonction entre le thorax et l’épaule. Elle sert également de point d’ancrage aux muscles de l’épaule, du thorax et de la région cervicale, en particulier le trapèze et le sternocléidomastoïdien (SCM).
La clavicule est l’un des premiers os à se développer chez l’embryon. Avec l’acromion, qui est l’apophyse de l'omoplate, elle forme l’articulation acromio-claviculaire, souvent lésée lors des chutes de vélo. Avec l’omoplate, elle forme ce qu’on appelle la ceinture scapulaire. Quant à l’omoplate, il s’agit d’un os plat, symétrique et triangulaire, situé sur la surface dorsale du thorax, et qui s’étend de la deuxième à la septième côte vertébrale. L’humérus, enfin, constitue le squelette du bras; c’est un os long dont la tête s’emboîte dans l’omoplate pour former l’articulation de l’épaule.
«C’est une blessure très fréquente dans le cyclisme et le motocyclisme. Thomas Lüthi, par exemple, en a été victime plusieurs fois», déclare le Dr Steve Brenn, chirurgien orthopédiste spécialisé dans les opérations de l’épaule à Lausanne. Quand les coureurs chutent, ils ont tendance à essayer de se recroqueviller ou de se réceptionner sur les mains pour protéger leur tête; c’est donc souvent l’épaule qui touche le bitume en premier. Sous l’effet du choc, la clavicule s’incurve, puis se brise aux points de flexion, comme un mètre de bricoleur qu’on replie. Une cassure peut se produire en un ou plusieurs endroits le long de l’os. La douleur ne survient pas toujours tout de suite mais, lorsqu’elle se manifeste, elle est décrite comme très intense. On observe une impossibilité de lever le bras et des symptômes divers tels que gonflement, hématome, contusions…
La question qui se pose alors est de savoir si la fracture nécessite ou non une intervention chirurgicale. Si, d’après la radiographie, les fragments osseux sont près les uns des autres et alignés, l’opération n’est pas indiquée car la fracture va pouvoir guérir naturellement en l’espace de six semaines à trois mois grâce à la formation d’un cal osseux. Un début de consolidation apparaît au bout de deux à trois semaines déjà. Pour soulager le membre blessé, on prescrit soit un gilet orthopédique, soit une attelle appelée Rücksack (ou anneaux de contention), en fonction du type de fracture. Les anneaux de contention sont un bandage en forme de huit qui croise dans le dos et passe sur le devant du torse pour maintenir les épaules en arrière, un peu comme le ferait un sac à dos. Ils présentent l’avantage de laisser les deux bras libres, contrairement au gilet orthopédique qui maintient le coude fléchi à 90°. «L’inconvénient, c’est qu’ils ont tendance à se détendre; il faut donc les resserrer souvent, ce qui les rend assez inconfortables, surtout pour dormir», explique le Dr Steve Brenn.
Risques de séquelles en cas de fracture compliquée
«On part du principe que l’opération s’impose lorsqu’on observe un déplacement, un espacement ou un chevauchement des fragments osseux supérieur à un ou deux centimètres, selon les études», précise le spécialiste. Dans ce cas-là, en effet, il y a un risque que le cal se forme tardivement et difficilement, parfois au prix d’une déformation plus ou moins volumineuse qui peut devenir douloureuse. L’intervention chirurgicale vise à diminuer ce risque en remettant les fragments osseux dans une position anatomique adéquate (lire encadré).
Mais cette règle ne s’applique pas aux cyclistes professionnels. La moindre différence de longueur au niveau des épaules peut les gêner et diminuer leur performance. «Il faut qu’ils soient parfaitement symétriques sur leur vélo pour être à l’aise.» Raison pour laquelle à gravité égale, une fracture de la clavicule est plus souvent opérée chez les coureurs de haut niveau que dans la population générale.
Les anecdotes concernant des cyclistes qui auraient enfourché leur bécane une semaine après l’opération ne manquent pas. «C’est vrai qu’on peut assez rapidement recommencer à faire des mouvements sans douleur et il n’est pas rare de les voir reprendre l’entraînement au bout de six semaines déjà, voire plus tôt. Le problème, c’est que la clavicule n’est pas encore solide. S’ils retombent, il existe un risque de nouvelle fracture.»
Une plaque et des vis de 3,5 mm
Pendant longtemps, on a pensé qu’il valait mieux ne pas opérer une fracture de la clavicule, afin de ne pas perturber sa consolidation naturelle. «Cette croyance venait du fait que les études portaient quasi exclusivement sur des enfants, dit le Dr Steve Brenn. Or, chez les enfants, les fractures de la clavicule se consolident et se réaxent presque toujours sans séquelles, tandis que chez les adultes, le risque de mauvaise consolidation peut représenter 15% des cas, selon les études. Les résultats observés chez les enfants étaient donc en quelque sorte biaisés.»
Cette croyance n’a plus cours aujourd’hui, et la réduction de la fracture de la clavicule est une opération assez courante. Le travail du chirurgien consiste à remettre les fragments d’os en position correcte (on parle de réduction de la fracture) puis à les fixer ensemble (stabilisation), afin qu’ils ne bougent plus. Pour cela, il utilise une plaque métallique ou titane, et des vis de 3,5 mm (au minimum trois de chaque côté de la fracture). Cet appareillage est laissé en place au moins un an, mais peut ensuite être retiré selon la préférence ou le vouloir du patient. L’intervention se fait le plus souvent sous anesthésie générale et dure environ une heure. Une fois opéré, le patient ne ressent normalement presque plus de douleur. Cependant, le temps de guérison est exactement le même que pour une fracture non opérée: entre six semaines et trois mois.
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Paru dans Le Matin Dimanche le 11/02/2018.
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