Le trouble du stress post-traumatique peut toucher tout le monde

Dernière mise à jour 18/12/24 | Article
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Pas besoin d’avoir vécu une guerre ou un tsunami pour garder des séquelles psychologiques longtemps après un traumatisme. Heureusement, des solutions existent pour s’en sortir.

Le trouble du stress post-traumatique (TSPT) se manifeste par une multitude de symptômes découlant d’un événement traumatisant. Ce dernier peut être un épisode de violence subi ou dont on a été témoin, une situation dans laquelle on s’est senti en danger de mort ou encore le fait d’être confronté à un décès. «Dans les heures et les jours qui suivent un traumatisme, la personne concernée peut montrer une hypervigilance, des accès de colère, de la peur, etc. On parle alors de "trouble de stress aigu". Lorsque ces symptômes durent plus d’un mois et se cumulent à d’autres, comme des comportements d’évitement, de l’agitation, des moments de blâme envers soi-même, des flashbacks, entre autres, on est face à un TSPT», explique la Dre Lamyae Benzakour, responsable de l’Unité de psychiatrie de liaison et de la consultation de psychotraumatologie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). 

Pas tous égaux face à ce trouble?

Après un événement traumatisant, certaines personnes développent un trouble du stress post-traumatique et d’autres pas. Pourquoi une telle disparité? Il est possible qu’elle soit liée aux hormones, plus précisément aux glucocorticoïdes (le cortisol chez l’être humain). Ces molécules sont impliquées dans la gestion du stress. Un faible taux est fréquemment observé chez les personnes souffrant d’un TSPT. Est-ce la conséquence d’une exposition à un traumatisme ou existe-t-il un facteur de risque préexistant? Cette question reste sans réponse. Une équipe de chercheuses de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) a mis en évidence qu’un faible taux sanguin de ces hormones est directement impliqué dans le développement des symptômes du TSPT. «En analysant des rats génétiquement modifiés afin que leur taux de glucocorticoïdes soit faible, nous avons constaté que chez les mâles, cela entraînait une altération de l’extinction de la peur, une réduction du volume de l’hippocampe (partie du cerveau qui joue un rôle dans le traitement des informations et dans la mémoire, ndlr) et des troubles du sommeil paradoxal. Ce dernier est essentiel pour consolider la mémoire de l’extinction de la peur. Par ailleurs, les insomnies renforcent le TSPT», détaille la Dre Silvia Monari, médecin au Service de psychiatrie générale des HUG et principale autrice de la recherche[1] publiée en 2023. En permettant de mieux cerner la population à risque, cette étude pourrait ouvrir la voie à de nouveaux traitements.

Deux fois plus de risques pour les femmes

Bien qu’un jour ou l’autre, 90% de la population générale soit confrontée à un épisode traumatisant, seuls 8% des individus en question développent ce trouble chronique. Les femmes ont deux fois plus de risques de souffrir d’un TSPT que les hommes. Par effet cumulatif, les personnes déjà exposées à un tel choc sont également davantage susceptibles de développer des symptômes, tout comme celles ayant des antécédents de dépression ou de trouble anxieux. 

À noter qu’il existe des facteurs protecteurs. «Le soutien de l’entourage ou des professionnels en est un. Être sensibilisé à ce qu’est un trouble du stress post-traumatique est aussi très utile, tout comme profiter d’une intervention tout de suite après l’événement. Les personnes concernées ne doivent pas hésiter à demander de l’aide si elles en ressentent le besoin. Si raconter ce qui s’est passé n’est pas toujours nécessaire, bénéficier de chaleur humaine et du soutien de l’entourage aide à réintégrer le monde d’"avant". Lorsque le TSPT n’est pas soigné, il peut se compliquer en dépression, addiction, phobie sociale ou encore en TOC», poursuit la Dre Benzakour. 

Plusieurs approches thérapeutiques existent, que ce soit sous forme de différents types de psychothérapie, notamment l’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing), ou d’une aide pharmacologique. 

Des consultations spécifiques

Les HUG ont pour leur part mis en place Traumacare[2], une consultation de psychotraumatologie assurée par des psychiatres et psychologues spécialement formés au TSPT. 

Le canton de Vaud n’est pas en reste. «La consultation Les Boréales[3] s’adresse aux personnes ayant subi ou commis des violences au sein de leur famille (lire encadré, ndlr). Auteurs comme victimes sont susceptibles de souffrir d’un TSPT, entre autres. Par ailleurs, dans tous les services du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), des personnes sont formées à la prise en charge des traumatismes», précise le Pr Daniel Schechter, médecin adjoint au Service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (SUPEA) du CHUV.

Les enfants et ados sont particulièrement vulnérables

Pas facile de venir en aide aux tout-petits, surtout lorsqu’ils ne sont pas en âge de parler. Pour les enfants de 0 à 5 ans exposés à la violence ou à d’autres abus, le SUPEA du CHUV propose un programme ambulatoire parents-enfants appelé «Papillon», en collaboration avec la consultation «Les Boréales». «Le thérapeute utilise notamment la narration verbale et non verbale, avec parfois l’aide de vidéos d’entretiens passés pour rendre les souvenirs traumatiques moins effrayants, tout en restant attentif aux sensations corporelles et à l’état d’esprit de l’enfant », explique le Pr Daniel Schechter, médecin adjoint au SUPEA. D’autres approches sont également possibles. Les parents, ou une figure d’attachement de l’enfant, sont toujours présents. «Les plus jeunes sont particulièrement vulnérables et ils peuvent développer un TSPT sans avoir un souvenir clair de l’événement traumatique. La thérapie est alors d’autant plus difficile. Évoquer le traumatisme et le placer dans un contexte moins dangereux aide à le surmonter», ajoute le spécialiste. 

Quelles attitudes doivent mettre la puce à l’oreille des adultes? Une agressivité inhabituelle, un repli sur soi, une vigilance accrue, un comportement trop sexué ou trop agressif, entre autres. «Malheureusement, certains enfants traumatisés ne montrent aucun de ces signes. Quant aux adolescents, ils réagissent parfois à un tel événement par de l’automutilation ou des actes de délinquance. Tout changement de comportement doit alerter les parents. À noter qu’une relation d’attachement sécurisante à un parent ou à un autre adulte est un élément protecteur pour l’enfant», conclut le Pr Schechter.

_______

Paru dans Le Matin Dimanche le 15/12/2024

[1] Blunted glucocorticoid responsiveness to stress causes behavioral and biological alterations that lead to posttraumatic stress disorder vulnerability, Silvia Monari, Carmen Sandi (entre autres). Biological Psychiatry, 22 September 2023. 

[2] https://www.hug.ch/psychiatrie-liaison-dintervention-crise/consultation-psychotraumatologie-traumacare

[3] https://www.chuv.ch/fr/fiches-psy/centre-de-consultation-les-boreales

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