Que se passe-t-il dans votre cerveau quand vous avez peur chez le dentiste?
La peur commence souvent avec la peur d’avoir peur. Il peut en aller de même avec la souffrance. C’est vrai pour l’hôpital, c’est vrai aussi pour le cabinet du chirurgien-dentiste – et sa salle d’attente – où tous les sens sont en éveil. Un groupe de scientifiques japonais s’est penché sur le sujet. Et en usant des techniques de l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) ces chercheurs viennent de poursuivre leur décryptage des processus neurologiques qui génèrent l’anxiété des patients en attente de soins dentaires. Leurs derniers résultats ont été rendus publics dans le cadre de la Réunion annuelle Neuroscience 2013 qui vient de se tenir à San Diego.
Torture avant l’heure
L’équipe, dirigée par Hiroyuki Karibe (Nippon Dental University, Tokyo), avait déjà tenté de comprendre la base physiologique de la «peur du dentiste» lors de précédentes études. Elle avait ainsi mené en 2010 un travail de décryptage des raisons multifactorielles qui font que la séance chez le chirurgien-dentiste peut constituer une véritable torture avant l’heure. Une situation à laquelle le professionnel tente de répondre de différentes manières, en usant de l’anesthésie ou de médicaments sédatifs. Les chercheurs s’étaient alors intéressés au cas des enfants devant subir des actes de chirurgie dentaire et de leurs mères.
Une étude avait alors été menée auprès de treize garçons et treize filles âgés de 6 à 12 ans. Les vingt-six mères étaient quant à elles âgées de 35 à 46 ans. Les «craintes dentaires» avaient été évaluées au moyen des versions pédiatrique et adulte de l’échelle mobile «Dental Fear Survey».
Une évaluation biologique du stress chez les enfants et les mères avait été réalisée via la mesure du taux d’un bio-marqueur de la réponse au stress: l'alpha-amylase salivaire, mesurée avant et immédiatement après le traitement. Les chercheurs avaient alors calculé les taux de variation dans la salive. Pas de différences significatives entre les sexes et les âges. En revanche les chercheurs mirent en évidence des niveaux plus élevés d'anxiété liés à la peur préalable et au stress psychologique au cours des soins. En d’autres termes, l'anxiété ressentie lors des soins dentaires peut être liée plus à la peur du soin lui-même et aux stress psychologiques vécus au cours de la consultation. En revanche, et contrairement à ce que l’on pouvait supposer, les états d’anxiété observés chez les mères avant le traitement ne semblaient pas influencer les peurs ressenties par les enfants.
Son du forage
Comment aller plus loin? En ayant recours à l’IRMf. «En tant que chirurgien-dentiste pédiatrique, j'ai vu de très nombreux patients depuis 1987. Et mon expérience clinique m’a montré que le seul son du forage peut générer de l'anxiété chez les patients dentaires», a confié Hiroyuki Karibe au quotidien britannique The Guardian. Il a ajouté que personne n'avait jamais encore directement étudié comment les sons des instruments dentaires pouvaient affecter l'activité cérébrale.
Ce praticien chercheur a, avec son équipe, reconstitué l’ambiance sonore d’un cabinet de chirurgie dentaire. Son étude a porté cette fois sur vingt-et-une femmes et treize hommes, tous âgés de 14 à 49 ans. Les participants ont renseigné les chercheurs en répondant à une vingtaine de questions portant sur les émotions qu’ils pouvaient éprouver chez leur chirurgien-dentiste. L’activité cérébrale de chaque participant a ensuite été évaluée par IRMf en présence d’un environnement sonore caractéristique d’un cabinet. On imagine sans mal de quoi il peut retourner, depuis les vrombissements jusqu’aux éclats de voix.
Activation du cortex
Les scientifiques ont constaté que chez les personnes qui ont peur du bruit de certains appareils (depuis les trépidations infinies de la fraise jusqu’à la raucité de l’aspirateur à salive) des zones spécifiques du cerveau sont activées. Or il s’agit de zones qui sont normalement mobilisées dans les processus d’apprentissage et de mémoire mais qui, ici, traitent ces informations sonores. A l’état normal les informations auditives sont analysées dans la région dite du gyrus temporal supérieur. Chez les personnes redoutant le plus leur chirurgien-dentiste, d’autres zones, celles du cortex, sont activées.
Une précédente étude de la même équipe1, également par imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf), avait tenté de comprendre la relation entre la peur du dentiste et les stimuli auditifs. Les résultats avaient déjà suggéré que l’activation cérébrale accrue dans certaines zones du cortex (gyrus parahippocampique, gyrus cingulaire postérieur et précunéus) pouvait être associée à la mémoire épisodique de précédents traitements dentaires.
Thérapies comportementales
«Nous pensons que nos résultats peuvent être utilisés pour évaluer l'efficacité des interventions telles que la thérapie cognitivo-comportementale pour les patients qui ont une forte crainte des traitements de chirurgie dentaire», a déclaré Hiroyuki Karibe. Le sujet est d’importance quand on sait qu’environ 10% de la population nourrit de sérieuses inquiétudes dans ce domaine – au point de retarder au maximum les traitements que nécessite leur denture.
1. Un résumé (en anglais) des travaux préalables de cette équipe (menés en 2011) est disponible ici.
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