Avec l’âge et l’isolement les neurones se déconnectent. Comment les reconnecter?

Dernière mise à jour 26/03/14 | Article
Avec l’âge et l’isolement les neurones se déconnectent. Comment les reconnecter?
Plusieurs études récentes commencent à établir quels sont les conséquences biologiques de la solitude.

Vivre seul n’est pas sans danger. Plusieurs études récemment publiées montrent que le sentiment d’isolement peut nuire à la qualité du sommeil, augmenter la pression artérielle, induire des phénomènes de stress et de dépression et perturber l’immunité de l’organisme. Ces études viennent d’être présentées à la réunion annuelle 2014 de l’Association américaine pour l'avancement des Sciences (AAAS). Il en résulte que l'impact de la solitude sur la santé peut être un facteur de risque majeur, un risque comparable à celui d’un statut socio-économique défavorisé, un risque équivalent au double de celui constitué par l’obésité. C’est aussi un élément qui peut accroître le risque de mortalité chez les personnes les plus âgées.

Ne pas passer ses vieux jours au soleil

Le même phénomène peut être dit autrement: «Les relations sociales favorisent un vieillissement réussi, explique le Pr John T. Cacioppo, spécialiste de psychologie à l'Université de Chicago. Pour cet expert des  effets de la solitude mieux vaut, à la fin de sa vie, privilégier la proximité de la famille, des amis ou des anciens collègues de travail. «Passer ses vieux jours au soleil, loin des siens, n’est pas forcément une bonne solution, explique-t-il. Les personnes d’âge mûr doivent réfléchir à la façon de se prémunir contre la dépression, à la façon de protéger leur bien-être et de prévenir des morts trop précoces».

Partage fructueux de l’intimité

Les travaux menés dans ce domaine ont permis de recenser des différences spectaculaires dans les taux de déclin de la santé physique et mentale au fur et à mesure du vieillissement. Les relations sociales, du moins lorsqu’elles sont suffisantes et satisfaisantes, permettent d’améliorer la résilience, cette capacité de rebondir en cas d’adversité et de trouver une qualité de vie en dépit des contraintes de cette même vie.

Trois facteurs semblent ici essentiels: partager son intimité avec une personne qui vous accepte et vous apprécie; avoir des relations sociales mutuellement enrichissantes et gratifiantes; être membre d’une communauté qui donne le sentiment d’appartenir à un groupe. A retenir: ce n'est pas la solitude physique en elle-même mais bien le sentiment subjectif d'isolement qui peut être profondément perturbateur d’un point de vue physiologique.

Isolement extrême

L'isolement modifie fondamentalement le cerveau. La conférence de l’AAAS a entendu le témoignage de Robert King, un ancien prisonnier angolais maintenu à l'isolement (seul, dans l'obscurité, dans une petite cellule  vingt-trois  heures par jour pendant 29 ans). Cette expérience extrême a déformé de façon permanente sa fonction visuelle et son sens de l’orientation. L'isolement modifier fondamentalement le cerveau et peut provoquer de nombreux effets psychologiques et physiques, ont confirmé des chercheurs dirigé par le Pr Craig Haney, spécialiste  de psychologie à l'Université de Californie à Santa Cruz. Ce dernier évoque, dans les cas les plus spectaculaires, des troubles de l’identité, l’installation d’une paranoïa, des automutilations, une hypersensibilité au son, à la lumière et au toucher ainsi que de sévères dysfonctionnements cognitifs.

Imagerie fonctionnelle par résonance magnétique

Ces cas les plus spectaculaires reflètent une vérité plus générale. Une grande partie de notre identité dépend de nos relations avec les autres. C’est «L’homme est un animal social» célèbre formule souvent prêtée à Aristote. Lorsque ces relations  s’amenuisent ou disparaissent la perte d’autonomie peut ne plus être très loin. L’effacement progressif des interactions physiques avec le monde, la réduction des interactions sociales, des contacts et des stimulations visuelles bouleversent  radicalement le cerveau. Les processus de communication des neurones en sont rapidement modifiés.

Les travaux de John T. Cacioppo et de ses collègues montrent aussi que la solitude peut être associée à de multiples phénomènes: moindre fluidité sanguine, élévations matinales des taux de cortisol (reflet du stress), expression  altérée de certains gènes impliqués dans les mécanismes de défenses immunitaires, élévation de la pression artérielle, niveau accru de dépression, difficulté à atteindre le stade du sommeil profond, progression plus rapide de la maladie d'Alzheimer. Nombre des ces observations résultent d’études menées à partir de l’imagerie fonctionnelle par résonance magnétique.

Préparer le repas ensemble

Il s’agit d’une problématique qui ne cessera de prendre de l’ampleur. Les sociologues constatent déjà une diminution des relations intimes par rapport aux précédentes générations. Le nombre de personnes âgées plus ou moins isolées va croître si rien n’est mis en œuvre pour prévenir l’installation des solitudes. Solitudes qui renforcent l’anxiété et la peur des autres.

«Il faut surmonter la peur et trouver des moyens de se reconnecter, insiste John T. Cacioppo. Il faut  redécouvrir ces sensations physiologiques positives qu’on éprouve dans les moments de contact humain les plus simples. Les personnes seules sont comme en appétit. La solution de l’équation c’est de comprendre qu’elles n’ont pas faim d’un bon repas. La solution réside dans la cuisine: il s’agit de préparer le repas avec les autres et, ensuite, de le partager avec eux».

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