Robots greffeurs d’organes: des résultats prometteurs
On connaissait déjà la cœlioscopie. Cette technique chirurgicale permet d’opérer à l’intérieur du ventre en ne faisant que des petites incisions par lesquelles on passe toute sorte d’instruments, dont une caméra miniature grâce à laquelle le chirurgien opère en regardant un écran et en manipulant des instruments longs dont l'extrémité opposée est à l’intérieur de l’abdomen. Cependant, ce système a ses défauts: une vision limitée pour le chirurgien, des instruments parfois difficilement maniables, et des contraintes anatomiques qui ne permettent pas de réaliser tous les types d’opérations. C’est pourquoi, un certain nombre d’actes chirurgicaux restent l’apanage de la «laparotomie», la chirurgie classique à ventre ouvert.
Pour l’instant toutefois, car l’assistance robotique, apparue dans les années 1980, s’est développée. Elle permettrait aujourd’hui de combler les lacunes des deux techniques. Une chirurgie moins invasive et plus précise, c’est ce que propose le «Da Vinci Surgical System». Ce robot conçu aux Etats-Unis, dont la quatrième version est parue en mars 2014, présente diverses innovations technologiques. Grâce au Da Vinci, le chirurgien peut opérer de façon instinctive, en contrôlant les «bras» du robot, et ce sans contact physique direct avec le patient, sans même se trouver dans la même pièce!
Le robot fournit au médecin une image en 3 dimensions, un agrandissement jusqu’à dix fois en haute définition, et filtre même les tremblements éventuels du chirurgien. Cette nouvelle alternative permettrait de limiter les séquelles esthétiques et fonctionnelles et de progressivement remplacer nombre de chirurgies traditionnelles, notamment au niveau prostatique, thoracique ou du tube digestif, en évitant des gestes qui jusqu’ici restaient très délabrants et invasifs.
Don et greffe rénale
Une des procédures chirurgicales le plus souvent réalisées en greffe rénale est le prélèvement d’un rein chez un donneur en bonne santé, en général pour le donner à un proche ou un membre de sa famille. Dans ces cas, il est indispensable de limiter au maximum les risques et les conséquences pour le donneur. En effet, ce geste chirurgical a pour objectif de prélever, dans les meilleures conditions possibles, le rein qui sera secondairement greffé au patient souffrant d’une pathologie rénale grave. Ce geste est réalisé sous cœlioscopie depuis 1995 et, par ce biais, la limitation de la douleur et l’accélération du rétablissement par rapport à la chirurgie traditionnelle ont encouragé la décision des donneurs vivants et ont permis l’augmentation du nombre de dons.
Depuis l’an 2000, l’utilisation du robot Da Vinci a montré, dans la chirurgie de prélèvement rénal, une diminution de toutes les complications. Cette technique présente des avantages majeurs, et permettrait d’optimiser le don d’organes, notamment pour les patients présentant des contre-indications à la cœlioscopie, comme l’obésité par exemple.
De l’autre côté de la chaîne, la première transplantation rénale entièrement assistée robotiquement a été réalisée en 2010 à Chicago. Depuis, cette technique s’est progressivement répandue, concernant principalement les patients en surcharge pondérale qui, sans cette avancée, n’auraient pas pu bénéficier d’un nouveau rein fonctionnel.
Les patients greffés à l’aide du robot semblent présenter moins d’infections, tandis que l’efficacité de la greffe est la même qu’avec les méthodes traditionnelles. Cependant, la technologie robotique présente encore quelques limites à prendre en compte, comme par exemple une plus longue durée opératoire et une température du rein plus élevée pouvant gêner l’efficacité de la greffe, mais surtout une limitation d’accès à la technique, des difficultés de formation des chirurgiens et un coût élevé.
L’équipe de chirurgie viscérale des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) s’est lancée dans l’aventure de la robotique dédiée à la transplantation rénale en 2010, expérimentant d’abord la technique sur des cadavres humains afin de mieux appréhender les défis qui s’offraient à elle. De nouvelles recherches sont en cours afin de limiter au maximum les inconvénients de cette technique et d’exploiter au mieux cette avancée majeure, en gardant comme objectif le bénéfice pour le patient.
La chirurgie robotique ouvrirait également de nombreuses perspectives dans le cadre de la transplantation pancréatique, un geste extrêmement complexe et à haut risque aujourd’hui, ainsi que dans le prélèvement de greffon de foie. Le Da Vinci permettrait un geste chirurgical moins invasif, d’un temps équivalent, et avec un saignement moins important.
Alors, au chômage, les chirurgiens?
Il s’agit donc d’une avancée majeure, qui prouve chaque jour son utilité et son bénéfice pour la santé et le devenir des patients, mais qui nécessite encore de progresser pour être accessible au plus grand nombre et trouver ses indications adaptées. Alors, limiter les séquelles chirurgicales, et permettre au plus grand nombre de patients d’accéder à la greffe, oui, mais la science-fiction est encore loin, car derrière l’écran, il y aura toujours votre médecin!
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Référence
Adapté de «Transplantation d’organes avec assistance robotique», Drs Monika E. Hagen, Charles Joliat, Jean-Bernard Buchs, Antonio Nastasi, Raphaël Ruttimann, François Lazeyras, Nicolas C. Buchs et Prs Christophe Iselin, Philippe Morel et Léo Bühler. Service de chirurgie viscérale et de transplantation, Service d’urologie, Département de chirurgie HUG, 1211 Genève. In Revue Medicale Suisse 2014;10:1356-60. En collaboration avec les auteurs.