Médicaments et grossesse: compatibles ou non?
Quelques situations courantes…
Durant sa grossesse, une femme peut ressentir des douleurs pour plusieurs raisons. Elle peut être en bonne santé, mais présenter des douleurs liées à un traumatisme ou à une nouvelle maladie lors de la grossesse. Les douleurs peuvent être aigues (sur une courte période) ou s’installer et devenir chronique. Certaines femmes souffrent de douleurs chroniques associées à une maladie et la grossesse vient chambouler le traitement habituel en raison des risques pour le fœtus.
Risques durant la grossesse
Concernant les médicaments, il y a deux types de risques durant la grossesse. Premièrement, les changements induits par la grossesse modifient la manière dont le corps de la mère métabolise un médicament (par exemple, la manière dont un médicament est absorbé ou éliminé), ce qui change certains effets. Ensuite, un médicament peut avoir des conséquences directes sur le fœtus, c’est ce qu’on appelle les «effets tératogènes». Ils peuvent provoquer des malformations, des maladies, des retards de croissance et des accouchements prématurés. Chaque médicament a ses propres effets et il est difficile de généraliser.
A part les médicaments, il existe d’autres situations comportant des risques tératogènes: certaines infections (la rubéole), les toxiques (comme l’alcool ou le tabac), les radiations ou les carences vitaminiques (par exemple, le manque d’acide folique peut induire une spinabifida).
Le risque varie au cours de la grossesse
Si l’exposition à un agent tératogène a lieu dans les 17 premiers jours de la grossesse (3 premières semaines), on parle d’un «effet tout ou rien». Cela signifie que le bébé continue de se développer normalement, ou que survient un avortement spontané. La plupart du temps la femme ne s’en rend pas compte et pense qu’elle a ses règles normalement. Les anomalies majeures ont lieu lorsque les organes se forment, entre le 17e et le 40e jour de grossesse. Au-delà de 2 mois de grossesse, les anomalies sont le plus souvent mineures.
Que dit la science?
Il est très difficile d’étudier les effets des médicaments sur la grossesse, car il est difficile éthiquement d’inclure les femmes enceintes dans des études contrôlées en double insu. Actuellement, on sait que certains médicaments sont formellement contre-indiqués (par exemple les rétinoïdes) et que d’autres n’ont pas d’effets négatifs démontrés (mais sans avoir de réelles études). On parle de «compatibilité» ou «non compatibilité» d’un médicament avec la grossesse.
En cas de douleur…
Le paracétamol est considéré comme compatible durant toute la durée de la grossesse. Les anti-inflammatoires (comme l’ibuprofène) sont contre-indiqués dès la 24e semaine de grossesse (5e mois). Les opioïdes peuvent avoir des effets sur le foetus mais peuvent être utilisés à certaines doses et conditions.
Je suis enceinte et j’ai mal, je fais quoi?
En cas de douleur durant la grossesse, il est primordial d’en parler à son médecin (généraliste, gynécologue ou obstétricien) afin de déterminer la cause de la douleur et de dépister des éventuelles complications de la grossesse. Les solutions non médicamenteuses doivent être privilégiées (physiothérapie, acupuncture, massages, relaxation,…). Si cela ne suffit pas, il faut s’en tenir aux médicaments compatibles avec la grossesse (notamment le paracétamol), aux doses minimales et avec un suivi chez le médecin. Il est déconseillé à une femme enceinte de prendre des médicaments disponibles sans ordonnance sans en parler avec son médecin. Le risque pour le fœtus est réel mais le bienêtre de la femme est également primordial… Ainsi, chaque cas est particulier et mérite d’être discuté, pour le bien du bébé autant que pour celui de sa maman.
Référence
Adapté de «Antalgie médicamenteuse et grossesse», Drs A. C. Pereira Miozzari du Service de médecine communautaire), S. Senhaji et V. Rollason Gumprecht du Service de pharmacologie et toxicologie clinique, C. Jungo Nançoz du Service de gynécologie obstétrique, C. Luthy du Service de médecine interne et réhabilitation et V. Piguet du Service de la douleur, HUG, Genève. In Revue médicale suisse 2012; 8: 1389-94, en collaboration avec les auteurs.