Antidépresseurs durant la grossesse: quels risques pour la mère et l’enfant?
Contrairement aux idées reçues, la grossesse ne protège pas contre le risque de dépression. Jusqu’à 13% des femmes présentent une modification de l’humeur, légère ou majeure, durant leur grossesse et la période du post-partum. La dépression, en plus de ses effets possibles sur le fœtus, pourrait même être à l’origine chez la mère de comportements à risque comme la consommation d’alcool, de tabac et de drogues, un mauvais suivi de grossesse, un isolement social et un relâchement général vis-à-vis de sa santé.
Effets de la dépression sur le fœtus ou l’enfant
La dépression maternelle aurait des effets sur le fœtus: les études notent une possible augmentation de bébés prématurés ou ayant un petit poids à la naissance. En revanche, aucune étude n’a montré un impact des troubles de l’humeur sur le taux d’avortements spontanés ou de pré-éclampsie (hypertension artérielle qui peut entraîner de graves complications chez la mère et le fœtus).
Pour ce qui est de l’enfant, l’allaitement est plus difficile à mettre en place en cas de dépression du post-partum. On remarque davantage de troubles émotionnels et comportementaux, un ralentissement du développement cognitif, du QI et de l’apprentissage du langage.
Dans des cas extrêmes, la dépression anténatale et du post-partum est même corrélée à un risque augmenté de suicide et d’infanticide.
Soigner la dépression périnatale
Pour soigner une dépression qui a lieu en même temps qu’une grossesse, il est recommandé en tout premier lieu d’entreprendre une psychothérapie. Si les symptômes persistent, s’il s’agit d’une dépression aiguë, alors un traitement pharmacologique se justifie.
Les antidépresseurs les plus prescrits aux femmes enceintes, les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS), sont les mieux étudiés et les plus sûrs. De nombreuses questions subsistent toutefois chez les patientes et le grand public sur la sécurité pour l’enfant, et l’information disponible n’est pas toujours de grande qualité.
Risques liés à la prise d’antidépresseurs ISRS
Les études sur les risques pour la grossesse liés aux antidépresseurs ISRS sont nombreuses, mais nécessitent souvent des données supplémentaires. Si certains risques semblent augmenter légèrement lors de la prise d’antidépresseurs ISRS, l’augmentation reste limitée et souvent difficile à dissocier des effets de la dépression sous-jacente (c’est le cas par exemple des avortements spontanés, des malformations congénitales, du trouble du spectre autistique, de la pré-éclampsie, de la prématurité et du petit poids de naissance, des troubles du processus neuro-développemental ou encore de l’hypertension pulmonaire chez le nouveau-né).
Le lien avec certains autres troubles semble plus clairement établi mais ne justifie pas pour autant un arrêt du traitement, en raison du risque important de décompensation maternelle. C’est le cas des troubles de l’adaptation néonatale qui touchent jusqu’à un tiers des nouveau-nés exposés à un ISRS jusqu’à la naissance. Ces troubles (agitations et pleurs fréquents dans les heures et jours qui suivent la naissance) sont la conséquence d’un sevrage aux ISRS ou d’une toxicité à la sérotonine. Pour y remédier, des gestes simples: l’allaitement, le contact avec la peau de la mère, l’emmaillotement et une bonne organisation du lieu d’accouchement avec une surveillance pédiatrique adéquate.
Pour une prescription personnalisée
De nombreuses femmes souffrant de dépression sévère ne reçoivent pas d’aide pharmacologique alors qu’elles en auraient besoin, par peur des possibles effets délétères associés au traitement. La quantité de prescriptions rapportée par les études laisse toutefois penser que d’autres femmes pourraient ne pas bénéficier du traitement et être exposées inutilement. C’est pourquoi une évaluation clinique et individualisée s’impose avant chaque prescription. Aucun ISRS n’est contre-indiqué: le choix doit se porter sur une molécule efficace pour la patiente, prescrite à une dose adaptée. La réponse au traitement doit être suivie et l’observance encouragée par une prise en charge coordonnée. Le choix du lieu d’accouchement doit permettre une surveillance pédiatrique adéquate.
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* Adapté de «Bon usagedes antidépresseurs ISRS durant la grossesse – le défi de l’évaluation de la balance bénéfice-risque», par Dr A. Panchaud et al., In Revue Médicale Suisse 2016;12:561-6.