L’examen vaginal est-il toujours utile?
Et si un rendez-vous chez le gynécologue pouvait parfois se faire sans examen de la sphère génitale tout en remplissant parfaitement sa mission? Un fait qui semble presque incongru tant cette étape paraît intimement liée à ces consultations tour à tour rassurantes ou anxiogènes. Et pourtant cet acte, incluant examen au speculum et toucher vaginal, ne se justifierait en réalité qu’une fois tous les trois ans à partir de 21 ans chez les patientes ne souffrant d’aucun symptôme particulier. Son utilité première : assurer le dépistage du cancer du col de l’utérus, par le biais d’un frottis. Il permet également de déceler des infections latentes, par exemple à Chlamydia trachomatis, et la présence d’anomalies au niveau de la vulve. «Autant d’indications qui, en l’absence de symptômes, justifient elles aussi un dépistage tous les trois ans et pas nécessairement plus», indique la Dre Martine Jacot-Guillarmod, spécialiste en gynécologie et médecin adjointe responsable de l’Unité de colposcopie et de la gynécologie de l’adolescente au Centre hospitalier universitaire vaudois à Lausanne (CHUV). Qu’en est-il des autres pathologies gynécologiques? «Aujourd’hui, les données sont claires : nous ne sommes pas bons pour leur dépistage précoce, énonce l’experte. L’examen vaginal ne permet par exemple que très rarement de déceler un cancer de l’ovaire débutant et peut dès lors s’avérer faussement rassurant.»
Faut-il pour autant espacer ses visites chez le gynécologue? «Pas du tout, estime la Dre Jacot-Guillarmod. Ces constats ne remettent pas en question l’importance de consultations régulières, tant pour s’assurer de l’absence d’indication à de telles investigations que pour un suivi plus global des femmes» (lire encadré). Et l’experte d’ajouter: «L’examen vaginal s’impose par ailleurs en cas de symptômes gynécologiques tels que douleurs (spontanées ou lors des rapports sexuels), sensations de brûlure, démangeaisons ou encore saignements inhabituels.»
Profondément ancré dans la pratique
Aller chez le gynécologue, c’est aussi…
Pour de nombreuses femmes, surtout si elles sont en bonne santé, la visite chez le gynécologue peut constituer le seul rendez-vous médical régulier. Au-delà de l’examen gynécologique lui-même, plusieurs sujets peuvent être abordés. Parmi eux:
• les infections sexuellement transmissibles (IST)
• la contraception
• la tension artérielle
• les violences domestiques
• l’hygiène de vie (tabac, alcool, activité physique, etc.)
• les troubles sexuels
• le vaccin contre le papillomavirus
• le désir ou le suivi de grossesse
Dès lors, s’il ne se justifie réellement qu’une fois tous les trois ans, pourquoi l’examen vaginal se glisse-t-il dans presque toutes les consultations gynécologiques? «L’explication vient en grande partie du succès spectaculaire du dépistage du cancer du col de l’utérus depuis les années 1950», éclaire la gynécologue. Les protocoles alors mis en place ont drastiquement fait reculer l’incidence de la maladie et ont mué cet examen en routine incontournable. Depuis, les connaissances quant au dépistage ont évolué. En 2014 déjà, des recommandations américaines, émanant de l’American College of Physicians, remettaient en cause la pratique annuelle de l’examen vaginal. Puis, la Canadian Task Force se prononçait contre son recours systématique chez les patientes ne présentant pas de symptôme. À noter qu’en Suisse, ni les autorités sanitaires fédérales, ni la Société suisse de gynécologie et d’obstétrique (SSGO) ne fournissent de directives définissant sa place lors d’une consultation gynécologique préventive, à l’exception du dépistage du cancer du col utérin. «Aujourd’hui, cet examen reste profondément ancré dans la pratique», constate la Dre Jacot-Guillarmod. Pour preuve, par exemple, les résultats d’une étude américaine publiée en 2013*, interrogeant plus de 500 gynécologues et montrant que 87 à 99% d’entre eux l’effectuent de façon systématique. Le problème: au-delà d’être parfois faussement rassurant, ce geste est tout sauf anodin. «Un tiers des femmes expriment de la peur, une gêne ou de l’angoisse face à cet examen, rapporte l’experte du CHUV. Et cette appréhension peut se traduire par un évitement des soins, avec toutes les conséquences que cela peut avoir en termes de dépistage, mais également de grossesses non désirées en l’absence de contraception.»
Autant de constats rendant urgente une remise en question des pratiques. «Il est crucial qu’elles évoluent au regard de l’état actuel des connaissances scientifiques, conclut la Dre Jacot-Guillarmod. Non, l’examen vaginal ne doit pas être systématique et encore moins s’il met en péril la santé de femmes en finissant par les éloigner d’une consultation qui constitue un espace privilégié pour le suivi de leur santé.»
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Adapté de: Jacot-Guillarmod M, Mathevet P, Diserens C. Y a-t-il encore une place pour l’examen vaginal en consultation gynécologique? Rev Med Suisse 2020 ;16 :2037-41.
* Henderson JT, Harper CC, Gutin S et al. Routine bimanual pelvic examinations : practices and beliefs of US obstetrician-gynecologists. Am J Obst Gynecol 2013 ;208 :109.e1-7.
Paru dans Planète Santé magazine N° 41 – Juin 2021