Opérer l’obésité, les techniques disponibles

Dernière mise à jour 05/08/13 | Article
Opérer l’obésité, les techniques disponibles
Seul traitement efficace contre une obésité trop importante, la chirurgie gastrique permet de perdre du poids et de limiter l’impact des maladies liées au surpoids.

Les traitements médicaux de l’obésité sont largement inefficaces lorsque cette dernière devient trop importante. La chirurgie est alors le seul traitement permettant non seulement une perte pondérale tangible et durable, mais également l’amélioration, voire la guérison complète des maladies liées à l’obésité, telles que le diabète de type 2 ou l’hypertension artérielle. C’est pourquoi on a de plus en plus recours à la chirurgie.

Quatre types d’intervention sont à l’heure actuelle couramment utilisés, chacun comportant ses propres avantages et inconvénients. A l’origine, on divisait ces opération en deux grands groupes: les interventions «restrictives», dont le but premier est de limiter les quantités de nourriture qui peuvent être ingérées par le malade, et les interventions «malabsorptives», qui limitent les capacités d’absorption des nutriments sans limiter la quantité ingérée.

La chirurgie a beaucoup évolué au cours des vingt dernières années et l’on différencie actuellement les interventions selon leurs mécanismes d’action. On distingue donc les interventions purement restrictives, les interventions à effets métaboliques ou hormonaux, les interventions créant une malabsorption de certains composants de la nourriture, et celles qui engendrent une malabsorption pour l’ensemble des aliments ingérés.

Cerclage gastrique

Dans le cadre d’un cerclage gastrique ajustable, le chirurgien place un anneau autour de la partie supérieure de l’estomac, le transformant en une sorte de sablier. L’anneau est relié à un réservoir implanté sous la peau, qui permet de le régler selon l’évolution du malade. Peu intrusive, cette opération permet une perte de poids satisfaisante en 12 à 36 mois chez la plupart des malades. Le cerclage gastrique est d’ailleurs considéré comme l’intervention la moins risquée de l’arsenal chirurgical.

Cependant, en raison des nombreuses complications à long terme, cette intervention est actuellement en nette perte de vitesse et ne représente plus que 5% environ des interventions réalisées en Europe.

Figure 1. Cerclage gastrique (CG)

Figure 1. Cerclage gastrique (CG)

Technique opératoire: mise en place autour de l’estomac proximal d’un anneau ajustable qui transforme l’estomac en une sorte de sablier asymétrique dont la poche supérieure, de capacité limitée à 10-15 ml environ, ne se vide que lentement au travers de l’anneau dans l’estomac distal, ce qui diminue les quantités de nourriture que le patient peut ingérer dans un temps donné et donne un effet de restriction. Certains auteurs pensent que l’anneau agit aussi sur la satiété par l’intermédiaire de la stimulation du vague lors du passage du bol alimentaire poussé au travers de l’anneau par les contractions œsophagiennes. L’anneau est relié à un petit réservoir implanté sous la peau, identique à ceux utilisés en oncologie pour l’administration de chimiothérapies, et par lequel il peut être resserré ou desserré en fonction de l’évolution de la courbe pondérale et de la tolérance alimentaire du malade.
Mortalité opératoire: 0,1%.
Morbidité:  inférieure à  5%.
Complications: peuvent être directement liées à l’anneau ou au réservoir (bascule de l’anneau, fuite du système, déconnection du réservoir ou rupture du cathéter, infection, érosion de l’anneau dans l’estomac), ou alors être la conséquence de l’obstruction que représente la présence de l’anneau à l’entrée de l’estomac (dilatation de la poche ou de l’œsophage, troubles progressifs de la motricité œsophagienne pouvant aboutir à une véritable pseudo-achalasie, intolérance alimentaire et symptomatologie de reflux avec régurgitations parfois jusque dans les voies respiratoires).
Complications sévères (nécessitant l’ablation de l’anneau): taux dépassant 50% à plus de dix ans selon les études.
Perte pondérale: une perte pondérale moyenne de 25 kg chez les malades suivis après 10-15 ans (environ 47% de l’excès pondéral préopératoire), ce qui représente la perte de 9 unités d’IMC environ, l’IMC moyen (34,4 kg/m2) restant dans la catégorie de l’obésité.

Gastrectomie en manchon

La gastrectomie en manchon (sleeve gastrectomy) est considérée comme une intervention relativement aisée et ne comportant que peu de risques, bien que certaines complications puissent être très difficiles à traiter. L’opération consiste à enlever la plus grande partie de l’estomac, limitant la partie fonctionnelle à un tube (manchon) étroit. Il s’agit d’une intervention irréversible, qui a l’avantage cependant de maintenir le passage des aliments dans tout le système digestif.

Malgré les incertitudes quant à son efficacité à long terme et ses risques de complications à long terme, la gastrectomie en manchon est, actuellement, parfois effectuée d’emblée pour les patients ne pouvant avoir recours au cerclage gastrique. Elle peut aussi être indiquée pour les patients à haut risque, ou comme intervention initiale chez des malades qui présentent une obésité extrême. Chez certains patients, elle peut être complétée après douze à dix-huit mois par une seconde intervention plus définitive.

Figure 2. Sleeve gastrectomy (gastrectomie en ­manchon) (SG)

Figure 2. Sleeve gastrectomy (gastrectomie en ­manchon) (SG)

Technique opératoire: résection de la plus grande partie de l’estomac, ne laissant en place qu’un tube étroit le long de la petite courbure gastrique et créant ainsi un effet de restriction. La SG agit par différents mécanis­mes. De par le volume limité du tube gastrique, elle a un effet restrictif. Par la large résection gastrique qu’elle comporte, elle diminue aussi considérablement la sécrétion de la ghréline, hormone de la faim, produite pour l’essentiel dans l’estomac. Finalement, elle a également des effets entéro-humoraux, qui se rapprochent de ceux du bypass gastrique.
Mortalité opératoire: 0,2%.
Complications précoces: la résection verticale laisse en place une très longue ligne de suture sur l’estomac restant, responsable d’un taux non négligeable de fuites (2-4% en moyenne dans la littérature), souvent de traitement particulièrement difficile et long.
Complications tardives: la littérature ne comprend actuellement que très peu de résultats à long terme après SG. Le taux de complications tardives est croissant, comprenant essentiellement la dilatation progressive de tout ou partie de l’estomac restant et l’apparition de reflux gastro-œsophagiens parfois sévères, les deux nécessitant des réinterventions.
Perte pondérale: la perte de poids qu’elle permet durant les 2-3 premières années est voisine de celle que l’on observe après un bypass gastrique. Bien que cette opération soit utilisée depuis maintenant plus de dix ans, la littérature ne comprend actuellement que très peu de résultats à long terme après SG, et les rares études à disposition montrent une tendance à la reprise de poids après 4-5 ans.

Bypass gastrique

Le bypass gastrique est la plus ancienne des interventions. Seule une petite poche dans la partie supérieure de l’estomac est conservée, le restant de l’estomac étant laissé au repos. Cette poche se vide directement dans l’intestin grêle, dont 1 mètre environ est ainsi court-circuité. Les aliments ne passent par conséquent plus par l’estomac, ni par la partie supérieure de l’intestin grêle.

Selon le professeur Michel Suter du CHUV, le bypass gastrique constitue le meilleur compromis, compte tenu de la perte pondérale qu’il permet et des risques qu’il entraîne. Comme pour toutes les techniques cependant, le bypass n’agit pas tout seul, en particulier à long terme. Pour le restant de sa vie, le malade doit adapter son alimentation, son comportement alimentaire, et augmenter son activité physique s’il entend que sa perte pondérale soit suffisante et durable.

Figure 3. Bypass gastrique proximal avec anse en Y (BPG)

Figure 3. Bypass gastrique proximal avec anse en Y (BPG)

Technique opératoire: réalisation d’une petite poche gastrique basée sur la petite courbure, totalement séparée de l’estomac restant, avec gastro-entéro-anastomose sur une anse jéjunale en Y dont la longueur ne devrait pas dépasser 150 cm. Le BPG a plusieurs mécanismes d’action. La petite poche et l’anastomose étroite entre cette dernière et le jéjunum ont un effet de restriction, lequel a cependant tendance à diminuer avec le temps, lorsque l’anastomose se dilate quelque peu. Plusieurs études ont également démontré une modification de la sécrétion des incrétines, con­tribuant à une diminution de la prise alimentaire, à la perte pondérale et l’amélioration rapide du diabète de type 2.
Mortalité opératoire: 0,1-0,2%.
Morbidité totale: 10%.
Morbidité majeure (nécessitant une réintervention) : 2,5%.
Complications: Une sténose anastomotique peut se développer au niveau de la gastro-jéjunostomie. Son incidence varie entre moins de 1% et 28% selon les séries et sa définition. Elle est en général précoce, survient durant les deux premiers mois postopératoires, et se traite dans la grande majorité des cas par dilatation endoscopique. Un ulcère anastomotique peut se développer à la jonction gastro-jéjunale chez 1-15% des malades. Sa prévalence est d’autant plus élevée que la poche gastrique est grande, et elle est augmentée considérablement chez les fumeurs et les patients qui prennent des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), raison pour laquelle il est conseillé aux malades opérés d’arrêter de fumer et d’éviter les anti-inflammatoires dans la mesure du possible, ou alors de les accompagner d’une protection gastrique efficace (inhibiteurs de la pompe à protons, IPP). D’autres malades peuvent développer des douleurs abdominales intermittentes ou même une occlusion intestinale en relation avec des hernies internes (1-10%) ou une intussusception (inférieure à 1%), parfois associées à une incarcération grêle avec nécrose étendue.
Perte pondérale: en termes de perte de poids, le BPG permet en moyenne une perte d’excès de poids de 50-70% à dix ans. Le poids minimal est généralement atteint au cours de la seconde année après l’intervention, parfois au-delà chez les malades dont l’obésité est extrême.

Dérivation bilio-pancréatique

Il existe deux variantes de dérivation bilio-pancréatique. Dans les deux cas, il s’agit de dévier les aliments d’une partie de l’estomac et de l’intestin grêle pour les isoler des sécrétions biliaires et pancréatiques. La première variante, développée par Nicola Scopinaro et qui porte son nom, dévie les aliments depuis le tiers supérieur (séparé du reste) de l’estomac jusqu’au milieu de l’intestin grêle, et les sucs digestifs presque jusque près de la fin de ce dernier. Efficace en termes de perte de poids, ce court-circuit important peut cependant entraîner des complications.

La seconde variante, appelée «dérivation bilio­pancréatique avec switch duodénal», a été développée dix ans plus tard afin de limiter les effets secondaires de sa grande sœur. L’opération est analogue à la gastrectomie en manchon évoquée plus haut, à la différence près qu’un conduit dévie les aliments depuis la sortie de l’estomac jusqu’au milieu de l’intestin grêle et les sucs digestifs sur une grande partie également.

Ces deux dérivations entraînent une malabsorption des aliments, en particulier les sucres complexes et les graisses. L’absorption des protéines est aussi en partie altérée, ce qui entraîne un risque de malnutrition chez les malades, incapables d’absorber suffisamment de protéines dans leur alimentation. La malabsorption s’associe à des selles plus fréquentes, molles, parfois franchement diarrhéiques, malodorantes, témoignant de la putréfaction bactérienne des résidus alimentaires par les bactéries du côlon.

Figure 4. Dérivations bilio-pancréatiques (BPD)

Figure 4. Dérivations bilio-pancréatiques (BPD)

Les BPD sont les interventions bariatriques les plus risquées, aussi bien en termes de morbidité/mortalité périopératoire qu’en termes de complications à long terme, en particulier nutritionnelles. Une revue récente en situe la mortalité à 1% environ. Elles ont par contre la réputation d’être plus efficaces en ce qui concerne la perte de poids, et surtout le maintien à long terme de cette dernière, puisqu’elles comprennent un mécanisme «permanent» de contrôle de la prise énergétique par leur composante malabsorptive. Chez les malades super-obèses, certaines études en ont montré la supériorité en termes de perte pondérale, tout au moins à court terme, au prix cependant d’une morbidité plus importante.
Les BPD sont aussi les interventions les plus efficaces sur le plan métabolique, permettant notamment une rémission du diabète de type 2 jusque chez près de 95% des malades et une correction plus marquée de la dyslipidémie que le bypass gastrique. Malgré cette remarquable efficacité, en raison notamment de leurs effets secondaires parfois désagréables et de leurs risques de complications métaboliques ou nutritionnelles à long terme, ces interventions ne représentent actuellement pas plus de 2% environ de toutes les interventions bariatriques effectuées dans le monde. Si de rares équipes les pratiquent régulièrement pour la majorité de leurs patients, la plupart des chirurgiens les réservent aux malades dont l’obésité est extrême (IMC supérieur à  60), chez lesquels la dérivation bilio-pancréatique avec «duodenal switch» (BPD-DS) peut être effectuée en deux temps, comme mentionné précédemment. La BPD peut aussi être discutée chez les malades précédemment soumis à une intervention restrictive, telle qu’un cerclage gastrique (CG) ou une sleeve gastrectomy (SG), chez qui la perte pondérale est jugée nettement insuffisante, ou s’il existe une reprise de poids trop importante, en particulier en cas de récidive de comorbidités majeures.

Figure 4. Dérivations bilio-pancréatiques (BPD)

En résumé

Même si certaines d’entre elles en donnent l’impression durant les premiers mois après l’opération, aucune intervention ne fonctionne toute seule, et chacune demande la collaboration du patient en ce qui concerne les modifications à apporter à sa vie quotidienne. Tous les patients ont besoin d’encouragements répétés du personnel soignant, et tous doivent pouvoir bénéficier de nouveaux conseils et d’une prise en charge appropriée en cas de réapparition des facteurs qui ont contribué au développement de l’obésité. L’obésité est une maladie chronique, et les interventions sont toutes potentiellement sources de complication, même après des années. Les malades opérés, quelle que soit l’intervention effectuée, ont besoin d’un suivi médical spécialisé pendant le restant de leur vie. De surcroît, ils doivent très souvent prendre à long terme certains suppléments de vitamines ou de minéraux.

Référence

Adapté de «Chirurgie bariatrique en 2013: principes, avantages et inconvénients des interventions à disposition», par Pr Michel Suter et Dr Vittorio Giusti, Service de chirurgie viscérale, CHUV, Lausanne. In Revue médicale suisse 2013;9:658-63, en collaboration avec les auteurs.

 

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