Chirurgie cardiaque: «Un coup de baguette magique sur la vie d’un enfant»
Une dizaine de blouses bleues s’affairent déjà autour d’un jeune patient. Sous le vaste champ opératoire, David, 8 ans. Il est venu d’Afrique pour recevoir des soins grâce à l’organisation Terre des hommes. David souffre d’une malformation cardiaque congénitale, une tétralogie de Fallot, véritable épée de Damoclès. « Ce sont les fameux enfants bleus», déclare René Prêtre, qui s’apprête à réparer les anomalies de son cœur. Des enfants qui ont un teint bleuté caractéristique, dû au manque d’oxygène dans le sang qui irrigue l’organisme. La malformation se traduit par un trou dans la cloison séparant les deux ventricules du cœur, par un déplacement de l’aorte, par un rétrécissement de la voie reliant le ventricule droit à l’artère pulmonaire et par une augmentation anormale de l’épaisseur du ventricule droit.
Les enfants atteints de cette pathologie ont le souffle court et ne peuvent faire que très peu d’efforts. Ce déficit en oxygène entraîne d’autres perturbations, notamment digestives. Le risque vital de l’opération est estimé à 2%, celui de complications (troubles du rythme, par exemple) à 5% environ. «La difficulté de l’intervention est de trois sur une échelle de cinq. Sans elle, ces enfants s’éteignent rapidement», confie René Prêtre. Un travail d’équipe, qui commence véritablement avec l’entrée du professeur dans le bloc opératoire. Autour de lui, médecins et infirmiers anesthésistes, chirurgiens et techniciens en perfusion cardiovasculaire, dont la présence est indispensable. «Pour cette correction, on est obligé d’arrêter le cœur, mais on doit absolument garder une circulation sanguine pour éviter l’asphyxie du cerveau», explique le spécialiste. Pour cela, on va dévier la circulation sanguine hors de l’organisme et court-circuiter le complexe cœur-poumon. Cela grâce à une machine sophistiquée, contrôlée par la cardio-technicienne du bloc. Maintenir la circulation sanguine dans l’organisme est justement une des missions d’Eleonora De Stefano, cheffe perfusionniste. Elle vérifie en parallèle et de façon continue les fonctions vitales du patient pour s’assurer qu’il ne souffre pas d’asphyxie.
La mise en place de la circulation extra-corporelle est délicate: «C’est comme le décollage d’un avion, illustre la spécialiste. Une fois cette étape sensible dépassée, il faut rester vigilant, car les imprévus sont possibles et nous avons peu de temps pour réagir et corriger le tir. Nous devons être attentifs, précis et rapides dans nos gestes».
L’arrêt du cœur
Sur l’électro-cardiogramme, la courbe est plate, signe que le cœur ne se contracte plus et qu’il est «arrêté». L’arrêt du cœur a été provoqué par l’injection dans le myocarde de sang froid, riche en potassium, via les artères coronaires. Le chirurgien peut réparer les anomalies très précisément, notamment en fermant la communication entre les deux ventricules et en élargissant la valve cardiaque avec un patch. Après plusieurs heures d’intervention, on remet le cœur en route, simplement en laissant du sang chaud l’irriguer à nouveau. Les contractions reprennent spontanément. Le cœur et les poumons se réadaptent progressivement. Après s’être assuré que le cœur et les poumons fonctionnent bien, on laisse le cœur reprendre son travail et on stoppe la machine. Différents paramètres sont vérifiés. Une fois que tout est en ordre, les canules sont retirées. Les chirurgiens referment l’incision au niveau du thorax. Les gestes sont extrêmement fluides et les points d’une régularité impressionnante.
Une nouvelle vie
«Cela s’est très bien passé, s’enthousiasme le chirurgien en retirant ses gants chirurgicaux. Sur l’échographie, tout était parfait. C’est un véritable coup de baguette magique sur la vie de ce patient. Il a repris des couleurs normales. Il vient de passer des ténèbres à la lumière. Il va pouvoir courir et connaître enfin une vie d’enfant ordinaire».