Besoin d’antibiotiques, vraiment?
Patients et antibiotiques: les bonnes pratiques
- Si votre médecin vous prescrit un antibiotique, respectez scrupuleusement le dosage, la fréquence des prises et la durée du traitement en veillant à n’omettre aucune dose.
- N’arrêtez pas votre traitement prématurément, même si votre état s’améliore.
- Ne partagez jamais vos antibiotiques avec quelqu’un d’autre.
- Ne réutilisez pas, de votre propre chef, des antibiotiques prescrits lors d’un précédent épisode, même si les symptômes sont similaires.
- Une fois le traitement terminé, rapportez les comprimés restants à votre médecin ou dans une pharmacie.
- De nombreuses maladies, telles que la grippe, le covid ainsi que la majorité des angines et des bronchites, sont d’origine virale et ne nécessitent donc pas de traitement antibiotique.
40%. C’est le pourcentage d’antibiotiques dont la prescription n’était pas conforme aux recommandations, selon un audit mené au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) entre 2022 et 2023. Parmi les principales lacunes identifiées: une durée de traitement excessive et le recours à des molécules inadaptées. Cette problématique n’est bien sûr pas spécifique au CHUV: une étude réalisée en Suisse auprès de 250médecins généralistes a révélé que les antibiotiques sont excessivement prescrits, notamment dans les cas d'infections respiratoires, où leur utilisation n’est pas toujours justifiée1.
Ces prescriptions inappropriées ne sont pas sans conséquence car elles favorisent le développement de mécanismes de résistance chez les bactéries ciblées, ce qui réduit toujours plus l’efficacité des antibiotiques. Selon des données récentes, plus de 35000décès sont causés chaque année en Europe par des infections à bactéries résistantes. En Suisse, la tendance est à la hausse sur les dix dernières années et les hôpitaux font régulièrement face à des épidémies de germes résistants menaçant la sécurité des patients.
Mieux diagnostiquer pour mieux prescrire
Face à la menace de la résistance aux antibiotiques, il est donc essentiel de rationaliser leur utilisation, sans pour autant mettre en danger la santé des personnes malades. Les prescripteurs ont évidemment un rôle primordial à jouer pour garantir cet usage raisonné des antimicrobiens. La marche à suivre? La première étape consiste à établir un diagnostic précis pour éviter de prescrire des antibiotiques inutiles ou d’utiliser une molécule qui ne serait pas adaptée à la bactérie responsable de l’infection. Pour ce faire, les praticiens disposent de divers outils, tels que les algorithmes d’aide à la décision, l’examen clinique et les tests de laboratoire, comme les tests PCR et les antibiogrammes. À l’aide des tests PCR, tels que ceux employés pour le covid, on peut par exemple exclure une maladie virale, contre laquelle le traitement antibiotique ne servirait à rien. Et quand il s’agit de déterminer à quels antibiotiques la bactérie responsable de l’infection est sensible, c’est à l’antibiogramme que l’on fait appel. Cette démarche permet de choisir le traitement le plus efficace pour l’éliminer.
Mise en place de recommandations précises
Afin d’aider les médecins à prescrire l’antibiotique le plus adapté et la posologie appropriée, la Confédération a élaboré des recommandations de traitement pour la majorité des maladies bactériennes rencontrées en Suisse. Plusieurs applications d’aide à la prescription ont aussi été développées, telles que l’application Firstline des Hôpitaux universitaires de Genève, accessible gratuitement, y compris aux médecins exerçant en dehors de l’hôpital. Tous ces outils restent cependant sous-employés, en raison essentiellement d’un manque de temps, de connaissances ou de ressources financières.
Les chercheurs ayant conduit l’audit au CHUV entre 2022 et 2023 soulignent ainsi qu’il importe d’accompagner les praticiens par des formations continues et par la mise à disposition d’outils de référence à jour et facilement accessibles. Ils préconisent également la mise en place d’audits dans les hôpitaux et centres de soins non seulement pour sensibiliser les prescripteurs à la problématique, mais aussi pour aider à identifier tant les obstacles que les leviers nécessaires à l’amélioration des pratiques de prescription.
La diarrhée du voyageur
Lorsque l’on consulte son médecin avant un voyage lointain, il n’est pas rare que ce dernier prescrive des antibiotiques «au cas où», notamment si la destination est un pays à haut risque de diarrhées dites «du voyageur». Or, il a été démontré que ces prescriptions de secours encouragent l’automédication, bien que la grande majorité des diarrhées soient légères et se résolvent spontanément. Les recommandations actuelles de la Société suisse de médecine tropicale et des voyages déconseillent la prescription systématique d’antibiotiques de réserve avant un voyage, préconisant de limiter cette démarche à des indications spécifiques, chez les patients immunosupprimés par exemple.
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1 Glinz D, Leon Reyes S, Saccilotto R, et al. Quality of antibiotic prescribing of Swiss primary care physicians with high prescription rates: a nationwide survey. J Antimicrob Chemother. 2017 Nov 1;72(11):3205-3212.
*Adapté de: Valladares PU, et al. Lutte contre l’antibiorésistance: audits des pratiques pour cibler les actions. Rev Med Suisse. 2024; 20(869): 739-742.