Procréation médicalement assistée: le curieux chemin des spermatozoïdes
Depuis leur création dans les années 80, plusieurs milliers de bébés sont nés grâce aux techniques de procréation médicalement assistée (PMA).
Les hommes sont les plus concernés par les problèmes de fertilité. Selon l’Office fédéral de la statistique, dans plus de 45% des cas, un diagnostic d’infertilité masculine est posé (17% d’infertilité féminine et 25,7% mixte) chez les couples qui ont recours à la PMA. Si l’infertilité masculine est très répandue, elle reste complètement taboue. Quelles solutions et quels chemins de traverse les spermatozoïdes sont-ils contraints d’emprunter pour espérer féconder un ovule? Les réponses dans notre reportage.
Au sein de la maternité du CHUV, les couples en désir d’enfants croisent le chemin des femmes enceintes et des mamans avec leur nourrisson dans les bras.
Située au deuxième et au septième étage l’Unité de médecine de la reproduction (UMR) reçoit chaque année de nombreux couples romands en proie à des difficultés pour donner vie à leur projet d’enfant.
Parallèlement, des hommes viennent y donner leur sperme (banque de sperme), pour en aider d’autres à concevoir.
Dans la salle d’attente, une femme de 39 ans accompagne son mari, venu recueillir son sperme en vue d’une congélation. Dans deux semaines, ils tenteront pour la première fois une fécondation in vitro «ICSI» (de l’anglais Intra-cytoplasmic sperm injection). Cette technique, très utilisée aujourd’hui, est indiquée notamment dans certains cas d’infertilité masculine. Elle consiste à injecter un spermatozoïde directement dans l’ovule, pour augmenter les chances de fécondation.
Après quatre jours d’abstinence, l’homme au regard sérieux et aux cheveux poivre et sel, s’apprête à rentrer dans la petite pièce tapissée de violet, spécialement aménagée. Une chaise, une télévision, un lecteur dvd et quelques revues classées X pour faire monter le désir, en toute intimité, ou presque. «Parfois, les messieurs viennent avec leur partenaire, mais la plupart du temps ils sont seuls, commente Brigitte Valzino, laborantine à l’UMR. En cas de blocage psychologique, ils peuvent récolter leur sperme à la maison et nous l’amener dans l’heure qui suit». Ce père de trois enfants, qui rêve de donner un bébé à sa nouvelle compagne, aborde la situation avec sérénité: «Ce n’est ni une épreuve physique, ni psychologique. On profite des avancées de la science et on met simplement toutes les chances de notre côté», confie-t-il.
Case «spermogramme»
Avant cela, il a dû effectuer un (voire deux) «spermogramme», un examen permettant d’analyser la qualité du sperme et de détecter les anomalies.
Dans le laboratoire attenant, les deux techniciennes manipulent avec précaution le sperme fraîchement recueilli dans un entonnoir: «D’abord, on le laisse se liquéfier dans un bain-marie à température de 37 °C pendant trente minutes environ, explique Nicole Cita, laborantine.
Ensuite, on dépose quelques gouttes sur une lame à l’aide d’une pipette qu’on place sous le microscope». Sur l’écran de l’ordinateur relié au microscope, des petits «têtards» bougent dans tous les sens. «On mesure la concentration des spermatozoïdes, leur mobilité et leur morphologie. Un nombre réduit, voire une absence totale (azoospermie), une faible mobilité ou des défauts morphologiques peuvent être responsables de l’infertilité, explique la Dr Wunder. Mais dans environ 10% des cas, il arrive aussi qu’aucune cause de l’infertilité (ni chez l’homme, ni chez la femme) ne soit identifiée». Dans certains cas, l’infertilité masculine peut être soignée par un traitement hormonal, opératoire ou antibiotique. Mais les possibilités de traitement sont limitées. Souvent, la cause de l’infertilité masculine ne peut pas être identifiée et seules l’ICSI ou l’insémination avec donneur permettent d’y remédier. Les moyens d’action sont en revanche plus étendus pour l’infertilité féminine.
De l’autre côté du laboratoire, la laborantine s’attèle à la cryogénisation. Les candidats à la PMA y ont parfois recours pour avoir l’assurance d’avoir du sperme le jour du traitement chez leur partenaire. «Cette solution rassure les hommes stressés à l’idée de devoir éjaculer sur commande. Mais la congélation abîme un peu le matériel», prévient la Dr Wunder. Aussi, en cas de maladie (cancer par exemple) ou de traitement toxique, les patients peuvent faire congeler leur sperme pour pouvoir concevoir après la guérison.
Dans ces bonbonnes se côtoient des milliards de spermatozoïdes
La technicienne place les paillettes – de petits tubes de plastique contenant le sperme - portant l’identité du patient, dans une machine qui abaisse leur température à - 150 °C. Elle dispose ensuite les paillettes dans des étuis nominatifs qui sont déposés dans une grosse bonbonne d’azote liquide à - 196 °C. Les paillettes sont ainsi stockées dans un local sécurisé.
Après avoir analysé le sperme, les laborantines procèdent au lavage par centrifugation, une étape qui mime le passage des spermatozoïdes à travers la glaire cervicale: «On le centrifuge pour le débarrasser de toutes les cellules et des spermatozoïdes morts», explique Brigitte Valzino. Les candidats les plus prometteurs se concentrent dans le fond du tube. En fonction des résultats obtenus après le lavage, le médecin propose au couple l’un ou l’autre des traitements (FIV, ICSI, insémination).
«La procréation, c’est un feuilleton passionnant»
La fécondation est laissée aux mains expertes de la biologiste. Dans le laboratoire spécialisé (air filtré, température et lumière adaptées), la Dr Marie-Pierre Primi, responsable du laboratoire, fait se rencontrer les gamètes mâles et femelles, récoltées le matin: «Pour la FIV, on les réunit dans de petites cupules, qu’on place ensuite dans l’incubateur qui remplace en quelque sorte le ventre de la mère. La température, le taux d’oxygène et d’humidité sont proches des conditions physiologiques de l’utérus». Le lendemain, elle ira voir le résultat de la fécondation. «En procréation assistée, chaque étape est déterminante pour pouvoir passer à la suivante. C’est un feuilleton passionnant», relève la biologiste. Pour l’ICSI, les manipulations sont plus techniques et se font à l’aide d’un microscope et de micromanipulateurs: «On libère d’abord les ovocytes de leurs cellules nourricières. Puis, on choisit les spermatozoïdes qui paraissent les plus beaux et les plus vigoureux et on en injecte un dans chaque ovocyte.» Les spécialistes mettent toutes les chances de leur côté, mais au final, c’est la vie qui décide d’éclore ou pas.
Dans la salle de consultation d’à côté, un couple tente sa chance pour la dernière fois. «Après quatre essais infructueux qui n’ont pas débouché sur une grossesse, on va me transférer les embryons qui me restent», raconte cette femme de 42 ans. «On espère toujours que cette fois est la bonne, poursuit son mari. Le premier échec a été difficile à vivre. Au fil du temps, on perd espoir, d’autant plus que les chances de succès après décongélation sont moindres qu’après un transfert d’embryons “frais”. Même si ça ne marche pas cette fois-ci, on va s’arrêter là. Ma femme a plus de quarante ans et cela coûte une fortune». Dans quinze jours, ce couple courageux saura enfin s’ils deviendront parents…
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Infertilité
En fonction de l'âge, il est conseillé de consulter après six mois ou une année de tentatives infructueuses pour mettre en route une grossesse. L'absence de règles pendant six mois sans grossesse doit aussi amener à consulter. Enfin, il est bon de se rappeler que dans la moitié des cas la cause de l'infertilité se trouve chez l'homme.