Fertile ou non? Un test à faire chez soi propose un comptage des spermatozoïdes
Depuis février 2015, les pharmacies françaises proposent un test à faire soi-même permettant d’évaluer la fertilité masculine: le «SpermCheck Fertility», déjà commercialisé aux Etats-Unis, au Canada et en Grande Bretagne. On peut par ailleurs l’obtenir facilement par Internet. Il est basé sur le comptage des spermatozoïdes contenus dans le liquide séminal. L’infertilité masculine étant très souvent due à une concentration trop faible de ces gamètes dans le sperme.
Pour rappel, la limite de la fertilité est établie par l’OMS à 15 millions de spermatozoïdes par millilitre de liquide séminal. Un chiffre revu à la baisse, la norme étant préalablement de 20 millions/ml. Ce seuil critique est basé sur des études épidémiologiques qui montrent que 95% des hommes devenus pères en moins d’une année se situaient au-dessus de cette limite. Le test est donc positif si le nombre de spermatozoïdes par millilitre de liquide séminal est égal ou supérieur à cette limite et négatif s’il se situe en dessous.
Un test fiable?
Pour Fabien Murisier, spécialiste en fertilité masculine pour les laboratoires Fertas et pour l’Hôpital cantonal de Fribourg, la fiabilité du test en elle-même n’est pas en cause. C’est son interprétation et sa réalisation qui posent problème.
Le test détecte une protéine (SP10), située dans la tête du spermatozoïde, ce qui en permet le comptage. Si le nombre de spermatozoïdes est suffisant, le résultat est positif quel que soit l’état de ces derniers. «Et donc, à l’extrême, même s’ils sont tous morts!», souligne Fabien Murisier.
Le test ne donne en effet aucune indication sur la mobilité des spermatozoïdes, leur vitalité ou leur morphologie, autant d’indicateurs de fertilité. Par ailleurs, quelque 5% des pères se sont avérés fertiles alors qu’ils se situaient en dessous du seuil établi par l’OMS. Enfin, de nombreux paramètres, comme la fièvre par exemple, peuvent influer sur la qualité du sperme.
Aussi simple qu’un test de grossesse?
Le test de fertilité masculine serait aussi simple à effectuer qu’un test de grossesse. Vraiment? «C’est plus compliqué. Le test se fait en plusieurs étapes qui comportent chacune une possibilité d’erreur, ce qui peut fausser les résultats», explique Fabien Murisier. Un homme peut ainsi se retrouver estampillé fertile ou stérile, à tort. Ce qui est tout aussi dommageable. Un faux diagnostic peut en effet retarder la prise en charge d’un couple qui a des difficultés à concevoir. Si bien que le recours à ce test, même en préalable à une consultation, n’a pas beaucoup de sens.
La fertilité masculine en Suisse
Une vaste étude nationale sur la fertilité masculine auprès des recrues de 18 à 22 ans a été lancée il y a dix ans, notamment sous l’égide de la Fondation Faber, puis interrompue faute de moyens en 2012. Elle a été reprise récemment à Berne afin de compléter les résultats.
Le but est de connaître l’évolution de la fertilité masculine sur une génération, en fonction des régions. Et de savoir si la diminution de la concentration du sperme se stabilise ou non.
Les premiers résultats, tombés en 2012 déjà, concernent la Suisse romande et le Tessin. Ils montrent chez les recrues suisses une concentration de 40-44 millions de spermatozoïdes par millilitre de liquide séminal. Sans différence significative par région. Restent encore à connaître les chiffres pour Berne et les Grisons. Mais les premiers résultats ne montrent pas d’exception helvétique. Ils se situent dans les valeurs que l’on retrouve notamment en France, au Danemark et aux Etats-Unis.
La diminution actuelle de la fertilité masculine pourrait être en lien avec une exposition à des substances utilisées dans les années 70-80. Car la fertilité se joue dans les premières semaines de vie de l’embryon. Certains produits utilisés notamment dans l’agriculture à l’époque sont aujourd’hui interdits.
Bébé ne vient pas
Faut-il consulter immédiatement si bébé ne vient pas? «Tout dépend de l’âge de la femme, relève le spécialiste. Si elle est jeune, on peut se permettre d’attendre un à deux ans et, éventuellement, prendre des mesures d’hygiène de vie pour les deux partenaires: alimentation équilibrée, exercice physique, éventuelle perte de poids, arrêt de la cigarette, etc.» A partir de 35 ans, la fertilité baisse rapidement chez la femme. Il faut donc consulter sans trop tarder. A 40 ans, les chances de succès d’un traitement contre l’infertilité sont deux à trois fois moindres qu’à 35 ans.
Les causes de l’infertilité masculine
Reste que les études montrent une baisse de la concentration en spermatozoïdes dans le liquide séminal. Elle a pratiquement diminué de moitié du début du XXe siècle à nos jours en passant d’une moyenne de 70-80 millions/ml à 40-50 millions/ml.
De nombreux facteurs influencent la fertilité masculine. Comme l’exposition aux perturbateurs endocriniens, ces molécules qui ressemblent à des hormones et sont omniprésentes dans notre environnement. Une étude réalisée aux Etats-Unis a ainsi montré que les voisins d’exploitations agricoles où l’on utilisait des pesticides accusaient une nette baisse de la qualité de leur sperme.
D’autres molécules contenues dans certains médicaments, utilisés par exemple pour traiter les cancers, ont une influence négative. Dans cette situation, il n’y a pas de véritable choix pour le patient, si ce n’est de congeler le sperme préventivement. Mais d’autres cas sont parfaitement évitables, comme le dopage à la testostérone qui a paradoxalement une influence délétère sur la fertilité. Un effet qui peut aller jusqu’à la stérilité si l’hormone est prise sur une longue durée.
L’hygiène de vie joue un rôle important également. Ainsi le diabète, le surpoids, un mode de vie très sédentaire, le tabagisme, l’alcool, ont une influence négative sur la fertilité.
Quant à la morphologie des spermatozoïdes, c’est un sujet plus compliqué; dans des cas rares, les spermatozoïdes sont si fortement anormaux qu’ils sont incapables de féconder un ovule.
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Infertilité
En fonction de l'âge, il est conseillé de consulter après six mois ou une année de tentatives infructueuses pour mettre en route une grossesse. L'absence de règles pendant six mois sans grossesse doit aussi amener à consulter. Enfin, il est bon de se rappeler que dans la moitié des cas la cause de l'infertilité se trouve chez l'homme.