Pourquoi l’alcool est-il nuisible à l’enfant dès le début de la grossesse?

Dernière mise à jour 06/03/14 | Article
Pourquoi l’alcool est-il nuisible à l’enfant dès le début de la grossesse?
Les effets néfastes d'une consommation d'alcool par la femme enceinte sont connus. Des chercheurs anglais lèvent maintenant le voile sur les mécanismes impliqués dans ce phénomène. Une raison supplémentaire pour inciter les femmes enceintes à la plus grande modération.

Il y aura bientôt un demi-siècle que le pédiatre français Paul Lemoine décrivit pour la première fois ce qui allait s’appeler le syndrome d’alcoolisation fœtale. Comprenez l’ensemble des symptômes et des anomalies (souvent graves) dus à la consommation (importante ou très importante) d'alcool par la future mère pendant la grossesse.

La toxicité des boissons alcooliques perturbe de façon plus ou moins importante le développement des organes du fœtus. Selon les quantités d’alcool ingérées et le stade de la grossesse on peut observer différentes malformations et déficiences intellectuelles chez les enfants concernés.

«Zéro alcool» ou pas?

Depuis 1968, les observations du Dr Lemoine ont été amplement confirmées dans différents pays où l’alcoolisme sévit de façon chronique. Ces études ont progressivement conduit les autorités sanitaires à recommander de manière de plus en plus pressante l’abstinence absolue chez les femmes enceintes.

C’est ainsi que sont apparues, assez récemment, des campagnes de prévention basées sur le thème de l’objectif «zéro alcool pendant la grossesse». Un message décliné de diverses manières, y compris parfois sous la forme de logos présents sur les étiquettes de boissons alcooliques. Mais ces messages n’atteignent pas toujours leur objectif.

En pratique la question la plus souvent posée demeure de savoir quelle quantité maximale d’alcool une femme enceinte peut boire sans nuire au développement de l’enfant qu’elle porte.

Premières semaines de grossesse

Une étude menée sur ce thème par des chercheurs et des médecins anglais1 apporte de nouveaux éléments. Elle permet de comprendre de quelle manière les molécules d’alcool ingérées par la femme enceinte peuvent affecter le développement de l’embryon.

Dirigée par le Dr Clare L. Tower (Institute of Human Development, University of Manchester, St. Mary’s Hospital, Manchester), cette équipe s’est tout particulièrement intéressée à l’impact des consommations modérées ou élevées d’alcool durant le premier trimestre de la grossesse. Il s’agit là d’une période critique pour le développement normal des organes du nourrisson, assuré via le placenta

Les chercheurs ont notamment étudié expérimentalement les effets de l’alcool sur des cellules impliquées dans la formation du placenta aux premiers stades de la grossesse, peu de temps après la fécondation de l’ovule par un spermatozoïde.

Le rôle de la taurine

Ils expliquent avoir pu confirmer leur hypothèse selon laquelle la molécule d’alcool et celles issues de sa dégradation (acétaldéhyde) étaient toxiques dès ce stade de la grossesse. En analysant la croissance de cultures cellulaires en fonction de différents niveaux d’alcool, ils ont notamment pu mettre en évidence le rôle de la taurine. Cet acide aminé essentiel pour le développement est notamment impliqué dans les mécanismes de neurotransmission.

Il est ainsi apparu que l’alcool, à de faibles concentrations, ne semble pas avoir d'effet sur la croissance et le fonctionnement des cellules placentaires. En revanche, l'alcool à des niveaux modérés et élevés réduit le transport de la taurine de la mère à l'enfant, via le placenta. Or on sait par ailleurs que cet acide aminé est essentiel pour le développement cérébral et physiologique de l’enfant.

Cette réduction de l’apport en taurine peut donc avoir des effets négatifs sur son comportement et son développement physique ultérieur. Il pourrait ainsi contribuer à expliquer les symptômes qui caractérisent le syndrome d’alcoolisation fœtale.

Conséquences indélébiles

Ces résultats ont des implications pratiques. Des consommations de boissons alcooliques qui peuvent encore être considérées comme acceptables dans la population générale peuvent, en tout début de grossesse, avoir des conséquences négatives sur le placenta. Des conséquences indélébiles pour ce qui est du développement fœtal et embryonnaire.

C’est là une donnée importante quand on sait qu’il peut s’écouler plusieurs semaines entre la fécondation et la découverte de l’existence d’une grossesse.

1. Cette étude vient d’être publiée dans la revue PLoS ONE.Une copie (en anglais) de la totalité de l’étude est disponible ici.

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