Michel Halpérin: «Il faudra faire mieux avec moins d’argent»
Quelles sont vos ambitions en tant que nouveau président du Conseil d’administration des HUG?
Michel Halpérin: mes ambitions sont à la fois défensives et conquérantes. Défensives, car dans le contexte économique que nous traversons, il va falloir batailler pour que les HUG ne perdent pas de leur substance. Il faudra en effet, avec des moyens plus limités que par le passé, continuer à fournir des prestations de premier ordre en matière de santé publique. Conquérantes car même si les vents sont contraires, il est indispensable de relever les nouveaux défis et de maintenir les HUG à la pointe du savoir-faire des hôpitaux suisses, dans le domaine des soins comme dans celui de la recherche universitaire. Les HUG à cet égard peuvent se comparer avec les meilleures institutions en Europe et dans le monde. Les enjeux de ces prochaines années sont donc à la fois financiers et scientifiques, thérapeutiques et universitaires. Je souhaiterais par conséquent ne pas me contenter de préserver les acquis mais projeter l’institution au-delà, renforcer encore le potentiel des HUG.
Quelle est votre position sur la loi concernant les DRG (Diagnosis Related Group), qui met les hôpitauxen concurrence?
La loi est faite, je n’ai plus rien à dire. Ce n’est d’ailleurs pas au niveau de la loi que l’on pourra espérer des changements prochains. Ce que l’on peut souhaiter de mieux, c’est que ses conséquences ne soient pas trop rudes pour les Hôpitaux universitaires genevois. Des plans stratégiques ont été mis en place par l’équipe de direction et par la présidence précédente, pour fixer la stratégie à suivre juqu’à l’horizon 2015. Mais à cet horizon, les nouvelles dispositions légales seront en vigueur, ce qui aura pour conséquence que les Hôpitaux devront faire de nouveaux efforts par rapport à ceux qui leur sont actuellement demandés.
Quels efforts?
«Les HUG économisent déjà 25 millions par année»
Les Hôpitaux universitaires genevois se sont astreints avec succès à réaliser un plan d’économies de 25 millions par an, qui, au terme de trois ans, représentera une économie de 75 millions de francs. C’est déjà un très grand effort. On peut pourtant s’attendre à ce qu’il leur soit demandé davantage. C’est donc dans la préparation de ces efforts supplémentaires que les HUG seront confrontés à des choix: peut-on être plus efficace avec des ressources moindres ou faut-il diminuer les prestations, autrement dit les soins, la recherche ou l’équipement technologique ? Ces choix pourraient mettre en péril les admirables résultats auxquels l’établissement est parvenu au fil des ans. La responsabilité en incombera bien sûr au Conseil d’administration, mais, au-delà, c’est aux institutions politiques qu’il appartiendra, en dernier ressort, de trancher.
A Genève, il existe de nombreuses cliniques privées et semi privées. Quelle est la relation qu’entretiennent les HUG avec celles-ci?
Ces relations ont toujours été concurrentielles mais elles le sont désormais davantage par la volonté de l’Etat. Chaque établissement médical va s’efforcer d’être attrayant, ce qui peut entraîner une baisse des tarifs. Les HUG n’échapperont pas à cette nécessité mais il leur faudra simultanément éviter, pour baisser les prix, de réduire la qualité des soins, de la recherche ou de l’enseignement. Les Genevois sont attentifs à la qualité de leurs hôpitaux qui seront donc contraints d’être à la fois plus compétitifs financièrement et qualitativement. Ces objectifs sont contradictoires, mais il faudra les ajuster.
En juin 2012, le député et psychiatre Claude Aubert déposait un texte au Grand Conseil dénonçant la gestion autocratique exercée par le directeur général Bernard Gruson et la Direction générale des HUG. Ses accusations sont-elles fondées?
Ma première impression est que la Direction générale des HUG est de grande qualité. Elle incombe à Monsieur Gruson qui a son style mais travaille au sein d’un Conseil de direction. Si son style est parfois ressenti comme abrupt, il faut se rappeler que les HUG sont un navire important et que son capitaine doit prendre des décisions qui, forcément, ne sont pas toujours consensuelles. De surcroît, le Conseil de direction et le directeur général sont soumis au contrôle du Conseil d’administration. Ce dernier est composé de 19 personnes. On est donc, me semble-t-il, assez loin d’un régime autocratique.
«Les décisions d’un directeur d’une institution aussi importante ne sont pas toujours consensuelles»
Bernard Gruson va bientôt prendre sa retraite et vous êtes à la recherche d’un nouveau directeur général. La commission de nomination avait placé un candidat belge en tête de sa liste. Pourquoi avez-vous écarté sa candidature?
Le Conseil d’administration s’était saisi de trois candidatures. L’une d’entre elles comportait des expectatives salariales qui n’étaient pas en ligne avec les pratiques genevoises, elle n’a donc pas été retenue. La question de la nationalité du candidat n’a pas été examinée par le Conseil.
Il semblerait que vous soyez davantage à la recherche d’un bon gestionnaire que d’un bon médecin. Pourquoi?
Je dirais les choses autrement. Le Conseil d’administration a exprimé assez largement l’idée qu’avoir un médecin à la tête des hôpitaux offre peut-être un avantage supplémentaire, mais que ce n’est pas une condition même de l’exercice. Un médecin doit pouvoir faire de la médecine, mais un médecin qui est en même temps directeur général des hôpitaux ne fait plus beaucoup de médecine. Il n’en a simplement plus le temps.
Si vous étiez médecin, quel type de médecine pratiqueriez-vous?
Par tempérament, je pourrais plus facilement m’imaginer en médecin de campagne faisant un peu de tout et ayant une relation personnelle avec chaque patient plutôt qu’en chercheur de pointe dans un laboratoire. Cela n’enlève rien à l’admiration que je porte à ces chercheurs grâce à qui la médecine fait constamment des progrès dont chacun de nous bénéficie.
Photographies: © Romain Graf.