«La notion de mort naturelle a perdu de sa signification»
Avec les nouvelles directives de l’Académie suisse des sciences médicales (ASSM), pensez-vous que les demandes d’assistance au suicide vont augmenter?
Annette Mayer: Elles ont déjà passablement augmenté ces dernières années. Mais il ne faut pas oublier que la demande d’assistance au suicide ne se fait, selon mon expérience d’accompagnante spirituelle, que rarement sur un coup de tête. Ce type de démarche est souvent mûrement réfléchi –le plus souvent en lien avec une maladie évolutive. Je ne pense pas que les nouvelles directives vont faire exploser les cas.
L’assistance au suicide est-elle courante à l’hôpital?
Une assistance au suicide par une association comme Exit, à laquelle un patient aurait fait appel, ne se pratique que très rarement au sein d’un hôpital. Et surtout pas par les professionnels de la santé employés par l’institution hospitalière! Un hôpital ne peut accepter une telle démarche qu’à titre d’exception, si le transfert du patient, soit à domicile, soit à un autre endroit, n’est pas possible. Ainsi, le nombre de réalisations d’une assistance au suicide dont j’ai eu connaissance à l’hôpital n’est pas immense. Les patients qui le désirent rentrent en principe à la maison pour prendre le barbiturique. Je ne suis donc pas présente lorsque les choses se passent.
En tant que théologienne catholique, que pensez-vous du suicide assisté?
Pour ma part, dans l’accompagnement centré sur une personne concrète et donc pas dans l’abstraction conceptuelle, je peux avoir beaucoup de compassion, voire de compréhension pour les personnes qui demandent ce type d’aide. Au niveau de la singularité d’une personne, il ne s’agit jamais de situations faciles et une posture doctrinaire me semble inconcevable. Je suis très sensible à l’articulation d’une éthique individuelle et d’une éthique sociale. Autant je suis motivée pour un accompagnement empathique de la personne, autant je suis critique quant à la tendance sociétale à la banalisation ambiante. Comme théologienne, je considère que le suicide et l’assistance au suicide sont de l’ordre du tragique. D’ailleurs, les études montrent qu’aujourd’hui, l’appartenance religieuse devient de moins en moins importante pour une grande partie de la population et leur positionnement en la matière.
Les personnes croyantes ne sont-elles malgré tout pas davantage enclines à mourir de mort naturelle?
Mais qu’est-ce qu’une mort naturelle? Aujourd’hui, cette notion a perdu de sa signification. La majorité des décès sont prévisibles et accompagnés par des traitements. N’importe quel médicament, n’importe quelle option thérapeutique entraînent des conséquences sur le corps et donc sur sa survie.
Les soins palliatifs sont-ils une alternative au suicide assisté?
Il ne faut surtout pas opposer les deux, ni les mettre au même niveau. Il serait naïf de croire que les soins palliatifs peuvent toujours garantir une mort douce. Ils aident cependant les patients à favoriser la meilleure qualité de vie possible telle qu’eux-mêmes la définissent. Et ils les aident à exercer leur autonomie. Ce qui peut également signifier, dans certaines situations, que le patient choisisse le suicide assisté en toute conscience.
Faut-il ouvrir l’assistance au suicide à tout le monde, y compris aux personnes en bonne santé?
Les médecins ont une responsabilité –sans pour autant avoir une attitude paternaliste– envers leurs patients et, dans ce sens, un devoir de prévention du suicide. Le plus important aujourd’hui est que tout un chacun puisse réfléchir à ces questions avant d’y être confronté. La consultation publique actuelle du texte sur la planification anticipée des soins (PAS) est primordiale. Patient et médecin doivent former un partenariat et discuter en amont de cette thématique. J’encourage dans ce sens les gens à regarder le formulaire de l’ASSM et à répondre aux questions.