Dossier médical: les droits du patient

Dernière mise à jour 19/06/19 | Article
Le patient peut-il exiger du médecin la suppression de certains éléments du dossier médical, voire sa destruction? Éléments de réponse.

Le dossier médical contient des données concernant la santé du patient, soit des données sensibles dont la connaissance par des tiers pourrait éventuellement être préjudiciable aux intérêts du patient. La question se pose dès lors de savoir si le patient est en droit d’obtenir que ces éléments du dossier médical soient supprimés, voire même que le dossier médical soit détruit.

Tout d’abord, il faut savoir que l’établissement d’un dossier médical pour chaque patient est une obligation légale qui incombe au médecin.[1] Le dossier médical contient toutes les informations concernant le patient en mains du médecin, notamment l’anamnèse, l’examen clinique, les résultats des analyses effectuées, l’évaluation de la situation et les soins prodigués. Ces éléments sont couverts par le secret médical, c’est-à-dire que le médecin ne peut les divulguer à des tiers sans le consentement du patient, au risque de s’exposer à des poursuites pénales (art. 321 du Code pénal) et/ou disciplinaires pour violation du secret professionnel[2]. En d’autres termes, les éléments du dossier médical ne sortent du cabinet médical que si le patient y consent. Il s’agit là d’une première garantie qui protège la sphère personnelle du patient contre la connaissance par des tiers non autorisés d’éléments concernant sa santé. A noter que le secret médical perdure indéfiniment, même en cas de décès du patient.

Ceci étant, le patient pourrait souhaiter (pour des raisons qui lui sont propres) que certains éléments du dossier médical soient modifiés, effacés, voire même que le dossier médical soit supprimé. Cette situation présente une tension entre les souhaits du patient et les obligations légales du médecin.

Modification du dossier médical à la demande du patient

Le patient a bien entendu le droit de consulter le dossier médical le concernant et de s’en faire remettre, en principe gratuitement, une copie[3]. L’obligation de reddition concerne l’intégralité du dossier médical (manuscrit ou non), à l’exception en principe des notes strictement personnelles relatives à des impressions subjectives du médecin sans lien avec la prise en charge (cf. par exemple art. 55 al. 2 LS/GE). Ceci étant – sous réserve des cas où le dossier médical contiendrait d’éventuelles données inexactes[4] –, le droit de consultation n’a pas pour corollaire un droit pour le patient d’exiger la modification ou la suppression de données contenues dans le dossier médical.

En d’autres termes, le patient ne pourra en principe – et sous cette réserve – pas exiger que le dossier médical soit modifié. Il peut néanmoins le demander. Libre au médecin d’y donner ou non suite selon les motifs invoqués.

Destruction du dossier médical

Dépendant du droit cantonal applicable, le médecin a l’obligation de conserver le dossier médical pendant une certaine durée[5], ce qui s’oppose à une éventuelle demande du patient de supprimer le dossier médical pendant cette période. Dans les cantons de Genève et Vaud, cette durée est actuellement de dix ans depuis la dernière consultation.[6] Dans les cantons de Neuchâtel et Valais, le dossier doit être conservé aussi longtemps qu’il présente un intérêt pour le patient, mais au moins 10 ans.[7]

Une éventuelle décharge signée par le patient ne saurait en principe valablement libérer le médecin de cette obligation, car il s’agit de prescriptions de droit sanitaire. De plus, en cas d’éventuelle contestation par le patient concernant la prise en charge, le médecin pourrait se trouver dans l’impossibilité de prouver certains faits si le dossier médical a été détruit partiellement ou totalement, de sorte que le médecin serait bien avisé de ne pas accéder à une demande en ce sens du patient avant l’échéance du délai de prescription. Ce délai est actuellement de dix ans en matière de responsabilité contractuelle[8], mais il va passer à vingt ans pour les cas de dommages corporels dès le 1er janvier 2020.[9]

Ainsi, en pratique, le patient ne pourra – en principe – pas obtenir du médecin la destruction du dossier médical avant l’échéance de dix ans depuis la dernière consultation, voire de vingt ans dès le 1er janvier 2020 si ce praticien entend pouvoir se défendre efficacement en cas d’éventuelle procédure en matière de responsabilité civile.[10]

Si le droit cantonal prévoit un délai à partir duquel le dossier médical doit être supprimé, le patient pourra en principe en exiger le respect. A Genève, ce délai est actuellement de vingt ans après la dernière consultation, sauf si des intérêts privés du patient ou des intérêts publics s’y opposent.[11]

Le droit pour le patient d’obtenir la destruction du dossier – s’il est institué par le droit cantonal – n’est donc pas absolu, chaque situation pouvant présenter des particularités dont il conviendra de tenir compte dans une éventuelle pesée d’intérêts.

_______

Paru dans Planète Santé magazine N° 34 - Juin 2019

[1] Par exemple. art. 52 de la loi genevoise sur la santé (LS/GE).

[2] Par exemple art. 87 LS/GE.

[3] Par exemple art. 55 al. 1 LS/GE.

[4] Cf. notamment art. 5 de la loi fédérale sur la protection des données (LPD).

[5] L’obligation de conserver le dossier médical ainsi que la durée prescrite s’appliquent bien entendu également en cas de décès du patient.

[6] Cf. art. 57 LS/GE, art. 87 al. 5 LSP/VD.

[7] Art. 64 al. 2 LS/NE.

[8] Art. 127 CO.

[9] Le Conseil fédéral a fixé au 1er janvier 2020 la date d’entrée en vigueur des nouvelles dispositions de droit privé en matière de prescription.

[10] A noter qu’il est probable que les législations cantonales s’adapteront au nouveau délai de prescription de vingt ans en modifiant en conséquence le délai de conservation obligatoire.

[11] Par exemple art. 57 al. 2 LS.

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